Monique Lecomte-Archier a vécu de 4 à 23 ans en Algérie ; Laurent Leroy se passionne pour cette page d’histoire des Normant.
© Photo NR
Il y eut d’abord les machines et puis des hommes. A la fin des années 1930, le savoir-faire de la Fabrique Normant a été exporté à Tlemcen en Algérie.
A l’époque, Monique Lecomte-Archier avait 4 ans ou 5 ans seulement. « Mon père est parti en 1938 avec du matériel de chez Normant » se souvient très bien la pimpante octogénaire, attablée dans son pavillon des Favignolles, un livre retraçant l’histoire des métiers à tisser en Algérie ouvert devant elle. Directeur de filature, son père, André Lecomte, fut l’un des premiers à quitter Romorantin. « Il y avait d’abord eu Monsieur Prevost », remonte le fil du temps celle qui ralliera l’Algérie avec sa mère et son frère dès l’année 1939. Et pourtant, « il n’était pas question qu’on parte au départ ». C’était sans compter l’attachement d’une poignée d’ex-Normant à la MTO, Manufacture de tapis d’Orient (ou Manufacture de tapis oranaise) jusqu’alors spécialisée dans les tapis.
Plusieurs familles d’expatriés
« Au départ, je pensais que l’usine s’était contentée d’envoyer du matériel, mais en fait, ils ont aussi envoyé du personnel, qui souvent est resté là-bas », a ainsi découvert Laurent Leroy, l’un des spécialistes de l’histoire de la Fabrique Normant. Après avoir déjà réalisé un mémoire sur le sujet en 2008, ce salarié de l’entreprise St Michel à Contres passionné d’histoire et de généalogie, s’est lancé dans la rédaction d’une thèse consacrée à l’histoire hors du commun des frères Normant.
Cette piste d’Afrique du Nord est le fruit d’une rencontre inespérée. « La fille de Monique a vu une publication sur Facebook et m’a contacté pour me dire que sa mère avait connu la MTO », raconte-t-il encore surpris par la coïncidence.
« A un moment donné, il a même été question que les deux sociétés s’associent », explique Laurent Leroy après avoir pu dénicher des comptes rendus de conseil d’administration de l’entreprise Normant. Finalement, seules les machines et quelques hommes scelleront cette alliance entre Romorantin et Tlemcen. L’historien amateur a trouvé la trace d’un montant d’achat de 817.000 francs pour les machines. S’agissant des Romorantinais présents là-bas, ils auraient été une dizaine environ, quatre ou cinq familles, selon Monique Lecomte-Archier : « Au fur et à mesure que les gens sont arrivés, ils nous ont même construit un immeuble, on était regroupés ».
Sa propre mère travaillera quelque temps comme trieuse de laine à la MTO, tandis que son père y terminera sa carrière comme directeur de filature. « J’avais appris à faire les tapis », raconte celle dont les deux grands-pères ont aussi travaillé chez Normant.
Coconeuses et renvideurs
Monique Lecomte-Archier passera plus de 15 ans en Algérie. « J’en suis revenue, j’avais 23 ans, j’étais mariée et j’avais des enfants », raconte-t-elle, le regard moins pétillant à l’évocation de la suite des événements, les prémisses de la guerre d’Algérie. « Mon mari a été victime d’un attentat devant la maison, on est revenu à Romorantin ». C’était en 1956, le début d’une nouvelle vie et une carrière dans un laboratoire d’analyses, puis surveillante au collège Léonard-de-Vinci.
Mais Tlemcen, ses jours heureux, elle ne les a jamais oubliés. En 1985, lors de son dernier voyage là-bas, l’usine de fabrication de tapis existait toujours, tandis que Normant avait fermé ses portes en 1969. « Il y avait encore le même matériel que papa avait installé », se souvient même la descendante de plusieurs générations de salariés de la filature. De l’autre côté de la Méditerranée, les « coconeuses » et « renvideurs » tournaient encore.
Contact : leroy.hist@gmail.com
repères
A Romorantin, le début de la fin
> A l’époque de la vente des machines à tisser à la MTO, la manufacture des frères Normant devait encore compter « un bon millier de salariés », estime Laurent Leroy. Même si « elle faisait déjà face à des difficultés ».
> Spécialisée dans la fabrication de tapis, la MTO fabriquera des draps et ensuite les vêtements militaires et couvertures pendant la guerre. La ville de Tlemcen aurait compté jusqu’à 55 fabricants de tapis dans les années 1950.
> A Romorantin, en juin 1935, la direction a voulu imposer une baisse de 5 ou 6 % des salaires, entraînant une grève d’un mois. « Un mouvement très dur », précise l’historien amateur, emmené par un certain Kléber Loustau, futur secrétaire d’Etat, maire de Selles-sur-Cher.
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Posté Le : 03/04/2018
Posté par : tlemcen2011
Ecrit par : leroy
Source : lanouvellerepublique.fr