Algérie

Quand Makri exige l'interdiction du français !



Après avoir expérimenté, souvent et sans succès, différentes démarches susceptibles de le hausser au rang d'acteur majeur au sein de la classe politique, Makri a fini par verser dans de stériles polémiques. De celles qui réfutent l'échange d'idées leur préférant la stigmatisation personnalisée qui n'est rien d'autre que du terrorisme verbal. A force de croire en son autorité auprès de ses pairs, le patron du MSP n'a en vérité récolté que l'irritation y compris les militants de son propre parti. C'est que la démesure de ses propos et parfois la vulgarité de ses interprétations n'ont pas manqué d'inspirer certains traits caricaturaux le présentant dans la posture de l'imprécateur. C'est-à-dire un personnage politique incapable de se présenter en opposant policé mais en procureur obtus. En effet, à défaut d'analyses fondées sur des preuves tangibles, ne s'était-il pas spécialisé, par le passé, dans les propositions outrancières même lorsque le sujet est secondaire ' Le dernier en date remonte précisément à quelques jours lorsqu'il décréta qu'il était temps d'en finir avec l'usage officiel des langues étrangères et de sacraliser à leur place exclusivement l'arabe, quitte à recourir à la criminalisation de tout acte permissif.À ce propos, il est malheureusement nécessaire d'exiger de lui l'illustration de ses prétendues certitudes. En d'autres termes, qu'il nous éclaire sur sa démarche et nous montre sur quel principe intangible il s'appuie pour affirmer que seule la langue arabe est l'inspiratrice de la Charia et que celle-ci est par définition la source de notre Constitution. Car si cette équation devait s'imposer à toute les nations islamiques, que penser alors des 80 millions de musulmans turcs et des 250 millions d'Indonésiens dont les Etats ignorent souverainement toutes les déclinaisons de la langue arabe ' Mieux encore, que faire des chrétiens d'Egypte, de Syrie, du Liban et de l'Irak qui conduisent la messe du dimanche dans la langue du Coran ' Faut-il les convertir de force juste pour satisfaire le délirant Makri '
En vérité, la dernière stupidité de ce personnage n'est que l'illustration du retour de l'ancien « refoulé politique » qu'il partage avec un pan entier de compatriotes réfractaires à l'idée d'un héritage historique qualifié par le passé de butin de guerre linguistique. Même si le débat autour de la langue nationale était trop vieux pour réactiver cette querelle, il n'en reste pas moins que les réponses du passé n'ont satisfait aucune partie. C'est pourquoi, au tournant de la décennie 1980, l'exacerbation opposant les locuteurs des deux langues contribua à la création de fractures linguistiques que l'on a vite fait de mettre sur le compte d'une fantasmatique révolution identitaire. Dans ce contexte, apparurent, alors, des lignes conflictuelles qui autorisèrent le recours à d'injustes procédures à l'instar de la vieille surenchère de l'APN en 1990.
L'inénarrable Belkhadem, alors président du Parlement par intérim, fera passer en force une loi comminatoire au profit de l'usage généralisé de l'arabe dans un délai n'excédant pas six mois !
Trente années plus tard, Makri souhaite reprendre à son compte le chantage du député de cette époque dont la réputation d'intégriste n'avait échappé à personne. Ainsi, au concept moderne de « l'altérité-diversité », l'on opposa sans discernement l'archaïque « unicité-hégémonisme » consacrant un idiome unique lequel se veut être l'expression exclusive de l'identité nationale. Elaborée dans cet esprit, la fausse solution ne pouvait qu'inspirer une certaine intelligentsia convaincue que, face à la langue sacrée, il n'existerait que des idiomes mineurs dont l'usage se réduit à l'oralité. D'ailleurs, l'autorité professorale que confère habituellement l'université allait faire le nécessaire en travestissant l'altérité naturelle de la culture algérienne en aliénation contagieuse ! C'est de la sorte que les ?uvres des romanciers, poètes et publicistes surgies au c?ur de la guerre d'indépendance furent examinées à nouveau dans l'intention de leur trouver quelques compromissions attentatoires à l'idée du patriotisme. Bien qu'il fût difficile d'admettre que pareille infamie ait pu atteindre la plupart d'entre eux, l'on ne peut cependant oublier que le premier à avoir mis à plat sa relation avec une langue étrangère était l'un des précurseurs de la littérature engagée. C'est à Malek Haddad que l'on doit justement la fameuse fulgurance à partir de laquelle il annonça son « exil définitif dans la langue française » y ajoutant, en toute bonne foi, qu'il demeurait pour toujours « un orphelin de lecteurs ».
À la différence de Kateb Yacine et Mammeri qui n'eurent pas à souffrir de pareils états d'âme, lui, par contre, avait ressenti son handicap linguistique comme une déchirure intérieure. Signe de la permanence de ce malentendu, il avait porté comme un fardeau son auto-exclusion dont la ligne de partage demeure à ce jour l'arbitraire entre les graphies par où se valide l'identité du créateur. Car, quarante-deux années après sa disparition, il est toujours celui qui a contresigné l'échec d'une espérance initiale portée par le combat pour la renaissance nationale. C'est-à-dire le souvenir d'un intégrisme linguistique dont les méfaits sont à ce jour perceptibles quant à la manière de jauger les ?uvres écrites en langue étrangère. Prendre donc ombrage des origines de la langue a fini par devenir la riposte idéale des ayatoallah de la politique dont fait partie l'incendiaire Makri. Cet agitateur de tréteaux qui a laissé entendre que même la littérature algérienne d'expression française ne fut jamais nationale sinon par la nostalgie folklorique d'un pays perdu.
B. H.


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