Algérie

Quand les militaires font regretter Moubarak'



Arrestations arbitraires, tribunaux d’exception, procès militaires et persécution des militants des droits de l’homme sont autant de pratiques qui caractérisent l’Egypte post-Moubarak. En effet, dix mois après la révolution du 25 janvier, la situation des droits de l’homme en Egypte ne cesse de se dégrader.
Des organisations des droits de l’homme qualifient cette période où les militaires règnent «de violation massive des droits humains et que même au temps de Moubarak le pays n’a pas connu autant d’atteintes aux droits en une si courte période». Ainsi, plus de 13 000 personnes ont été arrêtées depuis mars dernier, parmi elles de nombreux activistes et blogueurs. Elles sont jugées par des tribunaux militaires ou des tribunaux spéciaux ; 13 ont été condamnées à mort. «Nous n’avons jamais connu autant de procès militaires. Avant la révolution, il y en avait moins, alors que le jugement des barons de l’ancien régime traîne encore. Comme si nous n’avions pas fait de révolution», dénonce l’avocat Rawdha Ahmed, du Réseau arabe d’information sur les droits de l’homme (RAIDH). Les évènements de Maspero (siège du ministère de l’Information) au Caire, le 9 octobre dernier, où des chrétiens coptes ont fait l’objet d’une répression sauvage qui s’est soldée par la mort d’une vingtaine de personnes, sont une illustration parfaite des atteintes aux droits de l’homme.
13 000 personnes arrêtées depuis mars
Des militaires ont commis «un massacre qui reste comme une tache noire dans l’histoire de l’armée et les médias publics, comme au temps du rais, ont fait dans la propagande la plus abjecte accusant à tort les coptes de vouloir provoquer une guerre confessionnelle», a réprouvé le RAIDH. L’enquête pour déterminer les commanditaires et les exécutants de cette répression est entourée d’une opacité totale. Les organisations non gouvernementales et les familles des victimes craignent que «la lumière ne soit faite et que l’on sacrifie des lampistes pour assurer l’impunité aux vrais responsables de ce massacre».
A peine un mois après, un autre drame s’est produit et a noirci davantage un tableau déjà bien sombre. Celui des évènements de 19 novembre dernier où pas moins de quarante personnes ont été assassinées par les agents des services du ministère de l’Intérieur. La rue Mohamed Mahmoud (du nom d’un ancien ministre de l’Intérieur), entre la place Tahrir et le ministère de l’Intérieur est devenu le symbole de la mort. «La police a fait usage de balles réelles ; des snippers qui ciblaient les yeux des manifestants», a dénoncé un rapport de pas moins de 20 ONG égyptiennes. «Nous avons chassé Moubarak et son clan, mais les nouveaux chefs du Caire sont aussi cruels que le président déchu. La nature du régime n’a pas changée. En dix mois de pouvoir, le bilan des militaires est macabre. Que des morts, des blessés et des arrestations arbitraires», regrette Amer El Wakil, coordinateur des alliances des jeunes de la révolution.
Des blogueurs devant des tribunaux militaires
Amnesty International fait un constat accablant. «En faisant comparaître des milliers de civils devant les tribunaux militaires, en réprimant les manifestations pacifiques et en élargissant le champ d’application de la législation d’urgence, le Conseil suprême des forces armées perpétue la tradition du régime répressif que les manifestants du 25 janvier ont combattu si ardemment», déclaré Philip Luther, directeur adjoint du programme Afrique du Nord et Moyen-Orient de l’ONG. Les ONG égyptiennes ont porté à la connaissance de l’opinion d’autres pratiques «blâmables». «Des femmes ont fait l’objet d’enquêtes aussi étranges qu’ignobles : la police a osé arrêter des jeunes militantes pour vérifier si elles sont vierge ou pas. Cela s’est passé dans l’enceinte du Musée d’Egypte. Une seule victime seulement a osé porter plainte. C’est un vrai tabou», s’indigne le RAIDH. Personne n’échappe aux foudres des nouveaux maîtres du Caire. Trois blogueurs sont en prison en attente d’une comparution devant des juridictions militaires. Amer El Bahri est l’un d’eux ; il est condamné à six mois de prison devant un tribunal militaire pour avoir accroché une banderole sur laquelle était écrit : «Nous voulons nettoyer El Ghardaka», une ville située sur la rive de la mer Rouge. Un autre blogueur, Michael Mounir, est accusé d’avoir écrit sur son blog : «L’armée et le peuple ne sont pas main dans la main.» Il sera jugé par un tribunal militaire. Mais le cas le plus absurde est celui du blogueur Alaa Abde, qui croupit en prison. Il est poursuivi pour douze chefs d’inculpation dans l’affaire «Maspero». Il sera jugé devant une juridiction d’exception. Le CSFA déploie tous les moyens pour museler toute voix discordante. En somme, l’Egypte traverse une phase critique de son histoire et le risque d’un basculement dans un régime plus despotique que celui qui a été renversé est plausible. Les Egyptiens, qui ont réussi héroïquement à déposer Moubarak et son clan au terme d’un soulèvement populaire inédit, sont conscients que l’ancien régime résiste avec fermeté au changement. Le combat pour la démocratie est loin d’être gagné.


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