Algérie

Quand le sage montre la lune…



Quand le sage montre la lune…
Quand le sage montre la lune, l'idiot regarde le doigt ! Et le cheikh Qaradhaoui a encore une fois omis de regarder la lune.Quelques jours après l'appel remarqué de l'ayatollah Rafsandjani adressé d'abord et surtout aux chiites de cesser les pratiques qui alimentent la haine sectaire et font le lit des organisations terroristes comme El-Qaïda et Daech, cheikh Al-Qaradhaoui a salué l'évènement «surprenant» et «tardif». Mais pour en faire un usage que l'on pourrait qualifier de «politicien» alors que l'enjeu est de désactiver les bombes sectaires dans un monde musulman qui traverse une multitude de guerres civiles alimentées de l'extérieur et entretenues par les pouvoirs locaux.Son texte, publié sur site web, est en effet très loin d'être à la hauteur de l'appel de Rafsandjani. Le «guide» des Frères musulmans avait une opportunité de saisir la gravité du message de son homologue iranien, il a choisi de n'y voir qu'une sorte d'aveu de «culpabilité» chiite. La preuve que, lui, Qaradhaoui et les religieux sunnites les plus bornés ont raison sur toute la ligne. Et, a ajouté Al-Qaradhaoui, après avoir pris acte des déclarations de Rafsandjani, «nous attendons des actes et pas des paroles».Le décalage entre les deux hommes est abyssal. Rafsandjani, en religieux et en homme politique, veut engager une démarche d'apaisement en s'attaquant d'abord à ce qui se fait dans le rang des chiites. Chez les «siens». Il engage une vraie bataille, un vrai «djihad» contre la bêtise et des pratiques ancrées qui peuvent devenir, facilement, explosives. Qaradhaoui s'abstient d'en faire de même et cherche à tirer un gain, illusoire, des propos de Rafsandjani, sur le mode de «j'ai eu raison».Rafsandjani a décidé courageusement de s'attaquer aux responsables religieux qui ne sont pas à la hauteur du message et contribuent à l'approfondissement du clivage au lieu de le combattre. On aurait attendu que Qaradhaoui utilise sa célébrité pour en faire de même. Qu'il s'adresse à ceux qui parmi les sunnites propagent une haine violente contre les chiites. Et, hélas, cela ne manque pas, il suffit de prendre une télécommande et de regarder les discours qui se diffusent sur des dizaines de chaînes contre les «safavides», les «rafidas» et les «groupes égarés».Al-Qaradhaoui, lui-même, a édicté des fatwas qui ont incité des dizaines de milliers de djihadistes à aller en Syrie et il a justifié le déversement des armes et de l'argent qui ont alimenté cette guerre. Al-Qaradhaoui s'est même confondu en excuses auprès des oulémas saoudiens, les pires producteurs de discours anti-chiites, pour avoir exprimé, à un moment de sa vie, des appels à un rapprochement entre sunnites et chiites. C'était en 2013, du haut de sa chaire d'Al-Jazira, qu'il a perdue sur pression des Saoudiens, qu'il s'était livré un mea-culpa public en affirmant que les religieux saoudiens ont été plus perspicaces que lui sur la «menace chiite » et les menées de «diable » d'Hassan Nasrallah, le chef du Hezbollah.Qaradhaoui, comme les religieux du Golfe, est un producteur de fatwas primaires et violentes dont la traduction s'écrit dans le sang sur de nombreux théâtres. Il avait, avec l'appel de Rafsandjani, l'opportunité d'entrer dans une démarche vertueuse, de participer à la lutte contre le poison sectaire qui a été poussé à incandescence dans la région arabe. Il ne l'a pas saisie. Il a choisi, avec beaucoup de petitesse, d'y trouver un motif de certitude. Il a regardé le doigt quand on lui montrait la lune !




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