Algérie

Quand le pouvoir balise la voie pour 2019


Mais qui a pu bien élaborer la mouture du règlement intérieur de l'Assemblée ' Le projet de texte, en débat depuis deux jours à l'hémicycle, suscite, en effet, plus d'interrogations sur ses motivations sous-jacentes qu'il ne satisfait à une disposition constitutionnelle. À voir la réaction de nombreux parlementaires, on peut conclure que ce projet de texte risque de faire désordre. Visiblement inspiré, il vise, par bien des égards, à réduire à néant les voix dissonantes de l'opposition. Qu'importe si certaines dispositions vont à l'encontre de la Constitution. C'est ainsi que l'article 114 de la Constitution stipule expressément que "l'opposition parlementaire jouit de droits lui permettant une participation effective aux travaux parlementaires et à la vie politique, notamment la liberté d'opinion, d'expression et de réunion (...)".Or, dans le règlement intérieur, il est stipulé que le président de la séance plénière peut interrompre l'intervention d'un député s'il porte atteinte aux principes de la société algérienne, à la Révolution ou à ses symboles, au président de la République ou s'il évoque une affaire en justice en cours. Dans l'article 126 de la Constitution relatif à l'immunité parlementaire, il est également stipulé que celle-ci est reconnue aux députés et aux membres du Conseil de la nation pendant la durée de leur mandat.
"Ils ne peuvent faire l'objet de poursuite, d'arrestation, ou en général de toute action civile ou pénale ou de pression, en raison des opinions qu'ils ont exprimées, des propos qu'ils ont tenus ou des votes qu'ils ont émis dans l'exercice de leur mandat." Passons sur le fait que l'article 48 de la Constitution dispose que "les libertés d'expression, d'association et de réunion sont garanties au citoyen". À la volonté de "contrôle" de la parole au sein de l'hémicycle s'ajoutent d'autres dispositions contraignantes. C'est ainsi que la proposition d'un éventuel débat parlementaire sur quelque sujet est soumis aux desiderata du bureau de l'APN.
C'est également le cas pour l'interpellation du gouvernement. Cette série de garde-fous ne ciblent certainement pas la majorité assimilée à une "caisse de résonance du pouvoir". Et ce ne sont pas les sanctions pécuniaires prévues pour lutter contre le phénomène de l'absentéisme qui les contraindront à rejeter le projet. Assurément, elle cible ces nombreuses voix qui empêchent de "penser en rond". Surtout que certaines interventions de députés de l'opposition ont pu susciter quelque sympathie auprès de la population après l'interpellation du gouvernement sur la destination de 1 000 milliards de dollars ou encore sur les scandales de corruption. Au moment où le FLN et ses organisations satellites préparent la finalisation des "réalisations du Président", il n'est probablement pas de "bon ton", aux yeux des décideurs, de voir des voix leur rappeler leur échec.
Sinon, quel sens à donner à "l'atteinte au Président" ou à "l'évocation de procès de justice en cours" ou encore "aux principes de la société", concept aussi vague que "fourre-tout" ' À moins d'une année de l'élection présidentielle, ce projet se décline confusément comme un autre jalon pour étouffer toute voix susceptible de parasiter la démarche des décideurs. Après avoir presque "éradiqué" l'exercice politique, malmené les syndicats, mis au pas les médias, le pouvoir veut visiblement éliminer la petite niche de l'expression libre encore possible. L'APN, comme tribune à l'opposition, semble avoir vécu.
Karim Kebir
Votre commentaire s'affichera sur cette page après validation par l'administrateur.
Ceci n'est en aucun cas un formulaire à l'adresse du sujet évoqué,
mais juste un espace d'opinion et d'échange d'idées dans le respect.
Nom & prénom
email : *
Ville *
Pays : *
Profession :
Message : *
(Les champs * sont obligatores)