Si beaucoup d'observateurs de la scène algérienne reconnaissent souvent qu'il n'y a pas d'opposition politique en Algérie, il suffit de voir le fonctionnement de l'Assemblée populaire nationale pour s'en convaincre.Le plus souvent désertée, c'est une assemblée consentante qu'on retrouve chaque fois qu'elle est appelée à voter un projet de loi. Sa composante formée de députés issus majoritairement de partis au pouvoir explique en grande partie son ralliement indéfectible aux politiques du gouvernement, notamment celles qui concernent les questions économiques cruciales. L'adhésion est d'ailleurs telle que l'assemblée n'a jamais rejeté un projet de loi et n'en a même jamais proposé. La seule initiative qu'elle compte à son crédit est celle d'avoir lancé une enquête sur les raisons qui ont conduit à la hausse des prix de l'huile et du sucre, à l'origine des émeutes de février 2011.
En clair, l'assemblée dont la fonction est de légiférer ne pèse pas grand-chose sur les décisions du gouvernement, quelles qu'elles soient. Et c'est d'autant plus vrai quand il s'agit des questions économiques. Un député du MSP a reconnu récemment que les parlementaires «débattent avec un certain analphabétisme économique».
Le fait est que le manque de visibilité sur le plan économique est loin d'être l'apanage du gouvernement. Selon certains économistes, les programmes des différentes formations politiques souffrent d'un «manque flagrant de contenu à caractère économique».
C'est d'ailleurs, ce qui pourrait expliquer que les aspects économiques des programmes soient systématiquement relégués au second plan lors des campagnes électorales où le discours populiste prime sur tout le reste. Dans ces conditions, il n'est donc pas étonnant de voir les députés davantage «se souciant de leurs intérêts personnels en profitant des ressources de l'Etat» comme le faisait remarquer Lahouari Addi, professeur de sociologie politique, que de discuter les questions économiques.
Moussa Touati, président du Front national algérien (FNA), expliquant cette situation, affirme que «les députés sont devenus des fonctionnaires qui travaillent moyennant un salaire dont la contrepartie est de lever la main». «Ils jouent le jeu du système».
Qu'ils soient nationalistes, démocrates ou islamistes, les partis politiques ne communiquent pas ou très peu sur leur programme économique (même si pour certains, leurs grandes lignes sont exposées sur leur site web) et ne semblent pas en mesure d'opposer à la vision unilatérale du gouvernement, des arguments économiques convaincants. Des partis comme le PT, le MSP et le RCD, contactés par nos soins pour nous donner de plus amples détails sur le sujet n'ont pas jugés utile de nous répondre.
Déficit de formation
«La plupart qui se prétendent être des activistes dans des partis politiques ne connaissent pas si leurs partis ont réellement un fil conducteur qui fixe une idéologie particulière», explique dans une contribution au journal El Watan, Larbi Mehdi, sociologue, maître de conférence à l'université d'Oran. Selon lui, «certains d'entre eux ne savent pas la définition exacte de ce que c'est le socialisme, le capitalisme, le libéralisme ou le communisme.
Ce déficit de formation idéologique explique le comportement de certains qui migrent d'un parti à un autre en fonction de leurs propres intérêts».
Dans ce contexte, c'est le discours populiste qui fait place aux débats idéologiques, même si certains partis politiques tentent parfois de se faire entendre. C'est le cas notamment du Parti des travailleurs (PT), souvent à l'origine des critiques les plus virulentes envers les choix économiques du gouvernement. Il est d'ailleurs l'un des rares à avoir dénoncé la loi sur les hydrocarbures dans sa première mouture avant qu'elle ne soit révisée. Tout comme il a dénoncé systématiquement la politique des privatisations, d'investissement étranger ou encore ce qu'il considère comme «le monopole» de certains groupes privés nationaux.
Moins radical, le FNA de Moussa Touati n'en défend pas moins les intérêts économiques nationaux contre les appétits voraces des multinationales qui viennent sous couvert de l'investissement «détourner les fonds algériens avec la complexité de partenaires nationaux», selon M. Touati.
Le RCD qui prône les vertus de «l'économie de marché régulée par un Etat crédible» et qui siège à l'APN par à-coup en profite pour dénoncer la corruption, tout en remettant en question les chiffres officiels du gouvernement sur l'économie nationale.
Le FFS de Aït Ahmed, semble, quant à lui, davantage préoccupé par les questions politiques qu'économiques. Questionné sur les visions économiques du parti, l'ex-premier secrétaire Karim Tabou avait déclaré plus d'une fois, l'année dernière, que «l'heure est d'abord de régler la question politique par l'ouverture». «Il n'y aura pas de décollage économique avant l'installation d'institutions politiques démocratiquement élues», avait-il dit.
Quant au FLN et au RND qui se relayent à la tête du gouvernement, ils incarnent une politique économique dont tous les experts économiques indépendants s'accordent à dire qu'elle manque de visibilité, de clarté et de cohérence. Ce qui ne paraît pas indisposer le moins du monde les députés siégeant à l'Assemblée nationale où les projets de loi du gouvernement passent comme une lettre à la poste. Ce qui est d'autant plus révélateur quand on sait le nombre de fois où le gouvernement a pondu des lois avant de les remettre en cause. Le seul exemple des lois de finances est édifiant à ce propos.
A l'heure actuelle, les partis présents sur la scène politique ne paraissent pas en mesure de peser sur les décisions et les choix économiques du pays. «Les partis politiques ne se sont pas présentés comme antidote pour anéantir le mal» qui ronge le pays, affirme l'enseignant Larbi Mehdi, «par contre, ils l'ont développé par leurs comportements et leurs discours «creux», non scrupuleux à la situation sociale et économique déplorable de la population».
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Posté Le : 27/02/2012
Posté par : archives
Ecrit par : Safia Berkouk
Source : www.elwatan.com