Algérie

Quand le marché du réveillon est gâché : Les Algériens en quête de la liberté perdue chez eux



Le marché du réveillon revient en Algérie, mais très timidement. «Les commerçants reconnaissent une petite hausse de la demande ces derniers jours, mais ils avouent que cette hausse est très légère», déclare Hadj Tahar Boulenouar, président de l'Association nationale des commerçants algériens (ANCA).Ainsi, selon ce représentant des commerçants, l'activité des pâtissiers a augmenté entre 20 et 25 % dans certaines wilayas, telles que Sétif, Alger, Blida et Oran. La hausse de l'activité a été également constatée au niveau de certains établissements classés, ayant opté pour l'organisation des fêtes à l'occasion du réveillon.
La hausse de la demande au niveau de ces établissements a été accompagnée d'une hausse des prix. «Les dîners servis durant les autres jours de l'année, qui variaient entre 2000 et 4000 DA le plat, ont atteint le jour du réveillon 10 000DA», souligne M. Boulenouar, qui fait remarquer que dans certains hôtels classés, des plats ont été affichés à 20 000 DA.
Par ailleurs, le président de l'ANCA regrette ?la régression de l'activité touristique au niveau interne?. Selon des données, certains établissements touristiques n'ont même pas fonctionné à 30% de leurs capacités. Les raisons de cette situation sont multiples. M. Boulenouar évoque la problématique liée à la qualité/prix.
Comparativement à la Tunisie, les prix en Algérie demeurent élevés et la prestation est de moindre qualité. Notre interlocuteur estime qu'en Algérie, les opérateurs dans le domaine du tourisme se sont mal préparés à cet événement qui aurait pu profiter à l'économie du pays. M. Boulenouar reproche aux autorités locales d'être inertes et de ne rien préparer à cette occasion. «Le réveillon n'est pas synonyme de boissons alcoolisées, un gala de chaâbi peut réunir des familles pour profiter de cette soirée à de moindres coûts», estime-t-il, d'autant plus que le climat est propice ces jours-ci.
Ce commerçant appelle également les agences de voyages à ?uvrer dans le but de booster le tourisme local. Un secteur qui a du mal à démarrer, en dépit de l'intérêt qui lui est porté. En effet, les Algériens préfèrent toujours les destinations étrangères, qui semblent moins coûteuses que des séjours en Algérie.
La Tunisie pour plus liberté et de discrétion
Néanmoins, le motif évoqué est-il la seule raison de la ruée des Algériens cette année vers la Tunisie ' Pas seulement ! «Les gens cherchent beaucoup plus la liberté et la discrétion», explique le président de l'ANCA.
Ainsi, si l'Europe n'est pas accessible, la Tunisie, la Turquie et l'Egypte demeurent les refuges pour des Algériens en quête de liberté pour passer à la fois leurs vacances et le réveillon, loin des regards et des préjugés.
A propos des attitudes des Algériens, Saïd Djabelkhir, islamologue, estime que si les gens vont ailleurs, c'est parce que le climat interne ne permet pas de fêter le réveillon en toute liberté.
«Ce climat ne permet pas aux jeunes de jouir de leur liberté», regrette l'islamologue, d'où, d'après lui, le recours des jeunes à des aventures périlleuses pour atteindre l'Europe. M. Djabelkhir explique le départ des Algériens à l'étranger pour fêter le réveillon par le fanatisme religieux, qui continue, d'après lui, à peser sur la société. «Le discours religieux interdit de fêter le réveillon, interdit les relations entre garçons et filles.
Il n' y a pas d'espace pour s'épanouir sentimentalement et sexuellement», déplore M. Djabelkhir, qui n'omet pas à l'occasion de remettre en cause certaines pratiques des forces de l'ordre qu'il juge «anticonstitutionnelles».
Il cite à titre d'exemple les couples traqués dans des parcs et partout dans les espaces publics. En ce qui concerne le marché du réveillon, qui demeure une occasion gâchée, l'islamologue considère qu'en raison des interdits, on ne sait pas si les Algériens en sont «consommateurs» ou pas.
De son point de vue, cela ne peut s'expliquer par la baisse du pouvoir d'achat. Qu'en est-il des appels à la tolérance à l'égard des autres religions, du moins au niveau officiel (la béatification des moines de Tibhirine, par exemple). Saïd Djabelkhir considère ces gestes comme un «double discours», et de poursuivre : «Ils sont en train de traquer les Ahmadites, les chiites et les évangélistes et ils reconnaissent la liberté des catholiques», tout en rappelant à l'occasion que notre société est loin d'être tolérante à l'égard de ceux qui sont différents.
Le fanatisme religieux est-il le seul mal qui freine la société ' Pas seulement, répond notre interlocuteur, «les mentalités traditionnelles pèsent toujours. Nous n'avons rien fait pour faire évoluer les choses. Il nous reste un long chemin à faire».


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