Algérie

Quand le calife défend l'ogresse



Rien n'est moins vrai concernant le metteur en scène Ahmed Belaâlem qui, depuis deux décennies, ne cesse de changer d'association. Tantôt, c'est une petite troupe de Stidia ou de Aïn Tédelès, tantôt c'est dans la fournaise de l'étroite vallée du Haut Cheliff, plus précisément à El Amra, une commune rurale que seules les déviations de la RN4 font miraculeusement découvrir aux Algériens, puis ce sera l'expérience du Sud, à Laghouat, plus précisément. Auteur prolifique, formateur infatigable, alliant avec bonheur les théories à la pratique, ce sera grâce aux collégiens de Médéa venus participer à la 14e édition du théâtre scolaire qu'il montera un sublime spectacle de clôture qui envoûta le public de la Salle Bleue, un certain 5 juillet 2007. S'ensuivra une longue période de collaboration avec l'association Abdelkader Farah, avec en parallèle la formation des jeunes, un souci permanent chez notre artiste. C'est cette exigence érigée en dogme par Belaâlem qui lui fera gravir les marches vers l'excellence. Avec une aisance déconcertante. Des multiples consécrations, tant en Algérie qu'à l'extérieur, ne lui feront point tourner la tête.Ses spectacles montés dans la rigueur, la sérénité et l'isolement, loin des lampions et des effervescences factices, ne cessent de lui procurer que des satisfactions et des consécrations. Avec ses gars de la montagne, à deux coudées de Benchicao, là où pousse l'un des vignobles les plus hauts perchés du monde, Ahmed Belaâlem revient avec El Ghoula, l'ogresse, ce redoutable monstre que personne n'a croisé sans y laisser la vie ou pour les plus chanceux, un bras.Avec un décor des plus dépouillés ' le clin d''il au théâtre professionnel est fulgurant ' que le réalisateur maintiendra tout au long de la pièce, les acteurs mettront du temps à accrocher le public. En effet, les dialogues de la première partie avaient de quoi lasser le plus irréductible tant par leur légèreté que par les banalités assénées sans retenue par des acteurs qui peinaient. Puis soudain, la salle Bleue s'emballa avec le récit qui se fait de plus en plus incisif et de plus en plus éloquent. Sous l'emprise du verbe et des situations, notamment dès l'apparition du calife, une géniale diversion pour faire croire à une histoire médiévale ' le texte original est l''uvre du Tunisien Tayeb Sehili ' et l'évidente coalition entre le système en place et ce monstre marin, qui terrorise la population, privant de sortie les malheureux pêcheurs et qui ne se gène pas de faire disparaître ceux qui osent le défier. La pièce prend alors une autre tournure. Pour la confrontation finale avec le califat, en l'occurrence, le système en place, qui affiche clairement sa volonté de défendre le monstre et d'empêcher la population d'aller le perturber en mobilisant ses services. Là, avec beaucoup de doigté et des dialogues percutants, Belaâlem aura fait très fort.En investissant de la sorte le front social, il ne fait que revenir à la bonne vielle recette imaginée par les classiques du théâtre, faire dans l'analogie avec pédagogie. Le dernier quart d'heure sera joué à un rythme soutenu, les répliques les plus incisives et les plus tranchantes mettront à nu un système corrompu, capable de toutes les connivences, tout juste pour se perpétuer, y compris en s'alliant au diable. Qui n'est ni un requin « Merrach », ni un poulpe « Karnitt », mais un monstre de laboratoire, allié sournois d'un système pervers. Nul doute qu'une fois dépouillé de ses lourdeurs premières, le spectacle des amateurs médéens fera une bonne pêche auprès du public. Le metteur en scène, ce « Ibn Battouta » de l'art scénique algérien pourra alors changer de rivages, pour revenir avec des 'uvres aussi truculentes que cette Ghoula de nos jours sombres.  >   


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