Aujourd?hui, contrairement à Corneille, l?auteur de cette citation, on devrait plutôt dire lorsque la tête a failli, c?est toujours le bras qui trinque. L?inverse, c?est plus juste. Une stratégie mal inspirée au départ conduit toujours à de mauvais résultats non pas pour ceux qui l?ont concoctée mais pour ceux qui l?ont exécutée. C?est ainsi qu?un patron incapable de redresser son entreprise parce qu?il a commis une erreur stratégique désigne son personnel comme bouc émissaire et le licencie. Au passage, il s?octroie sans état d?âme une substantielle augmentation de salaire quand ce n?est pas autre chose. C?est une pratique à laquelle on s?est habitué depuis que les liquidations d?entreprises et les fermetures d?usines sont devenues monnaie courante chez nous. Mais on est loin des subtilités en cours dans d?autres pays où les patrons localisent leurs avoirs dans un " trust " afin de les mettre hors de portée d?éventuels créanciers en cas de faillite. C?est du cynisme à l?état pur. Cependant, ces comportements se retrouvent parfois à des niveaux différents avec d?autres variantes. L?actualité financière en fournit un exemple. Les fiascos enregistrés dans l?organisation et la conduite des affaires économiques du pays ont eu pour soubassement soit l?absence totale de stratégie, c?est le pilotage à vue, ou bien une stratégie mal conçue, et c?est l?échec programmé. La restructuration organique des années quatre-vingts est l?illustration parfaite d?un ratage stratégique. Le problème, c?est que ses concepteurs ont eu de belles promotions sans jamais sourciller. L?ardoise est supportée aujourd?hui par toute une génération. Que ce soit à l?échelle micro ou macro, une politique ou une décision insuffisamment réfléchie et précipitée conduit à des situations lourdes de conséquences pour ceux qui en subissent les effets. Toutes les fermetures d?entreprises et les incessants changements de cap chez nous sont la conséquence logique d?erreurs stratégiques. Evidemment, le premier perdant c?est la nation parce que le processus de développement est retardé ou bloqué et ça lui coûte beaucoup. Les autres perdants, c?est les travailleurs dont certains vivront des drames sociaux. Finalement, les expériences avortées et les erreurs commises au nom de ceux qui n?ont jamais participé à la prise de décisions ni au choix arrêtés ont, quelque part, réussi à modifier les m?urs politiques puisque le résultat est là : une stratégie industrielle discutée publiquement par toutes les parties prenantes. C?est un progrès et c?est rassurant pour l?avenir pour peu que le jeu continue. Cette avancée doit également se traduire par la mise en place d?une instrumentation de contrôle appropriée et surtout d?évaluation des choix (industriels, technologiques, spatiaux, etc.) décidés afin de rattraper les erreurs, parce que les erreurs, il y en aura. Les questions financières qui sont liées à toute stratégie ont été occultées, et, pour certaines, elles ont été mal posées, surtout que chacun sait que le rôle des banques n?est pas de faire de la promotion industrielle. Elles doivent accompagner et partir, pour reprendre l?expression d?un grand chef politique, " gagnant, gagnant ". La participation des banques dans le cadre de cette stratégie se pose différemment puisqu?elles-mêmes ont précisément besoin de toute une stratégie qui viendra compléter et renforcer la première aussi bien sur le plan interne que sur le plan externe dans la conquête des marchés extérieurs. Et précisément, c?est ce point non maturé qui risque de poser problème et peut conduire à faire " trinquer le bras alors que c?est la tête qui a failli ".
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Posté Le : 05/03/2007
Posté par : sofiane
Ecrit par : Dib Saïd
Source : www.elwatan.com