Depuis maintenant quatre jours, le monde entier a les yeux rivés sur In Amenas.
Les médias internationaux ne parlent que de la terrible prise d'otages du site gazier de British Petroleum et des scénarios de dénouement de cette attaque terroriste. Paradoxalement, en dépit de l'intérêt planétaire porté à cette affaire, aucune image n'a filtré de la «bataille de Tigantourine». Les médias doivent se contenter d'images d'archives et d'infographies approximatives. Et jusqu'en fin de journée, hier, il n'y avait toujours pas de bilan définitif de l'opération de libération des otages. Les chiffres sont distillés par bribes, au gré de la progression de l'opération, mais aussi du bon vouloir de nos officiels. Si l'opinion nationale apporte un soutien inconditionnel à nos forces spéciales dans cette épreuve, il faut dire qu'une bonne partie de nos compatriotes ne comprennent pas les raisons d'un tel black-out. Ainsi, comme à chaque situation de crise, les autorités de notre pays ont eu, une nouvelle fois, ce réflexe pavlovien qui consiste à se murer dans un silence énigmatique et «laisser jaser» jusqu'à ce que la tempête passe.
Durant toute la journée de mercredi, silence radio au sommet. Nous n'aurons ni l'image ni le son, et il a fallu attendre le JT de 19h sur Canal Algérie pour voir enfin le ministre de l'Intérieur, Daho Ould Kablia, s'exprimer sur le sujet. Le ministre avance un premier bilan bien loin de la réalité, avant d'affirmer que le groupe de Mokhtar Belmokhtar «n'est entré ni du Mali ni de Libye». Le lendemain, le même ministre rectifie l'info en déclarant que le groupe terroriste en question «est venu de Libye». La journée du jeudi sera celle de l'assaut et ses conséquences. Une opacité totale entoure l'opération. C'est la cacophonie au niveau des chiffres. La confusion se trouve aggravée par l'annonce faite par l'agence de presse mauritanienne Nouakchott information (ANI) qui fait état de 34 otages étrangers qui auraient été tués suite à la riposte militaire. Un vent de panique souffle sur les capitales des pays concernés. David Cameron pique une colère noire et exige des explications en regrettant de ne pas avoir été informé de l'assaut.
Le Japon proteste vivement et demande, de son côté, l'arrêt immédiat de l'opération avant de convoquer, hier, notre ambassadeur à Tokyo. Pour sa part, la Maison-Blanche souhaite obtenir des «éclaircissements» sur le déroulement de l'assaut. Le groupe terroriste «Al Mouaqiouna bi'dam» communique via Al Jazeera et l'agence mauritanienne ANI. Sur les plateaux télé, les experts se succèdent, chacun y allant de son analyse. Certaines voix n'hésitent pas à accabler l'Algérie, lui reprochant notamment d'être passée trop vite à l'attaque. Curieusement, c'est le président français, François Hollande, et ses ministres qui essaient de calmer tout le monde en réitérant à chaque fois leur confiance aux autorités algériennes. Pendant ce temps, notre appareil diplomatique est aux abonnés absents. Le président Bouteflika ne juge pas utile de se fendre de la moindre déclaration. Le terrain médiatique est totalement abandonné.
Une conférence de presse à In Amenas
Il nous faudra attendre, là encore, le JT de 19h pour voir cette fois le ministre de la Communication, Mohamed Saïd, fiches à la main, intervenir pour fournir des explications sur l'assaut et ses péripéties. «L'opération a permis de neutraliser un nombre important de terroristes, de libérer un nombre important d'otages», a d'emblée indiqué le ministre, avant d'ajouter : «Malheureusement, on déplore quelques morts et quelques blessés. Nous n'avons pas encore le chiffre définitif. Dès qu'il sera définitif, on le rendra public.» Au JT de 20h, le même ministre insiste sur le fait qu'avant de donner l'assaut, l'ANP a essayé de négocier une issue pacifique. Il précise qu'il y a eu des tirs de sommation, «mais quand le groupe a tenté d'exfiltrer les otages pour les emmener dans un pays voisin, là, ordre a été donné aux unités spéciales de passer à l'attaque». En réponse aux chancelleries occidentales qui se plaignent de n'avoir pas été informées, Mohamed Saïd rétorque : «Les autorités algériennes étaient en contact direct avec toutes les capitales des pays qui avaient des ressortissants dans la région.» Pour lui, «nous sommes face à un terrorisme multinational». Et de marteler qu'il n'est pas question pour l'Algérie de négocier avec les terroristes : «Nous ne fléchirons jamais dans notre guerre contre le terrorisme, quel qu'en soit le prix !»
De son côté, le ministre des AE, Mourad Medelci, a reçu les ambassadeurs des pays concernés par la prise d'otages. Ces frémissements médiatico-diplomatiques sont, bien sûr, à saluer, mais il est à craindre que les autorités vont continuer pendant longtemps encore à faire preuve de la même parcimonie en matière de communication.
Pourtant le gouvernement aurait tout à gagner s'il adoptait une stratégie plus agressive sur ce terrain-là aussi. Durant sa dernière guerre contre Ghaza, l'armée israélienne a largement utilisé Twitter pour communiquer, à chaque étape, sur le déroulement de l'opération «Pilier de défense». Plutôt que de se contenter d'une intervention télévisée au JT, qui plus est sur une chaîne publique à l'audience limitée, il eût été plus judicieux de tenir des points de presse réguliers, en ciblant un éventail de médias plus large. Et il aurait été tout à fait possible, en l'occurrence, d'organiser un point de presse à In Amenas même, sans avoir à faire la moindre concession sur le terrain des opérations.
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Posté Le : 19/01/2013
Posté par : presse-algerie
Ecrit par : M B
Source : www.elwatan.com