Quand la vie s'identifie à la mort

Il est inutile de se braquer avec une insistance marquée sur la nécessité de savoir comment les deux jeunes hommes de 20 et 23 ans ont pu se faufiler dans la soute à bagages d'un avion d'Air Algérie pour en faire leur tombe et quitter la vie. Une enquête aussi poussée qu'elle soit ne renseignera jamais sur le contenu de leurs âmes et n'expliquera pas leur élan vers le suicide qu'ils se sont garantis. De toutes les libertés humaines qui leur étaient interdites, ils ont opté pour la plus condensée, celle d'une mort assurée.Pas du tout dupes, ils savaient que les Eldorados n'existent plus. Ils étaient conscients que si d'aventure ils se seraient extirpés vivants de la soute de l'avion, ils auraient mis les pieds dans un autre enfer pire que celui duquel ils voulaient échapper. Alors on peut déduire que la tragique mésaventure à laquelle les deux jeunes victimes se sont livrées étant une mortelle bataille contre eux-mêmes pour se dédoubler et effacer l'être inerte et désemparé qui est en eux, mal façonné par une société n'ayant pas saisi leurs espoirs et leurs attentes.
Les sociologues, les anthropologues, les psychologues, les psychiatres réunis auront beau chercher une explication sur un profond mal-être, ils n'effleureront que les données primaires d'un état d'esprit désolant et regrettable que les candidats au suicide eux-mêmes ne pourront justifier. Le profil de la jeunesse d'aujourd'hui est si insaisissable qu'il est difficile sinon impossible de définir. Le magma dense fait par les barricades érigées le long des frontières et de tous les espaces, les crises répétées aux différents visages, le besoin légitime et naturel de vivre et de se mouvoir ont atrophié le sens de l'existence pour que la vie finisse par s'identifier à la mort.
Toute la jeunesse confondue est au c?ur de ce dilemme, prise au piège dans un carrefour sans lumière n'ouvrant pas la voie à un itinéraire heureux que les aînés promettent du bout des lèvres. C'est que eux aussi se sont rendu compte qu'ils sont devenus prisonniers d'un monde déréglé.