Algérie

Quand la Télévision nationale, joue à la mouche du coche



Il est remarqué ces derniers temps, une nouvelle approche informative dans la diffusion du 20 heures. Des plans et des commentaires pleurnichards sur le sort de citoyens « livrés » à la machine bureaucratique sont déroulés chaque soir. Une caméra fouineuse qui ne montre que ce qu'elle veut bien montrer, des interviews tronquées et lapidaires de responsables sidérés par l'objectif. Candides, ils se font généralement filmer dans leur bureau ne se rendant pas compte que la caméra suggère par l'image leur confort bureaucratique, quand elle a déjà tout dit ailleurs. L'intensité des images est fonction de la rancÅ“ur du journaliste vis-à-vis de son régisseur ou de son rédacteur en chef. Il transbordera toute son inimité sur ce représentant expiatoire de l'administration. Peu importe le bord à qui il appartient. Quels sont les tenants et les aboutissants de cet intérêt subit pour ces errements administratifs et dont les citoyens ont font apparemment les frais ? Ici, ce sont les urgences médicales de Guelma, là, le chantier de 800 logements de la CNEP de Baraki à l'abandon depuis… 1984, là-bas c'est la poste de In Salah. Dans cette dernière, le commentateur est surpris par l'affluence des clients. Le « mouatène » qui souffre de la lenteur du service, est pressé pour aller vaquer à sa farniente. Allongé des heures durant sur le sable ou attablé au café, il ne trouve jamais le temps long. Le journaliste oublie volontiers que la mission de la poste est d'abord commerciale ; l'affluence décriée à tort ne peut être qu'un bon signe de rentabilité de la structure. L'arrière-pensée est ailleurs, on préjuge que le personnel en place est insuffisant et on fait suggérer par un interviewé le recrutement de jeunes diplômés sans emploi. Alambiquée, la demande a, tout de même, le mérite d'être clairement exprimée et en live. A cette allure, les membres du gouvernement passeront le plus clair de leur temps à courir çà et là pour s'enquérir des distorsions rapportées par la vénérable télévision et faire en sorte de les corriger en présence de l'objectif.

Dans tout ce brouillamini, ne faut-il pas séparer le bon grain de l'ivraie pour ne pas aller tête baissée droit au mur ? L'entreprise nationale est, sans nul doute sincère, dans l'intention de corriger, mais sa démarche pèche par une certaine précipitation qui si, elle n'est pas jaugée à l'aune de la raison, fera beaucoup de victimes expiatoires sur son passage. Tout le monde se rappelle ces tristes épisodes de « Rak Mouakaf » qui a laissé des stigmates souvent douloureux chez ceux qui en ont subi le préjudice. Ce faisant, notre Télévision se substitue à l'administré rendu passif pour ne pas réclamer lui même ce qui lui est dû comme prestation de services et tous les échelons de la hiérarchie locale. D'ailleurs les reportages qui sont livrés à la diffusion, s'arrêtent le plus souvent au niveau primaire de la problématique. L'enquête devrait être poussée jusqu'à l'échelon central. Car le plus souvent, ces manquements ou ces insuffisances ont imparablement étaient signalés à qui de droit. La plupart des responsables locaux opposeront à chaque « grief » retenu contre eux, un volumineux dossier fait de correspondances et dont la majorité n'a pas eu de suite. Certains départements de l'administration centrale ne se sont jamais crus obligés de réagir aux doléances de l'échelon subalterne, sachant pertinemment qu'ils ne seront pas comptables des fâcheuses conséquences. Le représentant local pourra toujours assumer le rôle peu envié du bouc émissaire sacrifié sur l'autel de l'inconséquence. Le dédain à peine voilé affiché à l'égard des représentants locaux supposés être des cadres supérieurs et le prolongement organique des départements centraux, est révélateur du peu de crédit qu'il leur est accordé. Il n'est pas rare de voir ces cadres déambuler dans les coursives des départements centraux pour être enfin reçus ou prier de repasser un autre jour. Il est illusoire de songer à la prise en charge de leur découcher; la modique indemnité journalière couvrira à peine les frais de taxi de l'aéroport au centre ville.

Certains accompagnateurs de l'illustre personnage en visite officielle frimeront pour mystifier l'assistance en buvant les paroles du chef et prendront soin de noter les doléances émises. Ils fronceront au besoin les sourcils pour marquer leur désappointement à l'énoncé d'un quelconque manquement. Après cela, c'est le back-out, le ministre ne pourra se rappeler de tout ce qu'il a promis et le ronronnement reprendra ses droits. Il demeure cependant curieux, que la planification administrée permette encore de trouver des cagnottes à distribuer hors programme et en situation exceptionnelle, quand les différents programmes centralisés et décentralisés, semblent définitivement arrêtés. Cette spectaculaire procédure ne fait que décrédibiliser l'administration territoriale, particulièrement le représentant local du département ministériel. Placé entre l'enclume de la wilaya et le marteau du ministère, ce responsable ne se verra offrir aucune alternative pour justifier les manquements qui lui sont opposables. Il sera tenu pour seul responsable d'une situation qu'il n'a eu de cesse de signaler en vain. Eludée d'un revers de main, elle deviendra soudainement importante et même vitale le jour de la visite officielle. Il suffirait pour cela qu'on charge un député ou un sénateur pour en parler.

Quant aux attributs de la

       fonction, logement équipé et véhicule de service, ceux-ci n'étaient pas à la portée du premier venu. Les représentants des départements techniques pouvaient toujours se rabattre sur les moyens des entreprises nationales qui opéraient dans leur territoire de compétence. Il s'est trouvé, il y quelques années de cela, un directeur des Transports en exercice à l'Extrême Sud qui, privé du véhicule de liaison, faisait appel aux âmes charitables pour assurer sa mission régalienne. Cette situation a probablement changé depuis lors, compte tenu de la manne financière actuelle, mais la déshérence de certains cadres presque livrés à eux-mêmes n'est probablement pas arrivée à son terme. Les séismes sociaux que provoquent les fins de mission ou même les mutations sont souvent mal vécus et sont pour beaucoup dans la genèse de perturbations dans la vie socio-professionnelle des mis en cause. Discrétionnaire, leur déchéance autant que leur promotion aura été le fait du prince. Les lendemains de visites ministérielles punitives filmées ont eu d'incommensurables préjudices moraux sur les enfants du cadre sanctionné. Les camarades de classe ne se priveront pas pour brimer et de méchante manière leurs congénères mis à l'index. Les injonctions administratives et généralement globales, ne tenant pas compte le plus souvent du contexte local, participent à elles seules à leur mauvaise application et par conséquent aux retombées négatives. Des propositions faites en leur temps ne recevront aucune suite, mais dès que le « Big boss » en parlera dix ans après, elles deviennent subitement appropriées et pertinentes. L'assistance ébahie par tant d'efficacité généreuse ne manquera pas de reprocher au membre de l'exécutif sa mollesse, voire même son incompétence pour ne pas avoir requis l'appui du ministre. La preuve en aura été faite sur- le-champ. L'assistance à majorité faunesque et instinctive jubilera aux décisions prises extemporanément et marquera par une salve d'applaudissements son approbation pour signifier son « haro sur le baudet ! ». Au prochain épisode, les mêmes murs entendront les mêmes professions de foi.








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