Algérie

Quand la plume raconte le sable



Quand la plume raconte le sable
La littérature coloniale, pas plus que l'ethnographie militaire et les missions « scientifiques » qui l'ont accompagnée durant plus d'un siècle de conquête, en avait fait son chou gras. Le Sahara. Combien d'auteurs français, de renommée planétaire, ont chanté, vanté, lové ces gigantesques espaces formés de sable et de rocs, truffés d'oasis et de ksour. Une nature grandeur nature qui a inspiré les Gide, Fromentin, Eberhardt, Roche et d'autres auteurs avides d'exotisme et d'aventure et dont l'?uvre fut portée au firmament de la notoriété, du moins en Occident pour quelques uns d'entre eux. En Algérie, bien avant l'indépendance, cette littérature, orientaliste à souhait et totalement discriminatoire vis-à-vis de l'« indigène » qu'elle regardait avec des lorgnettes, n'a pas emballé grand monde. Bien au contraire, elle a fini par porter sur les devants de la scène de grands romanciers algériens qui ont, à leur tour, mais d'une manière radicalement différente, pour ne pas dire farouchement opposée, fait du Sahara, de ses habitants et leurs cultures diverses, une source d'inspiration dans l'espoir de se réapproprier une identité que l'historiographie et la littérature coloniales s'étaient employées à travestir sous l'emblème trompeur de la « science » et de la « civilisation ». S'il n'a pas entamé sa riche et longue odyssée romanesque depuis les lointaines contrées du Sud, Rachid Boudjedra a, quand même, consacré un roman de haute mesure à l'oasis rouge du pays du Touat, Timimoun. Une ?uvre qui a fait date. Elle retrace le parcours d'un ancien pilote de chasse, renvoyé de l'armée, qui achète un vieux bus pour sillonner le Sahara qu'il connaît grain de sable par grain de sable. Il fait découvrir à ses clients un désert peu fréquenté et peu connu. Une de ses haltes préférées...Timimoun. Dans un roman moins classique mais tout aussi prenant et profond, « L'invention du désert », de feu Tahar Djaout, déambule, dans une narration historique racontant la vie et l'?uvre de l'ascétique fondateur de la dynastie almohade, Ibn Toumert, dans un Sahara qu'il parcourt jusqu'à ses tréfonds, jusqu'à Biskra, reine des Zibans, voire plus bas encore, dans la capitale de l'Ahaggar, Tamanrasset. Un pays qu'aucun auteur n'a réussi à décrire avec force et fidélité que l'ingénieuse femme de lettres, Amèle El Mahdi (lire l'entretien ci-dessous) laquelle a consacré deux romans, « Yamsel, fils de l'Ahaggar », et « Tin Hinan, ma reine », où elle met ocre sur blanc toute la passion et l'amour démesurés qu'elle porte pour le Sahara magique. D'autres écrivains, d'expression arabe ou française, s'y étaient, également, mis de la partie en publiant des proses dont certaines ont marqué l'âge d'or de la littérature algérienne, tels que « Le vent du Sud » d'Abdelhamid Benhaddouga, « L'autre rive du paradis » de Noureddine Saoudi, « La cuillère et autres petits riens » de Lazhari Labter et bien d'autres romanciers dont le mérite et l'honneur sont d'avoir rendu à notre Sahara ce qu'il lui a, depuis la nuit des temps, appartenu : son identité, sa culture et sa beauté. Amine G.




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