Algérie

Quand la Kabylie affrontait le système Bouteflika



Le 14 juin 2001, des centaines de milliers de citoyens de Kabylie ont décidé, sous la houlette des coordinations des délégués des villages et communes de la région, de marcher sur Alger. Leur but était de déposer une plateforme de revendications à la présidence de la République. Cette plateforme de revendications avait été élaborée, quelques jours auparavant, lors d'un conclave tenu dans la ville d'El-Kseur, dans la wilaya de Béjaïa.Le 14 juin 2001 était une manifestation historique. Jamais dans l'histoire de l'Algérie indépendante, autant de citoyens ont manifesté contre le pouvoir. Dans la capitale de surcroît. Né dans la douleur des événements sanglants qui avaient secoué la région depuis avril 2001, faisant 128 morts et des milliers d'handicapés, le mouvement citoyen de Kabylie n'a pas pu mener le combat jusqu'au bout.
Si sa contribution à l'organisation de la région en comités citoyens pour arrêter l'effusion du sang fut héroïque, le sacrifice de tous ces jeunes est presque vain. Ils étaient des centaines de milliers de citoyens à prendre part à l'action. Sauf qu'en face de ces citoyens armés de leur seule volonté d'en finir avec "la hogra" et de faire la lumière sur les assassinats, un pouvoir machiavélique a mobilisé d'autres citoyens pour faire barrage à la marche.
En plus de la sauvage répression policière qui s'est abattue sur les manifestants, des groupes de voyous et des repris de justice ont été, alors manipulés pour s'en prendre "aux kabyles" venus "des montagnes" pour "détruire" la capitale. Même la télévision publique, voix officielle du régime, s'est adonnée à ce jeu malsain.
Les images diffusées lors du JT de la soirée du 14 juin 2001 et les commentaires de la présentatrice étaient "insupportables". La marche voulue, pourtant pacifique, a tourné au drame. Le système politique est resté le même. Le crime est toujours impuni.
Aucun des commanditaires et des exécutants n'a été traduit devant la justice. Mise à part une condamnation symbolique d'un gendarme, les responsabilités politiques dans ce crime d'Etat ne sont toujours pas situées. Manipulations, répression et désinformation étaient alors la seule réponse du pouvoir inique et autoritaire de Bouteflika aux revendications du mouvement citoyen.
L'échec de la marche n'a pas pour autant mis en veilleuse la révolte. Isolée certes, la région a pu résister. Toutefois, la nature despotique du régime de Bouteflika, aidé par une rente pétrolière prospère, l'usure du temps et les manipulations, ont eu raison du soulèvement.
Les négociations menées par le chef du gouvernement d'alors, Ahmed Ouyahia, au nom de l'Etat algérien autour des revendications du mouvement citoyen, avec des délégués "authentiques" du mouvement, sont demeurées lettre morte. Cette initiative fut entreprise après celle menée par Ali Benflis, chef de l'Exécutif, avec des délégués "auto-proclamés" du mouvement.
Dix neuf ans après la marche du 14 juin 2001, la quête de vérité sur ce crime est toujours de mise. Deux décennies après, les familles des victimes et toute la région refusent d'oublier.
Cette date est célébrée chaque année pour rappeler que le système Bouteflika a également assassiné une centaine de citoyens. Dix neuf ans après, c'est le mouvement populaire du 22 février qui est appelé à entretenir la mémoire de toutes les victimes de la répression du Printemps noir. Exiger la vérité sur ces dramatiques événements pour situer les responsabilités des uns et des autres relève désormais de la responsabilité du mouvement populaire.

Mohamed MOULOUDJ


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