Algérie

Quand la France s’intéresse trop aux harkis La raison ou l’émotion ?


Quand la France s’intéresse trop aux harkis La raison ou l’émotion ?
Cinquantenaire de l’indépendance de l’Algérie oblige, c’est un torrent d’images et d’écrits qui déferle ces jours-ci sur la France.

Entre regrets sincères et volonté manifeste de dénaturer le conflit, la guerre d’Algérie s’étale à la une des magazines français. Elle prendra au fil des mois une importance et plus de place dans les programmes radio et télévision. Dimanche « La déchirure » a été présentée sur France 2 en présence, notamment de Ali Haroun et de Benjamin Stora, un des auteurs du scénario du documentaire.
Lors du débat qui a suivi la projection, il a été beaucoup de question des attentats qui ont secoué Alger en 1957 et des harkis. Cette catégorie ne fut pas seulement abandonnée par ceux qu’elle a servis. Dans les six mois qui ont suivi la signature des accords d’Evian, elle aurait été massacrée. On cite des chiffres, on s’apitoie comme si dans cette tourmente où des milliers de personnes ont été tués sous la torture, les bombardements, leur débandade était la seule séquence digne d’intérêt. Personne ne parle des excès de certains de ces supplétifs de l’armée française. Ils avaient pourtant tué, violé. Rouiched a campé un exécrable personnage dans ‘’l’Opium et le bâton’’ qui révèle et illustre l’indignité et l’obséquiosité de beaucoup de harkis. On raconte que sur le plateau de tournage en Kabylie, le comédien a été insulté tellement il incarnait la figure tant honnie du harki. La complexité des parcours, la nécessité de témoignages ne doit nullement dédouaner tous ces hommes. Leur sort, leur drame ne doit pas être l’arbre qui cache la forêt.
EN AMONT, LES MEFAITS
La vision qui se développe et tend pourtant à s’imposer en France à propos de la guerre de Libération est celle d’un conflit où l’émotion tend à prendre le pas sur la raison. On privilégie davantage les séquences sur la mort d’innocents sans prendre la peine de situer les événements dans un contexte. On ne peut pourtant, comprendre le comportement des Algériens si on oublie les méfaits du code de l’indigénat, le trafic éhonté des élections ou le refus opposé aux revendications de partis modérés comme l’UDMA ou les ulémas. Le 1er Novembre 1954 n’est pas né du néant. Ceux qui étaient des « citoyens » du second collège subirent l’exclusion, les expropriations et la morgue des colons. « Donnez-nous vos bombardiers, on vous donnera nos couffins », la formule de Ben M’hidi demeure la meilleure réponse à ceux qui dénoncent les excès de la riposte du faible.
Et si on braquait les projecteurs sur le comportement des Français avec leurs propres collaborateurs ? Plus d’un demi-siècle après la fin de la Seconde Guerre mondiale, la collaboration avec l’ennemi demeure une infamie. Elle poursuit toujours des hommes de renom dont certains, comme l’écrivain Robert Brasillach, furent fusillés. Il y a à peine quelques jours, il fut reproché à Le Pen d’avoir cité un de ses poèmes. Même Mitterrand, à travers l’épisode Bousquet, ou Coco Channel n’échappèrent pas à ces soupçons. L’épuration extrajudiciaire entraîna la mort de 10 000 personnes. Dégradation nationale, peine de mort, rien n’aura été épargné aux collabos. Ali Haroun a vainement tenté d’expliquer que dans le vide qui avait suivi la vacance des pouvoirs, des Algériens se sont vengés. Pour ses contradicteurs, rien ne valait la peine que de s’appesantir sur le martyre des harkis. Ces périodes sont toujours propices aux règlements de comptes. Les Français n’ont pas fait mieux en tondant même des femmes accusées d’avoir entretenu des relations avec l’ennemi. Lors des fameux carnavals des tondues, elles furent pourchassées et humiliées en public. La vengeance a épargné au moins les Algériennes, femmes et filles de harkis qui ne subirent pas de telles brimades. Il est vrai que pour les Français, depuis des siècles, vérité en-deçà des Pyrénées est toujours erreur au-delà.