L'ancien ministre de l'Intérieur et ancien wali d'Alger, Abderrahmane Meziane Cherif, vient de sortir ses « mémoires de guerre » chez Publisud, en France.
Il faut dire d'emblée que c'est un ouvrage fort édifiant qui apporte un précieux éclairage sur les activités de l'Organisation spéciale en « métropole », cette aile armée de la Fédération de France du FLN chargée d'ouvrir un front au c'ur de l'Hexagone. Sous le titre La Guerre d'Algérie en France. Maurepiane : l'Armée des ombres, Abderrahmane Meziane Cherif met à notre disposition ' et c'est tout le mérite de ce livre ' un matériau palpitant puisé de sa propre expérience de « guérillero urbain » qui s'est jeté dans la gueule du loup. Dans la préface, signée Jacques Vergès, l'emblématique membre du collectif des avocats du FLN et qui fut, à ce titre, l'un des avocats de l'auteur après son arrestation, écrit : « Les expériences du Vietminh et du FLN sont éloquentes. Mais il est une expérience unique et par delà même méconnue, celle de l'OS en France. Jamais la lutte chez l'ennemi n'a connu une telle ampleur, illustrée entre autres par la destruction du dépôt pétrolier de Maurepiane. » De son côté, l'auteur relève dans son avant-propos que « la lutte de Libération nationale en France n'a pas fait l'objet de toute l'attention nécessaire, malgré l'importance stratégique de ce second front ouvert par le FLN contre l'armée française ». Voilà qui devrait résumer le propos de cet ouvrage.De son enfance tumultueuse à El Eulma (ex-Saint-Arnaud), près de Sétif, à son engagement au sein de « La Spéciale », en France, Meziane Cherif reconstitue son parcours de militant nationaliste travaillé au corps par les atrocités coloniales. Dans un style alerte teinté parfois de romanesque, La Guerre d'Algérie en France se lit d'un trait. Il se décline par moments à un rythme haletant frisant le « polar politique » comme l'illustre la séquence relatant la double attaque du commissariat de la Rue Vauban, à Lyon. D'ailleurs, c'est par cette attaque périlleuse que l'auteur fait son baptême du feu, peu après avoir intégré une cellule de l'OS à Lyon, montée sous la férule de Omar Haraïgue alias Si Smaïl, « un des chefs les plus respectés de l'OS en France ». Le témoignage de Abderrahmane Meziane Cherif qui occupe actuellement le poste de consul général d'Algérie à Paris, intervient dans un contexte assez particulier, convient-il de noter, marqué par la « recrudescence » de la « guerre des mots » entre Alger et Paris.C'est un livre écrit au plus près des hommes, de leurs faits et gestes et de leurs émotions. Les doutes et la peur qui ont pu les habiter ne sont pas escamotés. De fait, les activistes du FLN ne sont guère décrits comme des kamikazes, des héros mythiques ou des gladiateurs fantasmatiques infaillibles en toutes circonstances et imperméables aux vicissitudes de la vie militante. Ce sont, avant tout, de simples ouvriers maghrébins qui ont leurs craintes, leurs questionnements et leurs angoisses, suggère l'auteur. Mais le c'ur du livre, comme le laisse, du reste, entendre le sous-titre, c'est l'attaque spectaculaire opérée à Maurepiane, dans la banlieue nord de Marseille, dans la nuit du 24 au 25 août 1958.C'est l'une des plus grandes offensives jamais menées par l'OS sur le sol français. « Il s'agissait de la destruction du plus important dépôt de carburant du sud-est de la France », raconte Meziane Cherif, avant d'ajouter : « Le 25 août est en quelque sorte notre 1er Novembre à nous, gens de l'OS. » Autre opération d'envergure : l'attentat à l'explosif qui cibla un navire dénommé Président de Cazalet et qui transportait des soldats et du matériel militaire. « Nous venions, Abou Lahmar et moi-même, avec des moyens dérisoires, de gagner une véritable bataille navale », exulte l'ancien chef de l'OS dans la cité phocéenne. En amont, Meziane Cherif relate par le menu comment il a été chargé de monter les sections OS de Grenoble puis de Marseille après qu'elles furent décimées. Il se confie sans fioritures à propos des difficultés qu'il rencontra pour mettre sur pied ses commandos et la peine qu'il éprouva à recruter des éléments fiables et pas friables, s'appuyant souvent sur des novices n'ayant reçu aucune formation militaire ou paramilitaire, et n'ayant pour tout viatique que le courage des justes et la détermination des hommes libres. Le 1er octobre 1958, Abderrahmane Meziane Cherif est arrêté et condamné à mort à la suite d'un simulacre de procès. Il sera gracié au lendemain du cessez-le-feu.
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Posté Le : 23/03/2010
Posté par : sofiane
Ecrit par : Mustapha Benfodil
Source : www.elwatan.com