L'assemblée constituante, récemment élue en Tunisie, ne plaît pas tellement à l'Occident. Les diatribes de Charlie Hebdo ont le mérite de dire à voix haute ce que les Etats pensent tout bas. Le succès électoral des islamistes d'Ennahda suscite même des craintes. Les réactions des leaders européens et américains à ce sujet sont empruntes d'une certaine «préoccupation». Ceux-là mêmes qui pressaient hier les dictateurs en place au respect de la volonté populaire doutent maintenant de la pertinence des électorats arabes dans le choix de leurs représentants. En guise de félicitations aux nouvelles autorités de transition, le président français a préféré rappeler la vigilance de son pays concernant «le respect des droits de l'homme et des principes démocratiques, notamment la diversité culturelle et religieuse et l'égalité des hommes et des femmes». Son ministre des Affaires étrangères, Alain Juppé, est allé jusqu'à en conditionner l'aide de son pays à la Tunisie. Barak Obama et David Cameron se montrent aussi circonspects que leur ami Nicolas Sarkozy. Cette prudence occidentale agace le parti vainqueur. Rached Ghannouchi, le leader charismatique de l'islamisme tunisien, dans une déclaration au journal Le Monde, a tenu à remettre les pendules à l'heure. «Nous n'avons pas besoin d'une telle parole pour respecter les droits de l'homme. Cela fait partie de nos valeurs et de notre religion, et les Tunisiens n'acceptent pas les aides conditionnées. Dans les accords entre Ben Ali et l'Union européenne figurait le respect des droits de l'homme, mais l'Europe a fermé les yeux. Nous souhaitons qu'elle les garde désormais bien ouverts'» Les Tunisiens se sentent aussi snobés par cette façon si hautaine de juger leur choix. Des milliers d'internautes tunisiens ont envahi ces derniers jours les pages facebook du président français et de son homologue américain pour y «poster» leurs critiques. Les facebookers tunisiens invitent même le président Obama au respect des libertés démocratiques dans son propre pays, en exprimant leur solidarité aux manifestants d'Oakland, une banlieue de San Francisco en Californie, brutalement réprimés par les forces de police. Ils y ont également noté leurs encouragements au mouvement «Occupay Wall Street», apparu au Etats-Unis au début du mois d'octobre. A l'endroit de Cameron, on a aussi rappelé la répression sanglante des protestations populaires contre son plan d'austérité au mois de mars dernier. Les quartiers périphériques de Londres et ceux de plusieurs autres villes anglaises s'étaient, pour rappel, embrasés à l'annonce du budget 2011 qui ambitionnait d'éliminer le déficit public en 5 ans. Dénonçant les mêmes pressions étrangères, des membres du CNT libyen ont récemment exprimé leur «ras-le-bol» de la persistante sollicitude qatarie à leur endroit. D'autres voix ont exprimé leur «gêne» du lobbying agressif exercé par la France, qui tente, coûte que coûte, de tirer un maximum de profit de sa participation militaire au renversement du régime dictatorial de Kadhafi. Dans un passé récent et à ce jour encore, les Occidentaux font payer aux populations palestiniennes de Ghaza leur vote démocratique au profit des islamistes du Hamas. Ces mêmes Occidentaux empêchent également le peuple sahraoui de s'autodéterminer démocratiquement. Quand l'Occident parle de souveraineté populaire et de démocratie, il met ses propres intérêts au-dessus de toute autre considération. Souvent, cette question est évoquée pour renverser la situation à son avantage exclusif. Aujourd'hui, les populations du Monde arabe ont parfaitement compris cette monumentale hypocrisie. Elles savent qu'elles ne doivent compter que sur elles-mêmes pour édifier des Etats de droit et de justice. La démocratie, comme la liberté, ne s'offre pas. Elle s'arrache.
K. A.
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Posté Le : 09/11/2011
Posté par : presse-algerie
Ecrit par : Kamel Amghar
Source : www.latribune-online.com