Quand l'économie l'emporte sur le politique

Les relations entre la France et l'Algérie se caractérisent par leur profondeur et leur intensité, mais dans le fond, ce sont des pays très proches par l'histoire, la culture et l'héritage.Malgré ce rapprochement jamais distancé, les deux pays sont restés à cause justement de la douloureuse histoire commune, très méfiants sur le plan commercial. Dès l'indépendance, la France qui avait construit tous les sites stratégiques du pays durant la dernière période coloniale, a été volontairement exclue des grands projets et surtout des richesses naturelles du pays. C'est pourquoi la majorité des grands projets en travaux publics a été confiée à d'autres pays que la France. Le puissant groupe Bouygues a été soigneusement écarté dans les années 1970 de la construction du premier plus grand hôtel de l'Algérie après l'indépendance: El Aurassi confié à l'Egyptien Arab Contractor. Pareil pour le site du Makam Echahid, confié au canadien SNC Lavalin. Et pourtant c'est bien le Français Pouillon qui avait construit les habitations aux alentours du grandiose Makam. Mais le fait historique est là pour rappeler qu'on ne pouvait pas confier la construction d'un site dédié à la révolution à l'ex-pays colonisateur. C'est évidemment cet héritage historique qui bloquait tous les grands projets commerciaux français en Algérie. Du coup, le gouvernement algérien s'est tourné vers les Italiens, les Américains, les Canadiens et depuis quelques années vers les Chinois.Les relations algéro-françaises politiques durant la tragédie nationale n'étaient pas au beau fixe, ce qui a fait perdre aux Français de nombreux marchés, notamment dans le domaine des télécoms, le transport et les travaux publics.Depuis l'arrivée de Bouteflika, une relance des relations bilatérales est lancée et cela s'est confirmé par les visites d'Etat du Président Bouteflika en France en 2000, de la visite des présidents Chirac et Sarkozy en 2003 et 2007, puis celle du président François Hollande, les 19-20 décembre 2012. Même si l'année 2012 fut celle du Cinquantenaire de l'Indépendance algérienne et de la fin de la guerre d'Algérie, les relations entre la France et l'Algérie se sont politiquement adoucies. La mise en place d'une haute personnalité chargée des affaires économiques entre l'Algérie et la France, en la personne de Jean-Pierre Raffarin, a rassuré les deux parties. Le commercial l'a visiblement emporté sur le politique.Même si en chiffres, la France est surclassée, elle n'est plus le premier fournisseur de l'Algérie. Elle a été détrônée par la Chine. La France qui avait été pendant des années le premier fournisseur de l'Algérie occupe désormais la seconde place avec 4,70 milliards d'euros (11,37%). La France reste tout de même le premier investisseur en Algérie avec plus de 321 millions d'euros. La France occupe la première place des services. Plusieurs grandes entreprises algériennes se sont offert le savoir-faire de la gestion française: le métro, l'aéroport, le tramway, la gestion de l'eau. Pour décrocher ces marchés très rentables la France a dû accepter la règle des 51/49%, imposée par la politique algérienne. L'ensemble de ces évolutions a permis à la relation franco-algérienne d'entrer dans une nouvelle ère, inaugurée par la visite du président Hollande. Le Premier ministre poursuivra cette dynamique pour illustrer le développement du partenariat économique entre les deux pays dans une logique gagnant-gagnant (visite du tramway d'Oran et des usines Renault et Lafarge). Pas moins de 12 protocoles d'accords dans le domaine des TIC, du médicament, des services et de l'agroalimentaire seront signés à l'occasion de la visite de Jean-Marc Ayrault, à Alger. Une rencontre économique réunira aujourd'hui les chefs d'entreprise algériens et français pour permettre la mise en relation entre les communautés d'affaires des deux pays. Il n'y aurait pas de changements, du moins à court et à moyen terme concernant le cadre réglementaire régissant l'investissement étranger, mais la porte est toujours ouverte pour les Français.