L’arrivée des exilés andalous en Algérie ne s’est pas effectuée sans bouleversements profonds sur le plan socioculturel. Alger, et pratiquement toutes les villes du nord du pays, particulièrement celles à grande concentration de population andalouse, se sont mises à la mode aragonaise, castillane, valencienne, cordouane, sévillane ou grenadine… Et ce ne serait pas exagéré d’affirmer que des villes comme Alger, Tlemcen, Bejaia, Constantine et Annaba, à titre d’exemple, ont pris carrément une identité quasi andalouse à tous les niveaux. Identité reflétant toute la mosaïque de communautés venues de cette Espagne meurtrie par le fanatisme catholique des Torquemada, Cisneros ou Ximénies…On y retrouve même ce qui restait des rebelles des montagnes de Al-Pujjaras (Al- Bacharatte au temps des arabes البشرات) expulsés vers Castille par les autorités espagnoles suite au soulèvement de 1501 mené par un héro local très célèbre connu de Mohamed Ben Oumayya (محمد بن أُمَيّة) ou ِAbenhumeya des Espagnols tout court…
On oublie nous tous, andalous d’origine ou pas, que beaucoup d’ingrédients de notre art culinaire d’aujourd’hui nous est parvenu dans ce qui restait des effets personnels et des bagages de ces gens-là, dont un certain nombre a commencé à affluer sur l’Algérie bien avant la chute de Grenade en 1492 ou même des Baléares en 1391, de Cordoue en 1236, de Valence en 1238 ou de Séville en 1248… Nous n’avons presque rien inventé depuis.
Et El-Qaddid (القَدّيد) ou El-khliî (الخْليعْ), que nous raffolons pendant les « Moussem » (occasions et fêtes religieuses), ou sans « Moussem », avec le Berkoukesse (بركوكس) ou El-Tchakhtchoukha (التشختشوخة) ou autres mets, sont les mêmes qu’on mangeait à Cordoue d’Ibn Roshd ou à Ronda du poète Abou Al-Baqa’ El-Rrondi (أبو البقاء الرُّنْدِي) ou à Grenade de Boabdil. Ce sont aussi les mêmes moyens de subsistance, les produits de ravitaillement, de Rais Hammidou, le grand et le plus prestigieux amiral de la flotte algérienne du début du 19ème siècle, et son équipage pendant ses grandes épopées maritimes en Méditerranée occidentale ou en Atlantique…
Cela est valable également pour El-Mirqass qui suivait avec impuissance le processus de déformation/evolution de son nom en El-Merguez au cours des siècles et de ses séjours entre les deux rives de la méditerranée, ou pour El-Zalabiyya qu’on dit avoir été retouchée, voire relooké par Zyriab, ou meme de multiples gateaux succulents fourrés ou garnis d'amandes et de noix qui, depuis des siècles, résistent fièrement à tous les concurrents et continuent de règner souverainement dans nos cuisines à l'instar des fameuses K3ik3ettes (الكْعِيكْعات) ou des indetronables Ghribiyya (الغْرِيبِيَّة) et des losanges tres prisés dits Makroud (المَقْرُوضْ)...
A propos de El-khliî (الخْليعْ), Ibrahim Harkette, historien marocain, auteur de (Essoulta wa El-Moujtamaâ fi el-âçr El-SSaâdi السلطة والمجتمع في العصر السعدي) (Pouvoir et société durant le règne des Saadiyinnes), n’hésite pas à lui donner formellement une origine andalouse. « El-Khliâ, dit-il, est parvenu au Maroc de l’andalousie, raison pour laquelle on ne le retrouve que dans les ville ayant subi l’influence du mode de vie andalou ».
Aussi, le Hayek M’ramma blanc et le Serwal El-Chchalqa de nos mères et grands-mères ou leur Foutat Essnanig (فوطة الصّْنانِيجْ), disparue déjà depuis plusieurs décennies, ne sont que les vestiges ou les générations tardives plus ou moins adaptés aux temps modernes des Hayeks ou Serwal des femmes grenadines ou favorites sévillanes ou même des princesses cordouanes…En témoignent encore plusieurs tableaux de prestigieux peintres espagnols au cours des derniers siècles. Et c’est encore de ces dernières que la mode des Ghlila (الغليلة), El-Frimla (الفريملة) ou El-SSarma sont parvenues aux casbahs d’Alger, de Constantine, de Bejaia, de Dellys ou de Tlemcen…
Nos bijoux traditionnels, y compris ceux en argent qui font la fierté des Béni Yenni dans cette région d’Algérie que le colonialisme français a surnommé la Grande Kabylie, ne sont que les miettes de ce qui a survécu du savoir faire et du faste de nos vénérables ancêtres ibériques. Ce que racontent certains anthropologues français, dont certains aux penchants sionistes flagrants, ou d’autres israéliens, à propos de l’origine juive de l’art joaillier des Béni yenni ne sont qu’allégations, sinon des fantasmes si l’on doit faire confiance à leur « bonne foi scientifique ». En témoignent les motifs et le style en filigrane qui ont fleuri et connu leur période faste en Andalousie musulmane comme en témoigne d’autres experts honnêtes de l’autre rive de la « Mare Nostrom »....
-
Votre commentaire
Votre commentaire s'affichera sur cette page après validation par l'administrateur.
Ceci n'est en aucun cas un formulaire à l'adresse du sujet évoqué,
mais juste un espace d'opinion et d'échange d'idées dans le respect.
Posté Le : 30/05/2019
Posté par : tlemcen2011
Ecrit par : Fawzi Sadallah
Source : facebook