Algérie

Quand l'administration locale s'implique



La harga, un phénomène qui n'a pas de frontières
Emigration clandestine, traversée de la mort ou encore el harga, qu'importe l'appellation, du moment que l'acte est le même. L'important est comment le freiner'
Le gouvernement algérien use de tous les moyens susceptibles de diminuer un tant soit peu, cette tragédie, devenue un phénomène de société. Une question faisant depuis quelques années, l'objet de moult réflexions, aussi bien au niveau national qu'international. Car, convient-il de le noter, le phénomène de l'émigration clandestine interpelle, pour y faire face, la contribution des Etats réservoirs du phénomène et les pays récepteurs, l'Europe en l'occurrence. L'Algérie en tant que pays émetteur de centaines de jeunes harraga, depuis ses villes côtières, est étiquetée de première destination des prétendants à l'émigration clandestine. Pis encore, elle est le pays de transit de milliers de harraga subsahariens, à la conquête de l'Europe, via les côtes algériennes. Une situation opportune quant à la prolifération des chantiers d'embarcations clandestines, les réseaux de passeurs algériens et africains.
Ces réseaux organisés sont en grande partie responsables de l'ampleur du phénomène, notamment durant les quatre dernières années, Période marquée par le flux migratoire des Subsahariens, depuis les frontières sud du pays. Néanmoins, conscient de la dramatique situation que représente le phénomène de l'émigration clandestine, l'Etat algérien ne s'est jamais défait de sa responsabilité. Bien au contraire, les mesures drastiques, mises en place pour freiner «el harga», renseignent sur l'intérêt qu'il porte à la question.
Le renforcement des outils de lutte, effectifs des corps sécuritaires, gardes-côtes, gendarmerie et Armée nationale populaire en l'occurrence, ont permis à l'Algérie de se distinguer, comparativement à d'autres pays d'Afrique. Ces derniers sont, rappelons-le, à l'origine de la hausse de la courbe de l'émigration clandestine, dite «provenant d'Algérie».
Outre ces moyens de lutte, l'Algérie tente de gérer, voire de contrecarrer le phénomène, à travers la mobilisation de toutes les institutions susceptibles de freiner le drame. Ainsi, outre les corps sécuritaires, qui, rappelons-le, mènent une implacable lutte contre les tentatives d'émigration clandestine, c'est l'administration locale qui est impliquée directement. C'est pour dire que l'Etat algérien ne lésine pas sur les moyens matériels et humains pour faire face aux traversées de la mort. Une mort que l'administration locale, en étroite collaboration avec les services de sécurité, tente de prévenir et déviter à travers les enquêtes, pour cerner les issues du phénomène, les passeurs, vendeurs de matériels de navigation et fournisseurs d'embarcations artisanales.
Au-delà de ces paramètres de l'émigration clandestine, même les stations d'essence, sommées de ne pas vendre le carburant dans les bidons, ne sont pas épargnées. Car, il est à noter que, les jerricans d'essence récupérés, lors des opérations d'interception d'embarcations de harraga, proviennent des pompes à essence de la wilaya de Annaba, c'est ce qu'ont révélé des rapports des services de sécurité, du moins de la wilaya de Annaba. Dans ce sens, et agissant dans le cadre des prérogatives qui lui sont conférées, Mohamed Salamani, wali de Annaba et premier représentant de l'administration locale, a décidé la fermeture et la mise sous scellée de trois stations d'essence à Annaba, selon un communiqué émanant du cabinet du wali.
Les passeurs, ces poisons...
La prise de cette décision intervient sur la base de rapports sécuritaires faisant état de la vente, par les gestionnaires de ces stations-service, d'importantes quantités d'essence dans des bidons, à des individus ne détenant pas une préalable autorisation administrative. Il leur est également reproché, la non-dénonciation de l'identité des acheteurs. Selon le même document, dont nous détenons une copie, «la durée de la fermeture des trois stations varie entre un et deux mois, sous peine d'un retrait définitif, du permis d'exploitation, dans le cas où ces gérants de pompes à essence, ne se conformeraient pas à la décision», ajoute le même communiqué. Il est à noter que cette décision intervient dans le cadre des mesures administratives préventives, dont la portée vise d'une part, à mettre fin à ces comportements, à savoir la vente de carburant dans les bidons et d'autre part, lutter contre les tentatives d'émigration clandestine, depuis la wilaya de Annaba. Cette dernière attire des prétendants à la traversée de la mort de l'ensemble des wilayas du pays.
Les contrôles identitaires effectués par les éléments des gardes-côtes, lors des différentes opérations d'interceptions d'embarcations de harraga, démontrent que ce flux de harraga, de Skikda, Constantine, Aïn Témouchent, Sétif, Tébessa, Batna, Jijel et Alger entre autres, sur les côtes de Annaba, vise à se rendre précisément en Italie ou en France, car la traversée n'est qu'à un vol d'oiseau. Un oiseau qui risque de ne plus pouvoir voir l'horizon de la terre promise, l'Europe en l'occurrence. En effet, si des centaines de harraga ont été interceptés au large des eaux territoriales des différentes villes côtières d'Algérie, et si d'autres ont pu échapper aux mailles des filets des vigiles de la mer, certains, se comptant par dizaines, sont à ce jour portés disparus.
Pour une raison ou pour une autre, ces victimes de leur désarroi, mais surtout victimes d'un eldorado qui les rejette, ont tenté de rejoindre cette Europe, qu'ils ne verront jamais. C' est au nom de ces centaines de disparus et des milliers de désemparés, bercés encore par le jeu de la mort, que l'Etat algérien déploie tous les moyens, afin d'atténuer le phénomène, en impliquant l'administration locale. Un challenge que l'Algérie à elle seule, ne peut relever sans l'implication des pays de l'Europe.
De l'Europe à l'Afrique, les harraga attendent une solution
Le dialogue académique mené dans le cadre du partenariat entre l'Algérie et l'Union européenne en 2016, par Posner Weill et Houari Kaddour, secrétaire national chargé des dossiers spécialisés de la Ligue algérienne pour la défense des droits de l'homme (Laddh), la responsabilité de l'Algérie sur la question a été mise en avant. Lors de l'entretien en question, il avait été mis en exergue la position de la société civile algérienne sur le phénomène croissant de l'émigration illégale et les mesures de sécurité prises par l'Union européenne (UE). Il faut reconnaître que l'Algérie ne cesse de s'engager avec toutes ses institutions et ses instruments pour arriver à bout du phénomène. Côté européen, quelles mesures ont été prises par l'EU' Hormis, la mise en place du nouveau programme de retour, décidé lors du Sommet extraordinaire de l'Union européenne à Bruxelles en avril 2015, rien n'a été concrètement fait.
Le Sommet a instauré des mesures pour renforcer la politique de sécurité en fonction du programme «Frontex». Aux termes des travaux de ce sommet, L'UE se disait vouloir limiter l'afflux en s'attaquant à la cause de l'émigration illégale. Il s'agissait du renforcement de la coopération avec les pays d'origine et de transit, notamment les pays voisins de la Libye. Malheureusement, seule cette dernière a bénéficié de cette situation. Pour cause, freiner le flux migratoire en provenance de ce pays, pour éviter aux éléments terroristes de s'incruster au sein des migrants clandestins.
En somme, c'est la peur de la menace terroriste qui a motivé le geste de l'UE envers ce pays. Autrement dit, l'Algérie pays sécuritairement stable, ne représente pas de danger pour le Vieux Continent. D'où la divergence quant aux facteurs incitant à l'émigration clandestine, manque de programmes de développement, marginalisation et détérioration sécuritaire dans les pays du Sahel. Des situations portées au compte de la responsabilité des pays fournisseurs de harraga, qu'ils soient algériens ou africains. L'Algérie, en ripostant, voit que la responsabilité de la lutte contre l'émigration clandestine incombe à l'Europe. Celle-ci doit contribuer au développement de l'Afrique économiquement et socialement et lutter contre la pauvreté qui est à l'origine de ce phénomène.
Qu'importe la responsabilité de l'un ou de l'autre, l'impératif pour les pays d'Afrique et pour ceux de l'Europe, est d'élaborer une stratégie commune pour lutter contre l'émigration clandestine. Ce drame humanitaire qui n'épargne même pas les nouveau-nés. Situation inquiétante quand on considère le nombre croissant de harraga, durant les quatre derniers mois, où pas moins de 400 harraga ont été soit arrêtés ou interceptés sur le point de partir, par les gardes-côtes et la Gendarmerie nationale de Annaba.


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