Algérie

Quand Ennahdha voulait imposer les Turcs sur le marché tunisien



Tunis
De notre correspondant
Des députés d'Ennahdha ont présenté deux amendements à l'article 36 du projet de loi de finances 2018, portant sur la taxation des articles turcs. Le premier a proposé de ramener la taxation à 20% et le deuxième à 30%. L'ARP a refusé les deux propositions. Nidaa Tounes, le parti du chef du gouvernement Youssef Chahed, a pesé de tout son poids pour faire passer l'article. Par ailleurs, la manière avec laquelle Ennahdha et ses députés se sont opposés à la taxation des produits importés de Turquie prête à équivoque. Ce n'est pas uniquement la défense d'un pays ami. Le gendre de Rached Ghannouchi et néanmoins leader d'Ennahdha, Rafik Abdessalem, a trouvé normale l'opposition des députés d'Ennahdha à l'article 36 de la loi de finances.
«La Turquie est un pays ami et on ne jette pas de pierre sur ses amis», a-t-il répondu sur Attassiaa TV à ce propos. L'ex-ministre des Affaires étrangères n'a pas prêté la moindre attention aux conséquences désastreuses de ces importations sur le tissu industriel local, ni sur le déficit commercial avec ce pays.
Lequel raisonnement pousse à des interrogations sur les tenants et aboutissants d'une telle position. Tout le monde sait pertinemment que les islamistes de tous bords s'entraident.
Interrogations
Toutefois, du temps de l'ex-président égyptien Mohamed Morsi, ses relations avec la Turquie d'Erdogan n'étaient pas au beau fixe en raison des intérêts de chaque pays. Donc, être du bord islamiste n'explique pas tout et la défense de l'importation des produits turcs a d'autres raisons dont l'intérêt est plus direct pour les islamistes d'Ennahdha. A ce titre, le chef du bloc parlementaire nationaliste, Mustapha Ben Ahmed, dit : «Ennahdha cultive des intérêts directs de ces importations dans la mesure où la quasi-totalité de ces produits passe directement dans le marché parallèle tenu par des Nahdhaouis.» Ben Ahmed se demande, par ailleurs, pourquoi les services des impôts et des douanes n'enquêtent pas sur ces réseaux mafieux qui sont derrière le marché parallèle et fournissent le gros des livraisons. «Tous les petits détaillants indiquent, à qui le veut, les propriétaires des grands dépôts de marchandises qui importent de Turquie et dont une grande partie courtise Ennahdha», poursuit le député.
Financement
Pour sa part, la députée du même bloc nationaliste, Bouchra Belhaj Hamida, n'a pas manqué d'évoquer le financement des prochaines élections. Pour elle, Ennahdha veut d'abord assurer des fonds directs à travers ces importations via ses réseaux d'islamistes inféodés dans le commerce. «Ce sont les financiers d'Ennahdha», explique-t-elle, en reconnaissant toutefois que «cela est vrai aussi pour les autres partis, via des réseaux différents». Me Bouchra explique aussi qu'Ennahdha compte sur la Turquie et le Qatar pour l'aider lors des prochaines élections sur le plan de la logistique et des finances. Un tel coup de pouce peut s'avérer d'importance au moment opportun. Tout le monde se rappelle, comme l'a dit Rafik Abdessalem, que la Turquie avait aidé le gouvernement de la Troïka, juste après la révolution. Mustapha Ben Ahmed ne manque pas de rappeler, à ce titre, que la Turquie a facilité le passage de milliers de jeunes Tunisiens en Syrie. Le dossier turc prête donc à équivoque et, avec lui, l'attachement des Nahdhaouis à la protection du marché des importations de Turquie.
Ces litiges n'ont pas empêché les députés d'Ennahdha de voter pour la loi de finances 2018. Leur leader Ghannouchi sait fort bien qu'il n'a pas intérêt, en ce moment, à fâcher le président Béji Caïd Essebsi. Un mot de ce dernier aux oreilles des leaders occidentaux peut bien faire glisser Ennahdha vers les ténèbres.


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