Algérie

Quand des parents prennent leur fille en «otage»



Quand des parents prennent leur fille en «otage»
La famille et sa cohésion sont un débat d'actualité en Europe. Le vieux continent n'a pas que des ennuis économiques ou des problèmes de gestion des flux migratoires. Il fait face, malgré les apparences, à de profonds déchirements sociaux, dont le taux élevé de divorces n'est que l'expression la plus visible du mal-être.Le cinéaste slovaque, Juraj Lehotsky, a repris, à sa manière, la thématique de la séparation des parents dans Nina, projeté, jeudi soir au petit théâtre de l'Opéra du Caire, à la faveur de la compétition officielle du 39e Festival international du film du Caire. Nina (Bibiana Novakova), douze ans, est une fille débordante d'énergie. Championne de natation, elle décroche des médailles d'or et de bronze et veut l'argent.
Mais Nina vit partagée entre sa mère, Matka (Petra Fornayova), et son père, Otec (Robert Roth). Elle souffre en silence en se concentrant sur le sport, sur sa cabane du jardin, où elle fabrique un petit monde merveilleux avec des objets qu'elle trouve et avec des granulés de bois que son père lui apporte de son usine. Elle veille aussi sur ses chenilles qui, ici, suggèrent la transformation et l'envie de se libérer du cocon.
Nina tente de se créer un monde parallèle pour oublier les querelles renouvelées de ses parents malgré la séparation. Otec, souvent silencieux, paraît toujours attaché à son épouse. Il est gêné par l'idée que Matka essaie de refaire sa vie avec un Autrichien. Elle se met à parler allemand, ce qui agace sa fille. «L'anglais me suffit», lui dit-elle. A l'époque médiévale, les Allemands avaient colonisé les territoires qui appartiennent à l'actuelle Slovaquie. Il en reste des traces. Matka néglige sa fille. Nina se rapproche de plus en plus de son père, plus présent, en dépit de son air distant, ce qui met en colère Matka.
Nina finit par se rebeller contre un ordre qui lui est imposé. Les enfants ont-ils un jour compris le divorce de leurs parents ' Compris les scènes de ménage ' Compris les violences conjugales ' L'intérêt du film de Juraj Lehotsky est qu'il raconte l'histoire du point de vue de Nina qui, parfois, ne sait pas si elle doit abandonner son enfance et son insouciance pour essayer, au moins, de comprendre ce qui se passe autour d'elle.
L'égoïsme et l'entêtement des parents l'étouffent, alors qu'à son âge, la tendresse et la caresse sont vitaux pour la construction de la personnalité. Matka et Otec semblent avoir oublié cela. Ils ont négligé la fragilité de leur enfant en devenant la source de son malheur. Ils vont l'apprendre à leurs dépens. Le drame social est plutôt bien mené sans forcer la narration. Le silence est bien utilisé. Autant que la musique. Les regards pensifs de Nina résument tout son drame intérieur. Le gros plan sur le visage dévasté d'Otec ne laisse aucune place au doute: c'est un homme blessé et désarmé qui tire son énergie de l'amour naturel de sa fille. Il est souvent filmé de dos pour souligner son désarroi. Les lumières du jour et de la ville voyagent dans le long métrage pour évoquer le vague à l'âme tant de Nina que de ses parents.
Pour retrouver un semblant d'amusement, Nina se met sur une grue que son père conduit pour voir le monde d'en haut. Une symbolique intelligente pour souligner que les enfants sont souvent vus de haut par les adultes qui, parfois, les prennent d'une main pour les relâcher de l'autre. Juraj Lehotsky a évité, avec soin, les sentiers battus que peuvent suggérer ce genre d'histoires et a dépassé «le stylisme» de l'image pour ne retenir que la spontanéité, aidé par le jeu naturel de Bibiana Novakova, le réalisme prononcé des décors et la fluidité du scénario. «Le film parle aussi de pardon : j'ai évité l'aspect moralisateur pour favoriser une histoire où le spectateur peut se demander s'il est possible de pardonner, je voulais ouvrir une réflexion sur la manière de se défaire des émotions négatives pour recommencer sur de bonnes bases», a expliqué Juraj Lehotsky, dans une interview. Se débarrasser des sentiments négatifs est justement l'un des grands défis qui se pose à la mécanique humaine. L'humain est au coeur de l'œuvre de ce cinéaste de 42 ans.
En 2008, il a été retenu à la Quinzaine des réalisateurs du Festival de Cannes pour son documentaire Blind Loves (Amours aveugles) sur le partage amoureux entre personnes non voyantes, une thématique originale, jamais abordée au cinéma. En 2013, il a réalisé Zazrak (Miracle) sur l'amour, rendu coupable, d'une adolescente.


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