Abdelaziz Belkhadem, représentant personnel du président de la République, a fait une déclaration amusante sur la situation dramatique que connaît le pays. «Nous sommes pour l’expression, mais pas n’importe comment, nous sommes pour le dialogue civilisé. La protestation doit s’exprimer de manière pacifique», a déclaré le secrétaire général du FLN. Cela ressemble à une plaisanterie. Le FLN, qui a cautionné et justifié le maintien de l’état d’urgence au mépris de la Constitution et des pactes internationaux sur les droits de l’homme, n’a jamais dénoncé l’interdiction de marcher à Alger ou dans les autres villes du pays.
Depuis 2001, il a suffi d’un décret pour que les libertés publiques soient suspendues de manière indéterminée. Le système instauré par Abdelaziz Bouteflika depuis 1999 est clairement opposé à toute expression pacifique dans la rue ou dans les espaces publics. Le non-agrément de nouveaux partis ou syndicats et la fermeture de la télévision d’Etat, qui ressemble à un bunker médiatique, renforcent ce constat.
Le FLN, qui s’est mis à genoux devant le nouvel ordre, est traversé par une crise interne que A. Belkhadem n’a pas pu juguler pacifiquement. Depuis sept ans, le parti, qui n’arrive pas à sortir de la culture de l’unicité de pensée, est livré à des secousses sporadiques qui l’empêchent d’avoir une vision politique à long terme. Bloqué dans «les douceurs» du passé, ce parti s’est adapté aux activités à huis clos, loin de la rue, de l’opinion publique et de la contestation réelle.
Belkhadem, qui a accès à la télévision et à la radio quand il veut et où il veut, n’a jamais émis ne serait-ce qu’une ébauche de critique sur les interdits politiques et sécuritaires qui figent le pays. Il n’a jamais protesté contre le verrouillage général de la nation ni sur la neutralisation des instruments de la médiation sociale et politique. Sous les lumières aveuglantes du palais d’El Mouradia et derrière l’ombre furtive de Abdelaziz Bouteflika, Belkhadem n’a pas vu la tempête venir. Il est était incapable d’anticiper la révolte. Lui, comme Ahmed Ouyahia qui semble avoir perdu l’usage de la parole, n’avait trouvé aucune gêne à s’adapter au «débat» au sens unique et à tourner dans le même cercle.
Au Parlement, le Premier ministre a même prévenu contre le recours à l’émeute. «Celui qui a mal la tête coupe la route et brûle les pneus», a-t-il dit, presque sûr de lui. La réponse a été fulgurante. Ouyahia, Belkhadem et tout le pouvoir dénoncent la violence – comme le fait avec maladresse Daho Ould Kablia, ministre de l’Intérieur – alors qu’ils ont tout fait pour empêcher les Algériens de s’exprimer pacifiquement, même à l’intérieur des salles. Un débat sur la violence contre les femmes a été interdit. Tout ce qui est lié aux questions relatives aux droits humains est frappé de suspicion.
Samedi à Oran, des artistes et des universitaires ont été malmenés par la police au moment où ils tentaient d’organiser une marche pacifique. Une action que le FLN, le RND ou même le MSP auraient pu organiser. Non, l’Alliance présidentielle, constituée par ces trois formations, préfère l’air comprimé des salons, sans doute «moins pollué». Pas de débat libre, pas de rencontres politiques, pas de marche, pas de sit-in, pas de rassemblement, pas de… Ceux qui ont semé le vent doivent affronter l’ouragan.
A mains nues ou avec des mots creux.
L’affronter car ils n’ont pas laissé grand-chose aux jeunes sauf… la violence de l’expression. Aussi, la réaction de Abdelaziz Belkhadem, citée uniquement en exemple, est-elle ridicule. Elle est elle-même violente car elle démarre d’un mensonge. A-t-on laissé une petite place au «dialogue civilisé» ' La crise de ce mois de janvier 2011 permet au moins de constater de façon éclatante que la classe dirigeante est sérieusement décalée par rapport au pays, ces Algériens… d’en bas.
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Posté Le : 11/01/2011
Posté par : sofiane
Ecrit par : Fayçal Métaoui
Source : www.elwatan.com