Algérie

Qu'est le patriotisme devenu'



Est-il ringard, mal venu ou hors de propos que de revenir sur le patriotisme et sur ce qu'il est devenu' En fait, il est loisible de constater au quotidien combien cette notion de patriotisme n'a plus de sens, sinon de prise ou, pire, de signification pour une jeunesse algérienne qui s'identifie à d'autres normes, d'autres repères qu'aux valeurs qui sont, ont été, les nôtres au long des millénaires. Pourquoi revenir sur la question' En vérité, deux faits nous ont surpris et interpellés qui résument quelque peu l'état d'esprit qui prévaut en rapport avec l'Algérie. D'abord ce fut l'intervention d'une constitutionnaliste algérienne qui, évoquant la révision envisagée de la loi fondamentale, estime que si la Constitution ne respecte pas l'indépendance de la justice et l'Etat de droit, il y aurait encore la CPI (Cour pénale internationale) devant laquelle pourraient être déférés de hauts responsables... Il est évident que notre justice n'est pas ce qu'elle devrait, aurait dû être, mais de là à estimer «normal» que des Algériens puissent être, un jour, jugés ailleurs que dans leur pays et par la justice de leur pays, voilà qui est peu banal lorsque ce sont des Algériens qui en font le conseil. Même si cette suggestion est d'ordre général, elle n'en ouvre pas moins de vastes perspectives quant à la notion de patriotisme et tout ce qu'il véhicule comme appartenance à un pays, à une nation, à une histoire...Notons que les Américains - qui nous donnent l'exemple - ont tout fait pour que leurs ressortissants ne soient pas jugés par la CPI, quels que soient les crimes qu'ils auraient commis ou pu commettre par ailleurs, hors des Etats-Unis. Il est vrai - encore que cela pourrait être un autre aspect de la question, en fait un autre problème - que nombre de hauts responsables algériens ont la double nationalité, ce qui pourrait relativiser quelque peu leur patriotisme ainsi mis en équation et proportionnel (') à leurs intérêts propres. Quand on est jaloux d'une indépendance chèrement acquise, on ne milite pas pour la perspective de voir nos dirigeants avoir à comparaître devant un tribunal autre que celui de leur pays. Le deuxième point à avoir retenu notre attention consiste dans la déclaration faite par un ambassadeur tunisien lors d'un débat sur Nessma TV, qui lui fait dire, sans ambages, que Jugurtha fait partie du patrimoine de la Tunisie. De la même façon, les Tunisiens revendiquent saint Augustin. L'un et l'autre natifs de Numidie (Algérie) et non de Carthage (l'actuelle Tunisie). Mais, est-ce vraiment étonnant lorsque les livres d'Histoire, les manuels scolaires et universitaires algériens ont fait le silence et l'impasse sur ces hommes et femmes bâtisseurs de la Nation algérienne' Nous constatons que le déficit historique de l'Algérie s'est tellement creusé que des parties tierces peuvent, sans remords, revendiquer comme leur ce patrimoine mémoriel national, du seul fait que ceux censés le défendre - patrimoine qui est notre repère et fondement de notre historicité - l'ont ignoré, abandonné, voire rejeté, quand ils font remonter l'Histoire de ce pays au seul Emir Abdelkader. En fait, l'Indépendance reste insuffisante - à elle seule - à forger le sentiment de citoyen et de patriote lorsque fait défaut l'assise essentielle que sont les fondements historiques et identitaires.
C'est là un vaste concept qui n'a pas été suffisamment pris en compte. Mais, le fait est là, cette «négligence» à prendre en charge l'aspect historique, identitaire et culturel du pays, a eu des retombées les plus négatives pour notre jeunesse qui ne sait pas et pour le pays. Négatives dans le sens où les Algériens ne se retrouvent pas en phase avec leur pays, quand ils n'arrivent pas à se situer «historiquement» dans la hiérarchie humaine. Quelle est, quelle a été notre histoire au cours des siècles, quel rôle nos ancêtres ont joué dans la civilisation humaine, dans l'édification de notre identité' L'histoire officielle est restée muette sur cet aspect de notre passé, ne l'a pas pris en charge. Qui sont ces ancêtres' D'où viennent-ils' Quel a été leur apport à la fondation de ce pays, l'«Algérie», connue dans l'Antiquité sous le nom de Numidie' Tout pays, aussi petit soit-il, a un passé que son histoire glorifie, et duquel ses enfants tirent leur fierté. De quoi a été fier l'enfant algérien auquel on n'a pas expliqué ce qu'a été vis-à-vis de l'histoire Massinissa, Jugurtha, Syphax, Kahina, Koceïla, saint Augustin, saint Donat, qui ont vécu avant l'avènement de l'Islam et porté haut le nom de cette contrée, ou encore Ibn Quenfoud, Ibn Toumert, Ibn Rostom, Tarik Ibn Ziad, qui contribuèrent à l'expansion de l'Islam' Le patriotisme ne s'enseigne pas, il est inné, mais la famille, l'école contribuent grandement à familiariser l'enfant avec l'histoire du pays, les faits et gestes de ses héros. Ce qui induit une connaissance succincte et authentique de notre Histoire. Il est vrai que le buste de Jughurta est exposé au Palais de Carthage à Tunis, pas au Palais du peuple à Alger. Ceci explique sans doute cela.


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