Algérie

Qu'est-ce qui fait courir Mohamed ben Salmane'


Une image des raids saoudiens au Yémen
Avec le concours des Etats-Unis, Israël a réussi l'exploit au cours des cinq dernières années, c'est-à-dire depuis le début du Printemps arabe, de se rapprocher militairement de 5 pays arabes du Golfe.
Une semaine après le dénouement de l'affaire Hariri, Premier ministre libanais démissionnaire à partir de Riyadh et auteur malgré lui d'un regain de tension intercommunautaire dans un pays aux équilibres extrêmement fragiles, l'Arabie saoudite a lancé hier une coalition «antiterroriste» de 40 pays musulmans à dominante sunnite, promettant une lutte implacable contre les groupes extrémistes jusqu'à leur «disparition de la terre».
La réunion des ministres de la Défense des pays concernés venant d'Asie et d'Afrique, entre autres la Turquie, le Pakistan et le Nigeria, a été ouverte par le prince héritier, Mohamed ben Salmane, homme fort du royaume wahhabite et ennemi déclaré de l'Iran et de ses alliés dans la région.
L'obsession de Mohamed ben Salmane est virulente. Dans un entretien au New York Times, il accuse le Guide iranien Ali Kamenei d'être le «nouveau Hitler» au Moyen-Orient, laissant entendre qu'il compte bien, du coup, être le Winston Churchill pour barrer la route aux appétits chiites. Pour l'instant, le nouveau prince héritier se contente de souhaiter pour la coalition «antiterroriste» une «coordination forte, excellente et spéciale» pour mener sa mission à bien. Evidemment, on ne sait pas encore clairement de quelle mission il s'agit sinon que l'union sacrée sera faite en guise de réponse aux agressions de tout groupe qualifié de «terroriste» par l'Arabie saoudite. Du coup, on sait que les Houthis, au Yémen, et le Hezbollah, au Liban, seront les premières cibles désignées, surtout que le mouvement chiite libanais a déjà été catalogué terroriste à deux reprises au sein même de la Ligue arabe.
Semblant d'ironie, les agences occidentales ont simplement relevé que ni l'Iran ni la Syrie ni l'Irak ne font partie de cette coalition. On se demande comment ils pourraient faire partie d'une coalition dont ils sont la cible évidente, surtout s'agissant du grand rival chiite de l'Arabie saoudite. Depuis qu'elle a rompu ses relations avec le Qatar, suivie par deux autres pays du CCG et par l'Egypte en l'accusant de soutien aux groupes extrémistes, l'Arabie saoudite n'a cessé de préparer les conditions optimales pour un éventuel conflit qui la mettrait face à l'Iran. Derrière la prétendue quête d'une coordination des moyens et des stratégies en riposte aux organisations terroristes, se cache la volonté de puissance dont le prince héritier Mohamed ben Salmane se veut le porte-étendard. «Cet état de fait prend fin aujourd'hui, a-t-il déclaré, car plus de 40 pays envoient un signal très fort, consistant à dire que nous allons travailler ensemble et que nous allons mettre ensemble nos capacités militaires, financières, politiques et de renseignement». «Cela se fera à partir d'aujourd'hui et chaque pays va y contribuer à hauteur de ses capacités», a-t-il ajouté pour donner corps à son projet.
De l'absence de 17 pays membres de l'OCI qui en compte 57, il n'a évidemment pas été question. On devine aisément pourquoi. Mohamed ben Salmane a choisi délibérément de s'emparer du cas de l'Egypte, victime d'un sanglant attentat contre une mosquée, pour souligner que «face aux dangers du terrorisme et de l'extrémisme, nous allons nous tenir aux côtés de l'Egypte et de tous les pays du monde qui combattent» ces fléaux.
Un message d'une limpidité remarquable pour un homme qui se veut le champion d'un «islam modéré, tolérant et ouvert» sur la modernité contrairement à des organisations rétrogrades qui «déforment l'image de notre religion».
Dans un tel contexte, on ne peut pas ne pas évoquer le récent épisode libanais dont nombre d'observateurs pensent qu'il constitue un test des capacités du Hezbollah, une fois les hostilités ouvertes. Or, qui dit hostilités contre le Hezbollah entend bras de fer militaire avec Téhéran. Et là, le rôle d'Israël apparaît sans la moindre ambiguïté. Les dirigeants israéliens et le président américain Donald Trump ne cachent pas leur souhait de contraindre l'Iran, pays hostile au sionisme et à la mainmise américaine dans un Moyen-Orient mis à genoux par les guerres menées en Irak puis en Syrie. Israël n'a pas cessé, depuis plusieurs années, de «dénoncer» le programme nucléaire iranien, condamnant avec une véhémence suspecte l'accord intervenu entre-temps et déjà remis en cause par l'administration Trump, tout en gardant un voile pudique sur les quelque 400 ogives nucléaires stockées dans ses entrepôts, chiffre qui, durant la guerre des six jours, se «limitait» à 80, fabriquées avec l'aide de la France! Tout comme le site Osirak, détruit avec le concours de la France partenaire du programme nucléaire irakien, Israël veut, coûte que coûte, cibler les deux sites iraniens de Natanz et Arak. Avec le concours des Etats-Unis, Israël a réussi l'exploit au cours des cinq dernières années, c'est-à-dire depuis le début du Printemps arabe, de se rapprocher militairement de 5 pays arabes du Golfe et cela de l'aveu même du chef d'état-major israélien.
Cette coopération implique les services de renseignements, l'objectif étant de riposter au travail du général iranien Qassem Souleimani, chef des forces spéciales des Gardiens de la Révolution, un homme d'une remarquable efficacité sur les champs de bataille et auprès des pays alliés comme la Russie. Certaines sources ont ainsi évoqué un plan qui verrait des appareils estampillés saoudiens mais en réalité appartenant à l'aviation israélienne attaquer les sites nucléaires iraniens, de façon à enflammer la poudrière. Une hypothèse fort peu crédible quand on connaît la capacité de riposte de l'aviation iranienne et son dispositif de missiles balistiques dont certains ont une portée de plus de 2000 km.
Toujours est-il que la toile est tissée qui prépare le piège tendu aussi bien au Hezbollah qu'à l'Iran. Déjà membre de la coalition occidentale conduite par les Etats-Unis en Irak et en Syrie, l'Arabie saoudite accueille un centre dédié à la lutte contre les groupes extrémistes créé à la faveur de la visite du président Donald Trump en mai dernier. En lançant cette nouvelle coalition, en pleine tension avec l'Iran caractérisée jusqu'ici par des échanges aigre-doux, le prince héritier cherche-t-il à brouiller les pistes ou nourrit-il la volonté d'en découdre avec une puissance rivale avec laquelle il est à couteaux tirés sur plusieurs dossiers régionaux' A ce jour, l'Iran demeure imperturbable, jugeant que «personne au monde n'accorde le moindre crédit» aux attaques de Mohamed ben Salmane.
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