Le cahier des charges lié à l'importation de véhicules neufs continue d'entretenir le suspense autour de sa mise en application. Après le second ultimatum fixé par le président de la République lors du dernier Conseil des ministres pour « une publication avant la fin de la semaine » (ndlr : la semaine écoulée), les professionnels, les observateurs et le citoyen lambda sont en droit de se poser légitimement des questions sur les véritables raisons de ce retard.S'agit-il de simples désaccords sur des questions techniques, de formulations juridiques et de méconnaissance des différents aspects de ce métier, ou s'agirait-il de divergences sur des questions bien plus complexes avec des interférences dans les prérogatives ' Sinon qu'est-ce qui pourrait justifier la non- application, par deux fois, des décisions du Conseil des ministres.
Ceci étant, le document, dans sa première mouture, fait, néanmoins, l'objet de débat dans les milieux initiés et les opérateurs concernés par cette activité. Et en raison de l'absence de fait de l'Association des concessionnaires automobiles (AC2A), unique organisation regroupant les principaux opérateurs du secteur, nous avons pris contact avec les gardiens du temple, qui avaient jeté les premiers jalons de ce métier en Algérie, il y a plus de vingt ans et qui tentent de préserver encore leur enthousiasme pour cette profession malgré une marginalisation forcée pendant ces quatre dernières années.
Des griefs en série
Premier regret exprimé, c'est de ne pas avoir été consultés au moment de la préparation de ce cahier des charges, «notre expertise et notre expérience dans le domaine auraient pu constituer une base de travail pour la commission en charge de ce document», nous confiait un de ces opérateurs historiques.
Selon lui, une lecture approfondie du projet de cahier des charges laisse apparaître clairement un manque de maîtrise des tenants et des aboutissants de cette activité. Les dispositions prises sont loin de correspondre, pour certaines, à la réalité du terrain. Il paraît évident que les rédacteurs du texte ont fait, parfois, dans l'approximation avec une méconnaissance du fonctionnement de ce secteur, tant au plan des constructeurs que des concessionnaires locaux.
Une interrogation se pose concernant la limitation à deux marques par société. Qu'en sera-t-il des groupes ayant plusieurs marques dans leur escarcelle ' Devront-ils disposer d'autant de représentants que de marques ou faire le choix d'un ou deux labels pour se conformer à ce nouveau texte, au détriment d'une meilleure gestion de la vente et l'après-vente ' Pour nos interlocuteurs, «la limitation de la concession à deux marques est une restriction à la liberté d'investissement et de commerce garantie par l'article 43 de la Constitution et ne favorise pas la concurrence et la liberté de choix du consommateur».
Des dimensions inadaptées aux normes internationales
Autre point soulevant des interrogations, ce sont les nouvelles dimensions imposées dans l'aménagement des infrastructures. Cela confirmerait, encore une fois, un tâtonnement dans la rédaction du texte. Et pour cause, exiger 1000 m2 pour un show-room d'exposition de véhicules particulier relève de l'irréel par rapport aux normes internationales. Aujourd'hui, chez les plus grands constructeurs, l'espace recommandé pour un véhicule exposé est de 20 m2 dans une structure devant théoriquement accueillir, au plus, une dizaine de modèles, soit une superficie globale entre 200 et 400 m2 intégrant aussi les espaces réservés au service commercial, l'accueil, etc. Pour les professionnels, cette exigence est «une double pénalisation pour le concessionnaire qui est poussé à surinvestir, et par conséquent, à augmenter ses coûts dans une période de restriction des importations dont l'objectif est de réduire, précisément, la facture d'importation liée au secteur automobile». La question des surfaces utiles devrait plutôt être conforme aux standards internationaux de la marque concernée et imposée à son représentant en Algérie.
Un dilemme : vendre ou acquérir des biens
De même qu'il est relevé une autre contrainte, dont la mise en application ne manquerait pas d'avoir des répercussions sur les prix de vente des véhicules, à savoir celle se rapportant à l'obligation, soit de la propriété des locaux, soit une location d'une durée minimale de 5 ans. Pour les opérateurs du secteur, l'incompréhension est totale : «Pourquoi contraindre le concessionnaire à disposer de la propriété des infrastructures ' L'objectif est-il de vendre ou de faire des acquisitions de biens immobiliers '» D'autant qu'il est constaté une incohérence avec le cahier des charges établi par le ministère du Commerce qui, lui, dans son article 03, ne fait état que de l'exigence d'une copie du contrat de location ou du titre de propriété.
Toujours dans le chapitre des incohérences du projet de cahier des charges proposé par le ministère de l'Industrie, l'article n°17 se rapportant à l'obligation de l'entrepôt sous douane.
Une disposition contraignante et antiéconomique qui mettrait à mal les équilibres financiers de l'investisseur dont les volumes ne seraient pas importants, surtout en cette période de crise et de limitation des importations et des quantités attribuées aux uns et aux autres. Les surcoûts liés à cette mesure impacteraient directement les coûts des produits et les tarifs aux clients.
Ce sont là quelques exemples de dispositions qui suscitent, avant même l'entrée en vigueur de ce fameux cahier des charges, l'incompréhension et l'inquiétude de quelques opérateurs historiques de l'activité automobile en Algérie.
B. Bellil
-
Votre commentaire
Votre commentaire s'affichera sur cette page après validation par l'administrateur.
Ceci n'est en aucun cas un formulaire à l'adresse du sujet évoqué,
mais juste un espace d'opinion et d'échange d'idées dans le respect.
Posté Le : 16/08/2020
Posté par : presse-algerie
Ecrit par : Belkacem Bellil
Source : www.lesoirdalgerie.com