Algérie - Mosquée Sidi Brahim, Tlemcen


QOUBBA DE SIDI BRAHIM
Elle est située sur un petit tertre à quelques mètres à l'Ouest de la mosquée. L'entrée, au Nord, donne sur une cour carrée de 5" ,63 de côté; sur les quatre faces, des galeries couvertes entourent cette cour, établies sur des arcs en fer à cheval brisé qui retombent sur quatre colonnes trapues de 1m, 15 de hauteur et de 1m ,55 de circonférence. Selon toute apparence, ces colonnes, simples fûts cylindriques en onyx bien poli, proviennent des ruines de Mansourah et ont été coupées en deux.
La qoubba qui fait suite est une chambre carrée de dimensions identiques à celles delà cour. Le cadre de la porte a du recevoir, à une époque assez récente, un remaniement complet. Le haut en est, du côté de la cour, inscrit dans un panneau revêtu de faïence.
A l'intérieur, la chambre sépulcrale est, sur chacune de ses faces, défoncée par une arcade en fer à cheval déformée au sommet suivant une brisure à peine sensible. Des arabesques garnissent les écoinçons qui flanquent ces arcades : au centre de chacun d'eux se trouve une coquille circulaire à cannelures rayonnantes. Une inscription cursive borde les rectangles d'encadrement et les panneaux qui les séparent; elle porte un texte coranique que de maladroites restaurations ont en partie défiguré(1). Les panneaux intercalaires sont garnis de décors géométriques ménageant au polygone de départ deux genres de motifs défoncés : un motif ornemental et des sentences en lettres cursives. Ces sentences courtes sont du genre des phrases sacramentelles El-izzou lillâh, la majesté est à Dieu ; El-Amrou lillâh le commandement est à Dieu. Un lambris [fig. 80) de 0m ,82 de haut, en mosaïque de faïence, blanc, brun, jaune et vert garnit la base des murs. Une frise court au-dessus des panneaux: c'est le décor géométrique habituel de cette partie du revêtement ; le polygone étoilé, qui occupe les centres, porte un motif ornemental alternant avec un motif coufique. Au dessus règne un fond où se trouvent des décors à répétition copiés sur ceux de Sidi Bel-Hassen et de Sîdi Bou-Médiène. A cette hauteur, deux petites fenêtres en plein cintre garnies de claires-voies à combinaisons géométriques percent chaque mur.
La coupole à huit pans, sans aucun décor, est établie sur les demi-voûtes d'arête ordinaires des qoubbas tlemceniennes.
Cette qoubba présente un des seuls spécimens qui nous soit parvenu de l'art de la restauration zeiyânide après le départ définitif des Mérinides. Moins que les autres qoubbas elle eut à subir des restaurations durant le cours des siècles qui suivirent. L'élégant revêtement de plâtre dont l'avait doté son fondateur nous est vraisemblablement parvenu intact. Seules les plaques de faïence qui décorent la porte sont des apports ultérieurs ; elles sont de tous points semblables à celles du mihrâb de la mosquée.
Le style— Le décor de plâtre présente une grande variété de formes en même temps qu'il témoigne d'un appauvrissement évident du style et de la technique. L'épigraphie fait une grande place à l'écriture cursive ; le coufique ne s'y rencontre plus en inscriptions d'une certaine étendue; il n'existe plus qu'à l'état de motif purement ornemental de faible dimension.
La géométrie y joue un rôle assez important : c'est ici le premier et le seul exemple que présentent les monuments tlemceniens de décor géométrique employé dans les grandes surfaces et formant l'ornement principal d'un revêtement. Le thème n'est pas non plus du genre de ceux que nous avons rencontrés dans les monuments déjà étudiés. C'est (fig. 78) une combinaison de rosaces à douze pointes sur plan trigone. Semblable ornement se remarque à Grenade, à l'Alhambra et à l'extérieur du couvent de Zafra près du Daro. Quant à la composition des lambris, si elle n'est point de celles que l'on rencontre ordinairement dans les revêtements de mosaïque, elle fait, du moins, intervenir l'étoile à huit pointes, qui est fréquente dans les décors de plâtre. Ces lambris sont les seuls spécimens de cet emploi de la faïence que nous possédions encore. Il en existait d'autres, et de plus beaux, à la médersa Tâchfinîya et probablement au Méchouar. Ces deux édifices étant démolis, nous n'en pouvons voir que des fragments conservés au Musée delà ville.
La flore est très simple. A part la coquille circulaire des écoinçons et une petite fleur à six pétales présentées de face et d'un dessin naïf dans les arabesques de ces mêmes écoinçons, l'élément unique est la palme ordinaire des décors mérinides, mais perdant de plus en plus le caractère qui la rattachait au règne végétal : elle n'est jamais gravée de nervures intérieures, le limbe et le pétiole se confondent ; elle s'assimile de plus en plus au trait de l'écriture.
Il est, en somme, facile de constater dans toute celle ornementation, en même temps qu'une assez grande prodigalité de thèmes différents, quelques-uns textuellement empruntés aux monuments antérieurs, un appauvrissement du style qui révèle une époque de décadence ; la courbe s'abâtardit, le relief devient uniforme, tout modelé disparait.
Si le décor de plâtre présente un aspect pauvre et monotone, la part donnée à la décoration peinte semble en revanche bien plus grande. Ce ne sont plus ici seulement des tons simples couvrant les fonds, ce sont des petits motifs qui meublent les espaces vides devenus plus importants alors que les ornements sculptés se rétrécissaient. Nous avons relevé (fig. 78) un exemple de ces « garnitures», c'est un décor vermicide noir analogue à ceux qui décorent les plafonds de Sidi El Halwi et à ceux qu'employèrent les céramistes espagnols. Ajoutons qu'un ton rouge dans le trait des entrelacs, un ton bleu dans le fond des polygones étoiles complètent heureusement la polychromie des panneaux.


NOTES :

1- Ce sont les derniers versets de la Soura V, « la Table ».



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