La Ligue arabe dispose d'une présidence tournante exercée à tour de rôle par chacun des 22 Etats. En 2011, Doha avait convaincu l'Autorité palestinienne de lui céder son tour de présidence au sein de la Ligue en contrepartie de 400 millions de dollars.
Un autre indice de la préméditation des «Printemps», où toutes les notes convergent comme dans une partition beethovenienne. C'est cette présidence qui permet à Doha de multiplier ses coups de gueule et menaces, faire et défaire des «révolutions». Accusé de tuer des civils par certains pays occidentaux et par des Etats arabes dont le Qatar et l'Arabie Saoudite, El-Assad accepte d'accueillir la Mission d'observation désignée par la Ligue arabe (composée de plus de 160 experts appartenant à 22 Etats différents) chargée d'apprécier la situation en Syrie durant un mois. La Mission est présidée par le général soudanais Mustafa Al-Dhiabi. A la fin de sa mission, Al-Dhiabi présente à la Ligue arabe un rapport qui conforte la version du gouvernement syrien et lui reconnaît l'obligation d'assurer la sécurité de son peuple, précisant que le pays est attaqué par des groupes armés, auteurs de plusieurs centaines d'attentats et de sabotage d'installations et d'infrastructures étatiques. Ce rapport est validé par le Comité ministériel de la Ligue arabe, composé de 5 pays (Algérie, Egypte, Oman, Qatar, Soudan) à quatre voix contre une, celle du Qatar. Par mesure de rétorsion, le comité sera gelé par le secrétaire général de la Ligue arabe, évidemment sur instruction du Qatar qui exerce la présidence et qui fait la pluie et le beau temps. Le Qatar a décidé de ne pas diffuser le rapport Al-Dhiabi ni de le donner à l'ONU, ensuite il a essayé d'exercer des pressions pour que le général soudanais démissionne avant de lui proposer des pots-de-vin pour se retirer mais il a refusé. Cheikh Hamad bin Jassim, Premier ministre et ministre des Affaires étrangères du Qatar, lui a alors déclaré par téléphone que tout homme a un prix et qu'il lui appartenait de fixer le sien, puis il lui a envoyé un chèque à blanc en lui demandant d'écrire lui-même la somme. Suite au refus réitéré du général, l'émir s'est adressé à Omar El-Bachir et a octroyé 2 milliards de dollars au Soudan : le général Al-Dhiabi a dû démissionner et obéir à son président(1). Mais entre-temps, il a fait l'objet d'une campagne internationale de calomnie, et ce, dès que les premiers rapports quotidiens des observateurs aient montré la véracité de la version de Damas et surtout lorsqu'il a remis son rapport de synthèse disant que les forces de sécurité n'ont jamais tiré sur des manifestations pacifiques de l'opposition. Pour 2012, les Comores eux aussi ont accepté de céder la présidence du sommet de la Ligue arabe à un Qatar friand de tribunes des nations, ayant compris leur utilité pour ourdir des complots. En contrepartie, selon un journaliste de ce pays, le président de la République comorien, M. Ikililou, espérait ramener des valises de dollars mais on ignore s'il a obtenu un aussi beau chèque que celui accordé à l'Autorité palestinienne en 2011. Cheikh Hamad ne pouvait-il pas intercéder auprès de son ami François Hollande pour qu'il restitue l'île de Mayotte dernièrement annexée à la France (le 31 mars 2011) qui en a officiellement fait le 101e département français ' Ni la Ligue arabe ni Hamad ne se sont offusqués de l'annexion d'une île appartenant à un membre de leur Ligue, occupés qu'ils étaient à détruire la Syrie ! Les Comores ont été amputées de Mayotte lorsqu'ils ont accédé à l'indépendance (6 juillet 1975) ; l'OUA a souvent vivement dénoncé cette amputation tandis que la Ligue arabe n'en a jamais dit mot. L'ONU reconnaît l'appartenance de Mayotte aux Comores, mais occupée à financer le massacre du peuple syrien, la Ligue arabe passe sous silence le vol d'une île appartenant à un pays membre. On a expliqué l'audace de la diplomatie qatarie par une sorte de velléité d'exorciser une dépendance à la main d'œuvre étrangère ainsi que la menace incarnée par ses grands voisins, l'Iran et l'Arabie Saoudite. Indépendant depuis 1971, le Qatar n'a résolu ses différends frontaliers avec l'Arabie Saoudite et le Bahreïn qu'en 2001 et, par souci d'indépendance, il a refusé de se dissoudre dans l'union des Emirats arabes unis. Avec l'Iran, Qatar partage l'exploitation de l'énorme gisement de gaz du North field. Lors du conflit Iran-Irak, dans les années 1980, Doha a soutenu Saddam que les wahhabites ont monté contre Téhéran avant de le lâcher lorsque les Etats-Unis ont décidé de le casser après l'occupation du Koweït. Dès 1995, cheikh Hamad bin Khalifa Al- Thani fait un putsch contre son père et se place carrément dans le giron des Etats-Unis mais la culture persane est patiente et conciliante. C'est avec l'aide de la CIA et du MI6 que Hamed a pu renverser son père, accusé de sentiments pro-iraniens alors qu'il avait soutenu l'Irak dans sa guerre contre ce pays. Les Américains et les Anglais lui ont préféré son fils, dont le profil semblait plus servile selon ce qu'ils ont observé lorsque ce dernier faisait sa formation à l'Académie royale militaire de Sandhurst, en Angleterre. Protégé par trois bases américaines de premier ordre, Hamad se met en orbite ; commence alors une ascension fulgurante qui dépassera vite les frontières de la péninsule arabique. Quelques mois après la prise du pouvoir, en 1996, il crée la chaîne qui portera sa voix à l'échelle planétaire. En vérité, l'idée de la création d'Al Jazeera n'est pas sortie de la tête de Hamad : c'est celle de deux personnalités franco-israéliennes, les frères David et Jean Frydman, qui l'ont proposée au nouvel émir dont ils connaissaient l'ego mégalomaniaque. Selon Thierry Meyssan — auquel David Frydman a fait la confidence dans un entretien —, ces deux hommes d'affaires ont, «après l'assassinat de Yitzhak Rabin, dont ils étaient proches, proposé au nouvel émir de créer un média où des Israéliens et des Arabes pourraient débattre librement, échanger des arguments, et apprendre à se connaître, alors que ceci était interdit par la situation de guerre et bloquait toute perspective de paix».(2) Hamad saute sur l'occasion et, la même année (1996), il autorise la création à Doha d'une représentation commerciale israélienne. Puis, en 2002, il autorise les Etats-Unis à créer la base d'Al Oudeïd, puis celle d'As-Sayliyah qui servira de quartier général pour toutes les opérations de guerre contre l'Irak. Pendant qu'Al Jazeera faisait semblant de critiquer ces mêmes crimes contre le peuple irakien… Summum de duplicité ! Situé au cœur du Golfe, au cœur de la tension et des conflits, au-dessus des plus grosses nappes d'hydrocarbures, le Qatar est un don béni pour l'Oncle Sam sur le plan géostratégique. Bon comédien, l'émir Hamad fait parfois semblant d'agir contre les intérêts américain ; et c'est ce qui rend attachant cet allié qui interprète son rôle à la perfection, pour booster le terrorisme et augmenter les ventes d'armes dans une région qui non seulement a de l'argent pour en acheter mais qui sait créer des conflits. Comme un grand lancé dans la course aux armements, le Qatar consacre 10% de son PIB à son armée qu'il a envoyée faire son baptême du feu en Libye, pour tuer les citoyens d'un «pays frère» ! Une nation arabe laminée Contraints à un repli nationaliste susceptible de protéger leurs Etats et leurs frontières, les puissances arabes progressistes ont abandonné les slogans panarabistes et les solidarités transnationales, laminés qu'elles étaient par la défaite de la dernière guerre arabo-israélienne (1973) qui a fait perdre à la Syrie son Golan, et contraint l'Egypte à signer l'accord de Camp David pour récupérer son Sinaï. Les pays de la péninsule arabique ont joué un jeu qui a affaibli la nation arabe tout entière, qui sera vite livrée à des guerres civiles, puis des guerres inter-musulmanes et des guerres interarabes tout court : conflit du Sahara occidental (à partir de 1974), conflit du Liban, Sabra et Chatila, guerre Iran-Irak, guerre Koweït-Irak, occupation de l'Irak par les coalisés, terrorisme islamiste en Algérie… Dans ce décor, les rois et émirs du Golfe et de la péninsule se sont sentis ragaillardis : ils ont saisi l'occasion pour se hisser sur le plan international et aussi pour déstabiliser les autres pays par le biais du wahhabisme et même du terrorisme, et ce, avec la bénédiction des pays occidentaux, Etats-Unis, Grande- Bretagne, France et Allemagne en tête. Longtemps méprisés par les grands raïs arabes (Nasser, Boumediene, Saddam, El-Assad, Bourguiba), les rois et les émirs prennent leur revanche. Ce sont eux qui ont refusé, dès 1988, un seuil minimum de 20 dollars pour le prix du pétrole avant de se mettre à pomper à profusion, au grand dam des autres pays producteurs comme l'Algérie, la Libye, l'Iran et l'Irak, qui sera contraint d'envahir le Koweït. Aux ordres des Etats-Unis et de l'Angleterre, ces monarques n'ont mené aucune guerre contre Israël, voire ils ont poussé une Egypte laminée et au bord de la faillite à accepter le plan Camp David pour récupérer son Sinaï. On ne peut donc pas imaginer une once de souveraineté chez ces régimes dictatoriaux garants des intérêts occidentaux, comme l'étaient ceux des Videla, Pinochet, Ian Smith, Somoza, Bébé Doc, Bokassa et des dizaines d'autres potentats imposés par les Etats-Unis, la France ou l'Angleterre pour piller leurs richesses. Et beaucoup le sont encore jusqu'à ce jour, et bien pires que tous les dictateurs arabes réunis, y compris que Hamad et le roi d'Arabie Saoudite ! La stratégie de positionnement et d'influence du Qatar a donc bénéficié d'une conjoncture extrêmement favorable, notamment du besoin de l'Occident d'avoir de nouveaux vassaux pour conforter une hégémonie unipolaire et asseoir une véritable domination du moyen et du proche Orients. Ajouté à l'Arabie Saoudite, le pion qatari a fait office de cheval ou de fou dans le jeu d'échecs américain, d'autant que Doha a mis une télé et un chéquier à disposition. Quel intérêt a le Qatar, un pays de 200 000 autochtones, de pomper autant de pétrole et de gaz si ce n'est pour financer l'économie américaine ' Et, bien sûr, de remplir les comptes de l'émir et de la famille régnante. Dans une conjoncture
arabe morose, il a trouvé toute la piste libre pour danser. L'Algérie laminée par une guerre civile de dix années ; l'Egypte paralysée par l'absence de ressources et une population au chômage ; la Syrie affaiblie par la guerre du Liban, l'affaire Hariri et la guerre de l'Irak dont elle a accueilli plus d'un million et demi de réfugiés, sans parler du conflit en Palestine. L'Irak qui sort d'une occupation qui a fait deux millions de morts et laminé le pays sur tous les plans. L'Arabie Saoudite manque de vision et c'est Hamad qui vient donner à l'oligarchie un goût de l'aventure et un désir de vengeance sur ces présidents arabes qui l'ont nargué des décennies durant, surtout ce Kadhafi qui, en plein sommet de la Ligue arabe de 2008, avait traité son pays de création de l'Angleterre et de protégée de l'Amérique.
A. E. T.
(A suivre)
1. Selon le Réseau Voltaire. http://www.voltairenet.org/Wadah-Khanfar-Al-Jazeera-et-le
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Posté Le : 09/10/2012
Posté par : presse-algerie
Ecrit par : Ali El Hadj Tahar
Source : www.lesoirdalgerie.com