Algérie

Pulsions émeutières



A Boussâada, la raison qui a poussé des jeunes à détruire leur ville et les infrastructures dont ils ont besoin est tellement surréaliste qu'il faudra nécessairement convoquer une sorte de psychanalyse de la foule.  Que l'on soit frustré par une décision qui relègue l'équipe du cru dans les limbes du football n'explique pas cette furie qui pousse des jeunes à tout détruire, à brûler leur propre ville. Faut-il y voir les signes inquiétants que, face aux problèmes, souvent réels, parfois saugrenus, le recours à l'émeute devient instantané, immédiat ? Une banalisation à l'extrême de l'émeute que certains qualifient, non sans pertinence, d'ultime moyen d'expression dans un pays où les médiations n'existent presque plus.  A Oran, mais pour des raisons moins surréalistes que celles de Boussâada, on y a eu également recours. On est là dans le terrain classique et parfois tragique de la revendication du logement et de l'inévitable ressentiment de ceux qui ne sont pas logés.  Les logements sociaux - et l'emploi - continuent d'être la trame de la chronique émeutière, des décennies de retard en matière de construction de logement rendant impossibles des réponses rapides. A moins que le pouvoir ne comprenne enfin que c'est un grave problème d'ordre public qui se pose et se posera de manière grandissante. Car l'absence de réponse immédiate à la question du logement s'accompagne d'une profonde montée des impatiences.  On ne rappellera jamais assez aux responsables que des jeunes qui n'arrivent pas à se construire, à fonder un foyer, sont des bombes potentielles. On sait malheureusement qu'ils sont fort nombreux et que les appels à la patience ne passent plus. Que la question du logement puisse être relativement résolue dans un lointain futur ne les intéresse pas. A leur manière, ils ont pour réponse cette boutade célèbre de John Maynard Keynes: « A long terme, nous serons tous morts ». La sagesse de l'économiste était de penser le temps à l'échelle humaine, de penser l'économie en se souciant du présent et du futur proche. C'est ce qui en a fait un économiste libéral qui défend l'intervention de l'Etat.  Le problème, en matière de logement en Algérie, est que le présent est terne et le futur proche n'est ni visible ni perceptible pour le plus grand nombre. Cette pulsion émeutière qui traverse le pays - et dont semblent s'accommoder les pouvoirs publics - traduit une crainte réelle d'être laissé sur le carreau. D'où l'envie d'être attributaire « tout de suite », à tout prix, et qui rend les choses pratiquement ingérables.  On connaît l'histoire des logements sociaux restés vides en raison du trop grand nombre de demandeurs. L'impatience, humaine, très humaine, est de mise. Et il faut dire aussi que les exemples de ceux qui ont patienté et qu'on a « oubliés » en définitive n'incitent guère à cette vertu.  Les Planteurs, à Oran hier, cela entre dans la catégorie de l'explicable. Mais que diable y avait-il dans la tête des jeunes de Boussâada ?


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