Algérie

Pub et trahison


On sait que Tripoli aime à cultiver ce qu'elle croit être la grande originalité du système de la Jamahirya. Mais derrière le folklore, c'est un pouvoir qui négocie et traite sans état d'âme avec ses « ennemis » occidentaux d'hier, devenus ses grands amis intéressés aujourd'hui. Le dénouement de l'affaire des infirmières bulgares et du médecin palestinien, fruit de longues tractations, fait partie de cette realpolitik aux antipodes des agitations des « jamahir ». L'affaire était close en apparence; mais de manière surprenante, Tripoli fait mine de s'offusquer de la grâce accordée par le président bulgare aux six praticiens dès leur arrivée à Sofia. On ne sait pas si, comme l'affirme Tripoli, la Bulgarie a violé « les procédures légales en matière d'extradition, prévues par le droit international et par l'accord d'entraide judiciaire signé entre les deux pays ». Mais dans cette affaire, le droit ne comptait pas énormément et l'arrangement politique primait de bout en bout. Sarkozy, disent les Libyens, aurait exprimé son « mécontentement » au sujet de la manière dont Sofia a gracié les praticiens. Peut-être l'a-t-il complaisamment dit au colonel Kadhafi, mais gageons qu'il se gardera de le redire publiquement. En réalité, la présence même de l'épouse du président français dans un grand exercice de communication rendait cette libération « festive » impérieuse. L'exercice n'aurait aucun sens si les praticiens passaient d'une prison libyenne à une prison bulgare. Tripoli a largement joué le jeu dans cette affaire et il est pénible de l'entendre crier à la « trahison ». Bien sûr, la Libye découvre qu'elle a le mauvais rôle dans cette orchestration médiatique et qu'on a fait la fête à ses dépens; mais quand on veut faire un cadeau publicitaire au président français avant son arrivée à Tripoli, il faut savoir assumer. Il est quand même curieux d'entendre le Premier ministre libyen demander à la Ligue arabe, à l'Union africaine et à l'Organisation de la conférence islamique (OCI) de prendre une « décision » contre Sofia ! Qu'on leur épargne donc d'avoir à discuter de cela ! La Libye a géré cette affaire comme elle l'entend. Et on espère vraiment que le suivi des enfants infectés par le sida sera effectif et sérieux, car il n'y a pas de raison que cela devienne un motif de dispute de « civilisation ». On peut aisément comprendre que les responsables libyens découvrent après coup qu'ils ont été desservis par ce coup de pub planétaire. Mais le casting de l'affaire le voulait et cela n'a rien à voir avec le droit international. Au demeurant, on peut relever que la Fondation Kadhafi, que dirige le fils du «guide», a largement communiqué en faisant valoir qu'elle avait été réservée sur les peines capitales infligées par la justice libyenne aux six praticiens et qu'elle n'appréciait pas que les policiers accusés de tortures à leur encontre aient été élargis. Voilà qui relativise déjà la « trahison » de Sofia. La seule chose qu'il faut vraiment ne pas oublier dans cette affaire, ce sont les enfants libyens contaminés. Ce sont eux qu'il ne faut pas trahir et c'est du ressort de la Libye...
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