Algérie

Propositions pour la mise en place d'un dispositif douanier de lutte



INTRODUCTION
Il est primordial aujourd'hui que les autorités locales et nationales sachent que les techniques douanières ont été conçues, à l'origine, pour protéger l'économie du pays, en général, et le Trésor public, en particulier. Une non-maîtrise de ces techniques par l'administration des douanes ou une infraction à ces mêmes techniques par les opérateurs/importateurs se traduirait par une catastrophe pour l'économie du pays, et c'est le Trésor public qui en pâtirait. Pour une meilleure compréhension du contenu de ma contribution, je me permets de faire un bref résumé sur les techniques douanières. Ces dernières sont au nombre de quatre et concernent :
- l'origine des marchandises importées, c'est-à-dire le pays de production de ces marchandises ;
- l'évaluation des marchandises importées dans le cadre de l'article VII de l'Accord du Gatt ;
- les régimes douaniers octroyés aux marchandises, c'est-à-dire le cadre dans lequel ces marchandises pénôtrent dans le territoire douanier algérien (mise à la consommation, entrepôt, admission temporaire, etc.) ;
- le classement tarifaire, c'est-à-dire le classement des marchandises importées, une position, une sous-position et ce, dans le cadre du Système harmonisé (SH) que l'Algérie a signé avec l'Organisation mondiale des douanes. Le SH étant un instrument indispensable à la fluidité des échanges internationaux. Cette modeste contribution consistera en la présentation de toutes les éventuelles infractions commises par les importateurs à l'endroit de ces techniques au moment du dédouanement des marchandises. Dans ce même cadre, nous devons veiller à ce que les procédures de dédouanement soient faites d'une manière régulière dans les différentes étapes de la mise à la consommation, allant de l'établissement de la déclaration faite par le transitaire, la vérification des marchandises par les services des douanes, l'éventuelle admission conforme à la déclaration et finalement la liquidation des droits et taxes et leur paiement auprès du receveur de la circonscription douanière locale.

COMMENT PREVENIR LES EVENTUELLES INFRACTIONS À CES TECHNIQUES AU MOMENT DU DEDOUANEMENT DES MARCHANDISES IMPORTEES '
- Au niveau de l'évaluation en douane des marchandises importées
La valeur déclarée des marchandises importées doit être en adéquation avec les principes de la valeur transactionnelle de l'article VII de l'Accord du Gatt, c'est-à-dire le prix effectivement payé ou à payer pour cette marchandise.
Dans ce cadre et en tant qu'ancien douanier et expert dans les techniques douanières, je veillerai à ce que cette valeur ne soit jamais ni minimisée ni gonflée, parce que dans les deux cas d'espèce, elle porte préjudice à l'économie nationale et, de là, au Trésor public. Cette valeur en douane des marchandises est importante pour le pays parce que les droits et taxes sont un pourcentage de cette valeur. Dans le cas où cette valeur est minimisée, il y a forcément un manque à gagner pour le Trésor public. Dans le cas contraire, c'est-à-dire lorsque cette valeur est gonflée, il y aura une fuite des capitaux vers l'étranger car la différence entre la valeur déclarée et la valeur réelle est une somme d'argent recyclée à l'étranger avec la complicité du fournisseur établi à l'étranger.
- Au niveau de l'origine des marchandises importées
Je dois signaler dans ce contexte l'absence d'une définition internationale de l'origine, et cela complique d'une manière significative les échanges commerciaux entre les pays et les communautés, et les critères employés par différents pays qui déterminent l'origine sont loin d'être identiques. Cette situation contribue à la multiplication des fausses déclarations d'origine qu'il est impératif pour nous de découvrir. Cela est plus important dans les régimes non préférentiels appelés aussi régimes de droit commun et qui ont pour cadre les marchés mondiaux des produits. Il est très difficile de découvrir l'origine réelle d'un produit sauf dans les accords préférentiels où les deux partenaires sont connus, comme c'est le cas dans l'Accord d'association Algérie-UE. Dans la situation contraire, beaucoup d'infractions sont commises sur l'origine réelle de la marchandise importée et cela, pour bénéficier, indûment, de la franchise des droits et taxes qui n'existent que dans le cas des accords préférentiels. Ces infractions doivent être découvertes à temps car elles engendrent un grand manque à gagner pour le Trésor public.
- Au niveau du régime douanier attribué aux marchandises importées
Ce régime douanier d'une marchandise importée définit le cadre dans lequel cette marchandise pénôtre en Algérie et le statut qui lui est octroyé. Dans ce cadre, il faut faire très attention au contenu de la déclaration en douane car la marchandise peut être mise à la consommation, c'est-à-dire dédouanée, elle peut être admise temporairement pour différentes raisons pour être réexportée, ou bien mise en entrepôt pour une période donnée sous la surveillance des services des douanes. Dans le même cadre, les infractions peuvent être multiples.
Un importateur peut déclarer une marchandise en admission temporaire pour l'écouler par la suite sur le marché intérieur, d'où le manque à gagner pour le Trésor public étant donné que les droits et taxes pour cette marchandise sont suspendus et ce, en vertu de la législation en vigueur. Pour repérer cette infraction, en fait, c'est la plus fréquente, le contrôle a posteriori s'impose de lui-même. Il nous permet de connaître la destination finale de cette marchandise après la procédure de dédouanement. D'autres infractions non moins graves peuvent ainsi être relevées.
Le non-respect des clauses pour l'assignation du régime et son fonctionnement par l'opérateur qui s'est engagé au préalable pour l'octroi du régime en sa faveur par les services douaniers compétents au niveau de la Direction générale, ainsi qu'au niveau local.
- Au niveau du classement tarifaire et de la définition de l'espèce
Parmi les infractions au code des douanes les plus graves et aussi les plus fréquentes, il y a celles liées au classement tarifaire. Ces infractions sont définies par la législation en vigueur comme étant "les fausses déclarations dans l'espèce". Ce sont des infractions qu'il va falloir combattre à tout prix, parce que, comme les précédentes, elles causent un préjudice certain au Trésor public.
Prenons l'exemple d'un importateur qui, par l'intermédiaire de son commissionnaire en douane, déclare officiellement avoir importé de l'électroménager (produit inscrit dans la déclaration en douane), et au moment de la vérification de la marchandise, les agents douaniers découvrent que celle-ci n'est autre que des pétards et autres fumigènes. Il pourrait même être question de produits prohibés à titre absolu comme les stupéfiants ou les armes. Je dois souligner qu'il faut beaucoup de moyens humains, techniques et autres pour venir à bout de ces infractions qui constituent 80% du total des transgressions enregistrées en Algérie lors de l'importation de marchandises de l'étranger.
Dans d'autres cas, certes moins graves mais néanmoins préjudiciables à l'économie nationale, l'importateur joue sur les positions et les sous-positions les plus favorables pour lui, bien sûr. Il déclare un produit X en fonction du taux des droits de douane et de la TVA les plus bas, alors que le produit importé en question devrait se trouver dans un autre classement tarifaire, à des taux nettement plus élevés. Alors, et afin d'éviter ces infractions, il serait plus que nécessaire de bien maîtriser le classement tarifaire du Système harmonisé (SH) et dans les cas litigieux lire et bien lire les notes explicatives du SH afin de classer correctement une marchandise importée.
Dans la perspective de combattre ces infractions, il y a la nécessité de former et surtout de spécialiser des agents des Douanes algériennes dans le tarif des douanes qui est, certes, un domaine d'une complexité avérée. Ce qui exige la contribution d'experts dans différents domaines liés à la marchandise importée. Je me trouve dans l'obligation de noter que la fausse déclaration dans l'espèce est de loin l'infraction douanière la plus grave vu toutes les conséquences néfastes qui en découlent. Ce qui exige des sanctions extrêmes contre les importateurs peu scrupuleux et leurs transitaires. Ces sanctions se traduiraient par une saisie de la marchandise. Dans le cas où la valeur de la marchandise dépasserait un certain seuil fixé au préalable par la législation douanière algérienne, il y aurait lieu de prévoir la saisie du ou des moyens de transport.
- Au niveau des procédures de dédouanement des marchandises importées
Les infractions douanières qui peuvent être constatées dans le cadre des procédures de dédouanement ne peuvent provenir que du contenu de la déclaration de douane établi par le transitaire ? ou le déclarant ? pour le compte de l'importateur théoriquement en adéquation avec la législation douanière en vigueur. Lors d'une constatation d'une infraction au niveau d'une déclaration, on est en devoir d'incriminer uniquement le transitaire ? ou le déclarant. On distingue plusieurs types d'infraction qu'il faut déceler pour, par la suite, les réprimer. Il y a d'abord les infractions dues au non-respect des conditions d'établissement de la déclaration :
- le caractère obligatoire de la déclaration en douane ;
- la désignation d'un lieu d'enregistrement précis ;
- le délai de dépôt à respecter absolument.
Dans ce domaine, le service des douanes doit veiller à ce que les conditions susmentionnées soient scrupuleusement respectées. Dans le cas contraire, il y aura lieu de sanctionner le transitaire ? ou le déclarant ? signataire de ladite déclaration.
Il y a ensuite les infractions inhérentes à la vérification des marchandises importées. Cette étape cruciale est en fait une confrontation entre le transitaire et l'inspecteur vérificateur. Ce dernier s'assure que la marchandise correspond exactement à la déclaration de cette même marchandise dûment renseignée par le transitaire. Dans le cas où le vérificateur remarque un écart entre, par exemple, l'aspect physique de la marchandise sur les quais et la description de cette même marchandise sur la déclaration, il doit automatiquement constater une infraction dans l'espèce de la marchandise et établir un procès-verbal sur-le-champ.
Et c'est au transitaire de fournir des explicatifs. L'autre type d'infraction, et non des moindres, est celui du cas où il y a une éventuelle complicité entre l'officier des douanes chargé de la vérification et le transitaire. Il s'agit pour le premier d'accepter le fait accompli, moyennant une rémunération indue. Dans cette situation, c'est à l'administration d'intervenir par le biais de ses services de lutte contre la fraude, ou par le contrôle a posteriori. En résumé, je ne cesserai de souligner que la déclaration en douane constitue la pièce maîtresse qui permet de détecter toutes les infractions au code des douanes, surtout celle liée à l'évaluation en douane, à l'origine des marchandises et au classement tarifaire des marchandises importées.
Conclusion
Dans cette modeste contribution, j'ai tenté d'exposer, d'une manière très succincte, ma façon de voir les choses qui n'est, certes, pas exhaustive. Avec l'apport d'experts et de spécialistes de la question et d'autres secteurs également en relation avec le commerce extérieur, on serait en mesure de minimiser les effets néfastes des importations frauduleuses, avant d'arriver, pourquoi pas, à l'endiguer définitivement.
En conclusion, je voudrais attirer l'attention des autorités politiques et économiques sur le fait que les infractions au code des douanes liées à l'importation constituent un danger certain pour l'économie du pays en général et au Trésor public en particulier. Il y a un manque à gagner trop important. Je recommande de réagir immédiatement et avec vigueur.
Par : DIAF Fellous (*)
Inspecteur divisionnaire des douanes à la retraite


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