Un jeune Sahraoui du nom de Essah Nafai, âgé de 19 ans, a été arrêté à Layoune. Il est accusé d'être responsables d'un jet de cocktail Molotov contre des policiers marocains le 7 juillet dernier. C'est l'AFP qui rapporte l'information de l'agence marocaine de presse MAP. On ne sait pas si le jeune Sahraoui est vraiment l'auteur des attaques au cocktail Molotov, mais ce qui retient l'attention est la manière dont la MAP donne l'information. Le jeune Essah Nafai, qui doit passer de très mauvais quarts d'heure entre les mains de la police marocaine, est présenté comme «l'auteur principal de l'acte terroriste» et qu'il aurait été arrêté au moment où il s'apprêtait à rejoindre les camps de réfugiés de Tindouf. La presse marocaine avait rapporté le 2 juillet dernier l'incident en utilisant le qualificatif habituel de «séparatiste» donné aux partisans du Polisario. Le jet de cocktail Molotov aurait eu lieu dans le quartier Jamel Eddine Al-Afghani, présenté dans les journaux marocains comme étant un «fief des séparatistes, tout comme le célèbre quartier Maâtallah ». Le glissement sémantique entre «séparatiste» et «terroriste» vise de toute évidence à alimenter une propagande, sans effet jusque-là, visant à associer le Polisario au terrorisme et à la contrebande. Le Maroc déploie beaucoup d'efforts depuis des années pour suggérer qu'un Etat sahraoui favoriserait le terrorisme. Des centres d'études bidon, comme l'ESISC de Claude Moniquet, se sont chargés d'essayer de vulgariser l'idée que le Polisario serait sur le point, si ce n'est déjà fait, de devenir une « organisation terroriste ». L'étude de Claude Moniquet, grossière et sentant la commande royale, avait été critiquée par le Journal-Hebdo qui avait mis en doute sa crédibilité. La justice marocaine a lourdement sanctionné le journal, contraignant de fait son directeur, Abou Bakr Jamaï, à quitter ses fonctions. La critique, acerbe mais fondée, de « l'étude » de Moniquet était sans doute un dépassement d'une ligne « rouge », celle d'une stratégie royale fermement décidée à vendre son projet au Sahara comme un bouclier à une menace terroriste qui monte du Sahel pour établir une jonction avec le Polisario. C'est un pur fantasme, l'histoire de Polisario n'ayant jamais prêté à équivoque sur la question. En novembre 2006, le roi Mohammed VI avait systématisé cette ligne de propagande en mettant en avant « les risques calamiteux de balkanisation et d'instabilité qu'engendrerait l'implantation d'une entité factice ». Il est évident que cette assertion n'a aucun fondement et qu'il n'existe pas le moindre élément pour l'étayer. Les trafics en tout genre, selon des témoignages marocains, sont plutôt le fait de militaires marocains et le terrorisme est, c'est un fait, un phénomène marocain et non sahraoui. Derrière cette mise en scène propagandiste, le Maroc surfe, avec quelques succès, sur la hantise occidentale de la menace terroriste. Ce n'est pas vraiment une menace « terroriste » sahraouie qu'il vend, mais plutôt sa propre fragilité politique. C'est à ce niveau que l'Espagne de Zapatero a totalement changé de position. Pour Madrid, la menace terroriste est marocaine et non sahraouie. La réponse à cette menace consiste, selon Zapatero et Moratinos, à éviter une fragilisation de la monarchie marocaine, quitte à renier ses positions sur l'autodétermination des Sahraouis et à se défausser de sa responsabilité historique. C'est la même logique qui explique la position américaine. Le Maroc joue assez bien la carte du terrorisme marocain et de la menace d'Al-Qaïda puisque les Occidentaux le soutiennent dans son projet d'autonomie. Mais il pousse la grossièreté trop loin en essayant d'étendre cette propagande aux Sahraouis, pour quelques cocktails Molotov ! A moins, bien sûr, et cela arrive souvent, qu'il ne se soit mis à croire à sa propre propagande et aux « études » bidon de Moniquet qu'il a si chèrement rétribuées. Et pourtant, la menace est ailleurs, bien loin du Sahara Occidental et très près de Rabat. En attendant, il faut sérieusement s'inquiéter pour le jeune Essah Nafai, qu'il soit ou non l'auteur de jet de cocktail Molotov.
Posté Le : 16/07/2007
Posté par : sofiane
Ecrit par : R N
Source : www.lequotidien-oran.com