Publié le 03.08.2023 dans le Quotidien Le Soir d’Algérie
Par le Dr. Nadjib Drouiche(*)
Les mers sont de puissants moteurs de l'économie et présentent un grand potentiel d'innovation et de croissance. Outre l'exploitation traditionnelle des ressources vivantes (pêche, aquaculture et secteur de la transformation), les mers peuvent offrir d'importantes sources de développement économique, ce qui est particulièrement important pour les communautés côtières où environ deux tiers de la population algérienne se concentre.
Un modèle d'économie bleue implique une utilisation durable des ressources maritimes pour la croissance économique et l'amélioration des moyens de subsistance et des emplois, tout en préservant le capital naturel de la mer et des côtes. Le modèle de l'économie bleue est au premier plan de l'agenda 2030 pour le développement durable, qui vise entre répondre aux besoins économiques tout en atteignant leurs objectifs en matière de durabilité, y compris la protection de l’environnement et l’adaptation au changement climatique dans le monde.
La côte algérienne est un atout national essentiel qui contribue de manière significative à l'économie du pays et donne un avantage concurrentiel en tant que destination touristique potentielle et les activités et les services qui y sont liés représentent au moins 20 % du PIB national. Pourtant, le littoral devient de plus en plus vulnérable aux impacts des activités économiques, y compris l'empreinte environnementale de l'industrie du tourisme qui augmente rapidement. Ces impacts comprennent la pollution, la gestion inadéquate des déchets, les déchets marins et les plastiques, la surpêche et la construction ; le changement climatique ne fera qu'aggraver ces pressions.
Dans ce contexte, l’Algérie a adhéré à une multitude de stratégies de mise en œuvre de l'économie bleue qui s’inscrivent dans le cadre de la prévention et de la réduction de la pollution marine, la gestion et la protection durablement des écosystèmes marins et côtiers, la réduction des effets de l'acidification des océans et sa remédiation, la réglementation de l'exploitation de la surpêche et la pêche illicite et la conservation des zones côtières et marines, l’accroissement des connaissances scientifiques et le transfert des technologies marines durables.
L'Algérie, résolument engagée dans un processus de diversification économique et de transition environnementale, entend miser fortement sur le potentiel maritime, en veillant à donner à la mer et au littoral un rôle majeur dans la dynamique envisagée, à travers une nouvelle approche économique offrant de réelles perspectives de création de richesses et d'emplois, en particulier d'emplois innovants. Cette démarche vise à renforcer la sécurité alimentaire, hydrique, la transition énergétique et le bien-être des citoyens. Les investissements mobilisés et ceux prévus dans les secteurs prioritaires pour l'économie bleue en Algérie devraient augmenter le PIB de plusieurs secteurs. Pour le tourisme, le nombre de nuitées devrait être multiplié par 4 ou 5 d'ici 2025. Le dessalement devrait fournir de l'eau potable à hauteur de 42% à la population d'ici 2024. La production de poisson, y compris l'aquaculture, devrait passer de 100 000 tonnes par an à 130 000 tonnes par an en 2024-2025.
À cet égard, la promotion de l’économie bleue nécessite une action coordonnée à long terme de tous les acteurs et de tous les secteurs, à toutes les échelles territoriales et décisionnelles. À cette fin, il est impératif que le développement des activités maritimes et côtières soit adapté à une exploitation durable des ressources par une meilleure gestion et une réglementation rationnelle, pour chaque secteur, mais aussi dans une approche intégrée et complémentaire.
Cette intégration doit permettre d'identifier et d'optimiser le cadre juridico-institutionnel et les ressources humaines et financières nécessaires au développement de l'économie bleue.
Cette approche d'intégration et de coordination pour le développement de l'économie bleue doit être adoptée à tous les niveaux de l'action publique et durant toutes les phases du processus d'élaboration des stratégies et plans d'action sectorielle et territoriale : définition, développement, mise en œuvre opérationnelle, évaluation et révision.
L’économie bleue doit assurer la cohérence et l'efficacité des politiques sectorielles par un aménagement du littoral visant à valoriser l'interface terre-mer, par la mise en œuvre appropriée d'une gestion intégrée des zones côtières et d'une planification stratégique des espaces maritimes jusqu'aux limites de la zone économique exclusive.
L'économie bleue algérienne doit soutenir les opportunités de développement de tous les secteurs économiques. Elle doit assurer leur résilience sociétale et économique en ciblant à la fois les marchés locaux, nationaux, régionaux et internationaux, et s'inscrire dans une démarche prospective afin d'anticiper les changements climatiques.
Le développement de l'économie bleue doit être pensé et initié en garantissant la coexistence des usages actuels et des activités liées aux nouveaux secteurs et aux usages futurs des ressources connues ou à découvrir, l'exploitation la plus durable possible du capital maritime et du littoral algérien et la maximisation de la création de valeur et d'emplois aux niveaux national et local.
La connaissance, le suivi, la surveillance, le contrôle, l'évaluation, la recherche et l'innovation seront fédérés, structurés et optimisés afin de soutenir pleinement la mise en œuvre et l'évaluation de la stratégie nationale. Le caractère transversal et intersectoriel de l'économie bleue nécessite la mise en place d'une gouvernance appropriée de la mer et du littoral garantissant la cohérence avec les autres politiques publiques et permettant la territorialisation du national au local dans une logique de subsidiarité.
Cette gouvernance est cruciale pour l'économie bleue, dont les objectifs d'intérêt général dépendent largement des actions développées par le secteur privé.
À travers un cadre d'organisation et d'action cohérent et coordonné, elle doit impliquer les collectivités locales pour les codécisions mais aussi toutes les parties prenantes clés lors des phases de dialogue et de concertation que ce soit au niveau national ou au niveau des wilayas et des communautés côtières. L'économie bleue doit permettre à toutes ces parties de jouer leur rôle, en fonction de leurs compétences et de leurs moyens, dans les différentes étapes du processus d'élaboration, de mise en œuvre et d'évaluation de la stratégie nationale pour l'économie bleue 2030.
N. D.
(*) Directeur général de l’ANVREDET
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Posté Le : 05/08/2023
Posté par : rachids