Algérie

Projet gelé de la voie littorale Arzew-Kristel via Cap Carbon: Une grande desserte « hors service » à cause d'un « petit bout » manquant



? Réaliser plus de deux tiers d'une route, à coups de plusieurs dizaines de milliards, puis geler le projet au nom de l'austérité budgétaire, cela porte un nom : le gaspillage. Le mot n'est pas assez fort dans le cas de la fameuse Corniche-est, tant la décision de mettre au frigo ce chantier, alors qu'il en était à sa dernière ligne droite, frise l'insensé.Entre-temps, et en attendant une éventuelle prise de conscience -qu'on ne voit pas venir en tout cas- et un hypothétique dégel de l'opération, les 14 kilomètres réalisés depuis plus de dix ans, pour une lourde facture de 195 milliards, sont toujours «hors service» et se dégradent à petit feu. Bien de l'eau a coulé sous les ponts depuis la réception de la 1ère tranche du projet sur 9,5 km de cette liaison littorale Arzew-Kristel via Cap Carbon sur 25 km. Et encore davantage depuis les inoubliables visites d'inspection du ministre des Travaux publics d'alors, Amar Ghoul, séances où l'irrationnel et le caricatural l'emportaient sur l'esprit cartésien et le sens de la rigueur. Qu'en est-il advenu de ce projet dont on louait les mérites à sa genèse ' Quel est le sort de ce projet structurant qui allait «ouvrir des perspectives économiques en termes d'emplois et de services touristiques, développer le littoral-est d'Oran notamment de par son impact sur les zones d'expansion touristique (ZET), permettre une seconde liaison entre Arzew en tant que ville, site portuaire et pôle pétrochimique, tout à la fois, et la ville d'Oran avec effet d'entraînement sur les localités côtières intermédiaires dont notamment Cap Carbon et Kristel» '
On a pour le moment, plus de douze années plus tard, une belle route neuve en corniche mais hors d'usage. Non qu'elle n'ait pas reçu le feu vert de sa mise en service pour telle ou telle réserve technique, mais c'est parce que sa 2ème tranche, le petit tronçon restant pour joindre les deux bouts et boucler la boucle, a vu son marché frappé d'une décision de gel par le gouvernement dans le cadre des mesures de rationalisation des dépenses publiques suite à l'effondrement des cours du pétrole, principale ressource financière du pays.
UNE ROUTE «GELEE» POUR UN MOTIF QUI NE TIENT PAS LA ROUTE
Arborer le prétexte de la politique de rigueur budgétaire comme impératif dicté par la conjoncture pour mettre à l'arrêt prolongé, voire définitif si la crise venait à perdurer, un projet stratégique dans lequel on avait déjà consommé une épaisse enveloppe budgétaire de l'ordre de 200 milliards et qui de plus était à deux pas de la ligne d'arrivée et inscrire postérieurement des programmes neufs assez onéreux mais de moindre impact, cela est pour le moins aberrant. Incohérent. Pas besoin de sortir de Saint-Cyr pour comprendre que la priorité dans la budgétisation devait être accordée au parachèvement des programmes très avancés en termes de réalisation. Cela n'a pas été toujours le cas, le projet de la voie littorale Arzew-Kristel, doté d'une autorisation de programme (AP) de 300 milliards à la faveur d'un réajustement de l'AP initiale, en est un exemple édifiant. On voudrait bien croire que ce projet figure sur le tableau des priorités et de planification du ministère des TP dont le total des crédits de paiement (CP) et le total des autorisations d'engagement (AE) pour 2021 au titre du chapitre des programmes de type routier sont respectivement de l'ordre de 293 et 169 milliards de DA, mais encore faut-il passer du plan à l'acte, de l'intention à l'action.
Pourtant, ce projet rentrant dans le cadre du programme complémentaire de soutien à la croissance économique (PCSC) 2005-2009 et dont l'étude a été effectuée par le CTTP, a vu sa première tranche sur 9,5 km, elle-même répartie en deux lots, réceptionnée dans les délais impartis, fin 2010, ce qui laissait présager une bonne suite pour le reste de l'opération. Malheureusement, la 2ème tranche, opération centralisée gérée directement par le ministère contrairement à la première qui était décentralisée avec la DTP d'Oran en maître d'ouvrage délégué, restera encre sur papier à ce jour, faisant rapprocher la Corniche oranaise Est davantage du rêve, de l'illusion, que du réel, du tangible, malgré toute la bonne volonté des uns et les gros efforts des autres.
UNE «PRIORITE» QUI ATTEND DEPUIS 12 ANS
Ceci alors qu'un troisième lot du chantier, long de près 4,5 km, qui part d'où prennent fin les deux premiers, en l'occurrence au point kilométrique PK 09 à hauteur de la montagne de Cap Carbon, presque à mi-parcours du tracé du projet, a lui plutôt traîné le pas et n'en est actuellement qu'à environ 70% taux d'avancement. Quant au reste, la deuxième tranche de 8,8 km répartie en deux lots de 4,6 et 4,2 km respectivement, c'est la même « chanson » depuis bien belle lurette: «elle est en cours de procédures». Le littoral Est de la wilaya d'Oran recèle des potentialités importantes en matière de tourisme mais souffre d'enclavement. C'est pour cela que la réalisation de la route Arzew-Kristel via Cap Carbon peut constituer un vaisseau pouvant ouvrir de nouvelles perspectives, notamment dans le domaine du tourisme balnéaire dans la région.
Arzew n'est pas uniquement un pôle pétrochimique, mais c'est aussi une ville côtière qui dispose d'atouts non négligeables pour négocier un développement futur dans le secteur du tourisme. Le désenclavement de la côte Nord d'Arzew allant de «Akid Othmane» (ex-Fontaine des Gazelles) jusqu'à Kristel en passant par la «petite côte», «Fontéta», «Djenane Kerroum», est devenu nécessaire pour le développement de la zone d'expansion touristique. Les retombées ne peuvent être que positives sur l'économie locale, l'écotourisme pouvant être le fer de lance du développement local. L'option touristique a poussé d'ailleurs les gestionnaires locaux à l'élargissement de l'ex-chemin de wilaya (déclassé) reliant, sur 9 km, «Fontaine des Gazelles» à «Sidi Moussa». S'étendant sur une bande côtière d'une quarantaine de kilomètres avec une population de 80.000 habitants répartis entre le chef-lieu (67.500 âmes), El Mohgoun, Haï Gourine, Akid Othmane plus des zones éparses, Arzew accuse par ailleurs un déficit patent en matière d'infrastructures touristiques. L'absence d'une route à vocation touristique, à l'image de celle projetée tout au long du littoral entre Arzew et Kristel en passant par Carbon, y est pour beaucoup.
UNE DESTINATION TOURISTIQUE MAL DESSERVIE
Malgré son attractivité, cette contrée paradisiaque est loin de se positionner comme destination touristique, notamment avec ses cinq hôtels déclassés d'une capacité d'accueil ne dépassant guère les 140 chambres. Recroquevillé, l'ancien «village des pêcheurs» a subi une mutation profonde qui a changé le visage de ses centres urbains, un conglomérat qui a connu une extension vers l'Est, dans le plateau «Zabana», avec l'implantation de nouvelles zones d'habitats urbains. Toutefois, les structures de loisirs et de détente font défaut. Le développement économique y a connu certes un essor, mais le reste n'a pas suivi. La « faute » à la route, en partie. La région séduit par sa beauté et il faut des investissements pour la rendre plus attractive. Il est temps que la zone d'expansion touristique d'Arzew, longtemps mise aux oubliettes, reprenne sa vocation. Avec ses dizaines de kilomètres de rivages, totalement vierges, Arzew dispose d'un atout en or pour le développement du tourisme. On peut certes miser sur cette ambition pour peu qu'elle soit accompagnée de projets structurants et d'actions d'aménagement. Autre projet routier, et non des moindres, logé à la même enseigne, la pénétrante autoroutière qui devait relier la ville d'Arzew et son port à l'autoroute Est-Ouest. Bien qu'il relève du schéma directeur routier et autoroutier 2005-2025, élaboré par le ministère des Travaux publics dans le cadre du plan national d'aménagement du territoire, ce projet structurant a lui aussi fait les frais de la politique d'austérité. Les responsables locaux du secteur n'avaient à vrai dire pas besoin de forcer le trait pour revendiquer ce projet, tant le dossier avait force probante. Il est en tout cas très défendable en termes de priorité.
PROJET GELE DE LA PENETRANTE DU PORT D'ARZEW: LE COUP DE GRACE
Mais en cette conjoncture financière de plus en plus contraignante, avec son lot fort incommodant de mesures de rationalisation de dépenses et de gel d'opérations d'équipement, la corrélation finance-priorité n'est plus un principe de base. La série des projets dits prioritaires -tous secteurs confondus- remis aux calendes grecques est longue.
Le projet de la pénétrante d'Arzew a rejoint, trop tôt même, cette liste. D'autant que la priorité est pour l'achèvement des projets sectoriels déjà en cours, dont bon nombre expriment un besoin de rallonge financière. Il est à noter par ailleurs que c'est le bureau d'études SETOR (Société d'études techniques d'Oran) qui a confectionné l'étude du projet de cette grande voie qui devait servir à la fois de contournement de la ville pour le poids lourd et de jonction rapide entre l'intra-muros (le centre d'Arzew) et l'autoroute Est-Ouest. Le maître d'œuvre a dans son étude mis au point les meilleures variantes de passage de cette liaison autoroutière et en a fixé les coûts avec une bonne fiabilité.
SETOR a, pour rappel, vu l'attribution de ce marché d'étude suite à un appel d'offres national et international restreint, pour un montant de 97,7 millions de DA, pour un délai contractuel de 8 mois. Techniquement, il était question de relier l'infrastructure portuaire d'Arzew à l'autoroute Est-Ouest, comme cela est en train de se faire pour le port d'Oran -localement- mais aussi pour l'ensemble des ports du pays dans le cadre d'un schéma national. Relevant du vaste programme d'investissement public, à savoir le PCSC (Programme complémentaire de soutien à la croissance), au titre de l'exercice 2010, ce projet a un double objectif. D'abord, il permettra de relier le port d'Arzew à l'autoroute Est-Ouest. Ensuite, il mettra en place une jonction autoroutière, entre l'infrastructure portuaire d'Arzew et la bretelle autoroutière d'Oran.


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