PROJECTION PRESSE DE 'ICI, ON NOIE LES ALGERIENS, 17 OCTOBRE 1961' DE YASMINA ADI 'La France a du mal à voir son histoire en face'

Après L'autre 8 mai 1945 - Aux origines de la guerre d'Algérie, elle revient avec ce film pour lever le voile sur les massacres perpétrés sur des milliers d'Algériens qui revendiquaient leurs droits légitimes. Des témoignages, photos, coupures de presse inédites à découvrir.
'J'ai eu l'idée de faire ce documentaire, après la sortie de mon premier film. J'ai constaté que les gens confondaient les évènements de la station de Charonne qui ont eu lieu le 8 février 1962 avec le massacre de 1961', a signalé la réalisatrice Yasmina Adi, lors de la projection presse du film-documentaire Ici, on noie les Algériens, 17 octobre 1961, hier à la salle El-Mouggar, avec la collaboration du ministère de la Culture. La documentaliste a souligné que ce film (produit par AGAT Films & Cie, en coproduction avec l'INA) a été réalisé dans le but de 'mettre la lumière sur ces évènements de 1961'.
D'une durée de 90 mn, il a été réalisé après deux ans de recherches minutieuses : archives, photos, documents, coupures de presse, témoignages, et des faits historiques inédits. Dans son moyen métrage, la réalisatrice voulait montrer que la responsabilité des massacres du 17 Octobre 1961 n'incombait pas uniquement à Maurice Papon. 'Dans un état de répression, il y a toujours un pilote et dans cette affaire Maurice Papon n'était pas le seul concerné', a-t-elle indiqué. Et d'ajouter : 'J'ai évoqué le ministre de l'Intérieur Frey et bien sûr Charles de Gaulle qui était le premier responsable de l'Etat français. Papon exécutait les ordres.'
Ce film offre un moment poignant, révoltant et touchant. Il revient sur une date qui restera à jamais gravée dans la mémoire collective, mais également inscrite sur les grandes pages de l'histoire algérienne. Trente mille personnes, hommes, femmes et enfants, étaient sorties pacifiquement dans les rues de Paris pour revendiquer leur droit légitime. La préfecture de Paris avait ordonné l'exécution d'un couvre-feu à l'encontre des 'Nord-Africains', de 20h30 à 5h30. Révoltés, ces Algériens sortent dans la rue, habillés sur leur 31, pour leur liberté et l'indépendance de l'Algérie. 'Ils ont malmené nos hommes, ils les ont tués et battus avec leurs crosses puis ils les ont été jetés dans la Seine', peut-on voir.
Yasmina Adi dresse le portrait de plusieurs manifestants qui ont échappé de justesse à la mort. Ils racontent les monstruosités vécues par ces 'hommes de loi'. Ils narrent cette fameuse nuit où des milliers de policiers se sont acharnés sur eux comme des bêtes. En outre, on découvre ces femmes et enfants, devenus veuves et orphelins.
Mme Khalifi, l'une des épouses de manifestants, s'est battue pour rendre justice à son époux tué par les policiers, en engageant, à l'époque, des avocats. Une histoire qui a été largement médiatisée, et qui a créé la polémique. Par ailleurs, la documentaliste ne s'est pas arrêtée seulement sur le 17 Octobre. Grâce aux archives, elle a poursuivi sa quête sur le déroulement de l'affaire après le carnage perpétré par les policiers de Papon. Des photos en noir et blanc démontrent la détention de centaines d'Algériens au Palais des sports à Paris. 'La majorité souffrait de blessures graves. Leurs têtes étaient fracassées et ils saignaient. Nous n'avions pas le droit de les soigner, mais seulement de leur donner à boire', a déclaré un médecin, présent sur les lieux. L'ironie de la vie, au lendemain de cette tuerie, un spectacle a été donné par Ray Charles dans cette salle.
Le titre de ce film porte le nom d'une 'inscription faite sur le mur de la Seine par un groupe de Français', a précisé Yasmina Adi. 'Je voulais donner d'autres clés à ce film. C'est faux de dire que les Français ne savaient pas pour ce massacre. Les journaux et la radio en parlaient tous les jours. Ils sont sortis par milliers (Français) pour manifester contre cette injustice. Je pense que la France a du mal à voir son histoire en face', a-t-elle dit.
En outre, Yasmina Adi participera au Festival de Dubaï en décembre où elle est nomimée dans plusieurs catégories.
Hana MENASRIA
ll L'avant-première de Ici, on noie les Algériens, 17 Octobre 1961 à la salle El-Mouggar, ce soir à 19h. Avec la participation de la réalisatrice et des témoins.
mecipsa 23-10-2011 12:37