Algérie

Project Syndicate pour Le Quotidien d'Oran Anatomie d'une crise financière


L'économie américaine est prisonnière d'un cercle vicieux qui pourrait s'étendre à toute la planète. La crise financière qui touche les USA a déclenché un fort resserrement du crédit qui aggrave la récession dans ce pays, entraînant des pertes importantes sur les marchés financiers, ce qui frappe toute l'économie. L'éclatement de l'énorme bulle du crédit et des actifs pourrait maintenant provoquer un effondrement systémique des marchés financiers américains. Le problème n'est plus simplement celui de prêts immobiliers à haut risque, mais celui d'un système financier à haut risque. La récession de l'immobilier - la pire de l'histoire des USA et elle s'aggrave chaque jour – va entraîner une chute des prix de plus de 20% dans ce secteur, et des millions d'Américains vont perdre leur habitation. Les défauts de payement et les saisies s'étendent maintenant des prêts à haut risque à tous les autres. Aussi, la perte totale touchant les instruments liés aux prêts immobiliers – dont les crédits dérivés tels que les dettes obligataires (CDO) – va dépasser 400 milliards de dollars. D'autre part, l'immobilier commercial tend maintenant à suivre l'immobilier résidentiel dans sa chute. Qui veut construire des bureaux, des magasins ou des centres commerciaux dans les villes fantômes qui parsèment l'Ouest américain ? Et en plus de l'immobilier, une plus large bulle dans le crédit à la consommation est en train d'éclater : alors que l'économie américaine s'enfonce dans la récession, les défauts de payement sur les cartes de crédit, les prêts automobiles et les prêts étudiants vont fortement augmenter. La consommation des ménages représentant plus de 70% du total de la demande aux USA, la baisse de leur dépense va encore aggraver la récession. On peut aussi ajouter à tous ces risques le problème massif de l'assurance des obligations qui garantissait beaucoup des produits de titrisation risqués tels que les dettes obligataires. Le très probable déclassement de leur crédit va contraindre les banques et les institutions financières qui détiennent ces actifs à risque à les réduire, ce qui alourdira de 150 milliards de dollars les pertes croissantes du système financier. Il faut aussi compter avec le risque que courent les banques et les autres institutions financières face aux pertes croissantes sur les prêts qui servaient à financer inconsidérément des montages financiers avec fort recours à l'endettement (LBO). La récession s'aggravant, beaucoup de ces LBO qui reposaient sur un endettement excessif et pas assez sur des fonds propres vont capoter, car les firmes dont les profits sont à la baisse ou dont les pertes se creusent ne peuvent plus faire face à leurs dettes. Au vu de ces éléments, la récession devrait conduire à une forte augmentation des faillites d'entreprises, en nombre très faibles au cours des deux dernières années (0,6% par an), comparé à une moyenne de 3,8% dans le passé. Durant une récession type, le taux de faillite atteint 10 à 15%, ce qui peut provoquer des pertes massives pour les détenteurs d'obligations risquées émises par des entreprises. Le marché des CDS (credit defaut swaps) – dans lequel les protections contre les défaillances d'entreprises s'achètent et se vendent – risque donc d'être touché par de lourdes pertes. Dans ce cas, certaines firmes qui ont vendu les protections dont elles disposaient risquent de faire faillite, ce qui occasionnera des pertes supplémentaires chez les acheteurs de ces protections quand la contrepartie sera incapable de payer. En plus de tout cela, il y a en arrière-plan un système financier constitué d'institutions financières autres que les banques, qui de même que ces dernières, empruntent des liquidités à court terme et prêtent ou investissent à plus long terme dans des actifs non liquides. Ce système comporte les SIV, les créances commerciales à court terme, les fonds du marché monétaire, les fonds spéculatifs (hedge funds) et les banques d'investissement. Comme les banques, ces institutions sont sujettes au risque lié aux liquidités et au crédit rollover (crédit d'investissement à taux flottant), celui de disparaître si leurs créanciers ne prolongent pas leur crédit à court terme. Mais contrairement aux banques, elles ne disposent pas du filet de sécurité constitué par les banques centrales en tant que prêteur de dernier ressort. Maintenant qu'une récession est en cours, la Bourse américaine et les autres dans le monde commencent à fléchir : lors d'une récession américaine type, l'indice S&P 500 chute en moyenne de 28%, tandis que les revenus et les profits des entreprises s'effondrent. La baisse de la Bourse a un double effet : d'une part elle réduit les moyens des ménages, ce qui les conduit à moins dépenser, d'autre part elle cause des pertes importantes aux investisseurs qui empruntaient pour investir en Bourse, ce qui déclenche des appels de garantie et la braderie des actifs. Beaucoup d'investisseurs lourdement endettés sur le marché des actions ordinaires ou sur le marché du crédit risquent donc d'être contraints de vendre leurs liquidités sur des marchés peu liquides, ce qui conduira à une chute du prix des actifs en dessous de leur valeur fondamentale. Les pertes qui en résulteront aggraveront la crise financière et le ralentissement économique. Si l'on fait la somme de toutes les pertes sur les marchés financiers, le résultat a de quoi faire frémir : il atteint 1000 milliards de dollars. Un resserrement du crédit restreindra encore les possibilités d'emprunt, de dépense et d'investissement des ménages et des entreprises, ce qui aura des répercussions sur la croissance. Le risque de voir une crise financière systémique conduire à une récession plus prononcée aux USA et dans le monde est passé rapidement de l'état de théorie à celui de scénario possible. Traduit de l'anglais par Patrice Horovitz
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