Algérie - Revue de Presse

Project Syndicate pour le quotidien d?oran Le mythe des «villes superstars»



Dans leur rapport intitulé « Superstar Cities », dont on a beaucoup parlé récemment, les économistes Joseph Gyourko, Christopher Mayer et Todd Sinai affirment que dans les villes qui ont le statut élevé de grandes métropoles – comme Londres, Paris et New York, mais aussi Philadelphie et San Diego – l'« écart est de plus en plus important entre les prix de l'immobilier », par rapport à d'autres villes. Ces spécialistes semblent vouloir dire que le boum immobilier pourrait ne jamais s'interrompre dans ces zones. Une affirmation de ce type attire inévitablement l'attention. En tant que grand sceptique au sujet de la hausse de l'immobilier, il m'a été demandé à plusieurs occasions de prendre part à des débats avec l'un ou l'autre de ces auteurs.  Bon nombre de personnes estiment que la théorie des grandes métropoles confirme leur intuition que, malgré le ralentissement généralisé du prix des biens immobiliers (en particulier aux Etats-Unis), les investisseurs peuvent s'attendre à faire des profits considérables à long terme en acquérant des biens dans ces villes – même s'ils sont déjà coûteux. Toutefois, comme je l'ai indiqué au cours des débats, en lisant le rapport avec attention et en allant au fond du problème, on s'aperçoit qu'il n'y a aucune raison de tirer de telles conclusions.  Pourquoi les prix du marché immobilier dans les villes prestigieuses continuerait-il à grimper ? Gyourko, Mayer et Sinai soutiennent que ces villes sont des cas à part. Leur surface est limitée et si l'on part du principe que le PIB ne cesse de s'accroître, de même que les salaires, il y aura toujours davantage de personnes aisées pour faire monter les prix.  Le rapport avance des preuves convaincantes concernant des faits élémentaires ; les riches sont de plus en plus nombreux dans les villes les plus chères. Le PIB réel augmente d'environ 3 % par an dans les pays avancés, et même plus rapidement dans de nombreux pays émergents. Et, bien sûr, il n'est plus possible d'augmenter le nombre de terrains disponibles dans ces villes.  Mais que signifient réellement ces arguments pour les perspectives d'investissement immobilier dans les grandes métropoles ?  Intéressons-nous à la fixité des terrains. S'ils se font rares dans les grandes métropoles existantes, dans tous les cas, les terrains abondent là se construisent les villes nouvelles, qui s'éloignent du « caractère unique » des villes existantes.  Les capitales planifiées, généralement construites près du centre géographique du pays, sont les exemples les plus parlants de ce nouveau type de grandes villes, notamment Brasilia (sortie de terre dans les années 50), Canberra (années 10), Islamabad (années 60), New Delhi (années 10) et Washington DC (vers 1790). Dans chaque cas, l'ensemble de l'infrastructure a été conçu par un urbaniste pour en faire un lieu cohésif et attrayant. Le succès manifeste de ces villes, en tant que centres gouvernementaux et économiques, montre que les terrains tirent leur valeur de la présence d'une ville bien planifiée. Les terrains actuellement bon marché peuvent donc acquérir de la valeur si l'on prend l'initiative spectaculaire de mettre sur pied une ville toute entière dans le secteur.  Il est vrai que la création de ce type de ville est un événement relativement rare. Les promoteurs privés ont du mal à trouver de grands terrains à bâtir sans restrictions, mais ils ne se découragent pas pour autant et développent de nouvelles zones attrayantes dans de petites villes à une heure des grandes agglomérations – ce qui est désormais si fréquent que nous n'en sommes pas surpris et le remarquons à peine.  En fait, depuis la révolution industrielle, le développement de nouvelles zones urbaines est un thème central de l'histoire mondiale. Les villes nouvelles poussent comme des champignons et attirent les habitants de villes plus anciennes, car elles sont inaltérées et plus éclatantes que les vieilles zones urbaines, souvent considérées comme chaotiques et déclinantes.  Quel doit être le prix d'une maison dans une ville renommée pour que le retour sur investissement soit meilleur à long terme qu'avec autres biens immobiliers ? Réponse : pas beaucoup plus.  Les prix de l'immobilier dans les villes que Gyourko, Mayer et Sinai qualifient de superstars n'ont pas augmenté de plus d'1 ou 2 % par an, entre 1950 à 2000, que dans les villes moyennes ; et il se peut que cette différence soit largement due à une augmentation de la surface et de la qualité des biens.  Selon le Coldwell Banker Home Price Comparison Index, qui prend pour base de comparaison un bien immobilier de quatre pièces d'environ 200 m², la ville la plus chère des Etats?Unis est Beverly Hills (bastion légendaire des stars de cinéma). La maison standard y est 4,25 fois plus chère que dans les villes américaines moyennes. En supposant que la valeur relative ait quadruplé en un siècle, le gain du retour sur investissement ne représente que 1,5 % par an – soit à peine la performance escomptée par les passionnés de l'immobilier.  Finalement, comme Gyourko, Mayer et Sinai l'ont eux-mêmes noté, même ces légères différences de long terme entre les prix immobiliers ont été compensées par des rapports prix/loyer plus bas dans les grandes métropoles. Pour les investisseurs, le retour sur investissement est la somme du taux d'augmentation et du rapport prix/loyer. Lorsque ce dernier est faible, les avantages d'une hausse rapide sont donc moindres.  La majeure partie de l'attention accordée à la théorie des « superstars cities » reflète simplement la psychologie de la hausse de l'immobilier, ainsi qu'une tendance à vouloir prendre ses désirs pour des réalités. D'aucuns pensent que le boom persistera et que leurs investissements dans les villes prestigieuses sont donc singuliers et exaltants.  Pourtant, il n'existe aucune raison valable d'y investir à tout prix. Au contraire, il y a bien plus de raisons de se méfier des investissements dans ces grandes métropoles. *Enseigne L?économie A L?université De Yale


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