Ces trois
derniers mois, le prix des actifs à l'échelle de la planète a nettement
rebondi: le cours des actions est monté, dans les économies développées, de
plus de 30%, et de bien plus sur la plupart des marchés émergents.
Le prix des
matières premières – pétrole, sources d'énergie et minéraux – a grimpé; les
écarts de crédit (la différence de rendement entre obligations de sociétés et
obligations d'État) se sont réduits significativement, les rendements des
obligations d'État ayant brutalement augmenté; la volatilité (le “baromètre de
la peur”) est retombée; et le dollar s'est affaibli, la demande d'actifs fiables
dans cette devise s'étant atténuée.
Mais le
rétablissement du prix des actifs repose-t-il sur les fondamentaux de
l'économie? Est-il viable? La baisse du cours des actions n'est-elle qu'un
répit parmi d'autres ou l'amorce d'une tendance à la hausse?
Même si le
contexte économique laisse supposer une plus grande conformité aux
fondamentaux–les risques de dépression ont été réduits, l'espoir d'une sortie
de crise d'ici la fin de l'année est de plus en plus grand, et le sentiment
d'insécurité s'apaise – il apparaît également que certains paramètres
d'instabilité sont à l'Å“uvre. De plus, la forte hausse du prix de certains
actifs menace la bonne reprise d'une économie globale qui n'a pas encore
atteint le fond. En effet, le réajustement à la baisse présente encore de
nombreux risques.
Premièrement, la
confiance et l'aversion du risque sont des phénomènes capricieux, et l'on peut
redouter un regain de volatilité si, contre toute attente, la situation
macroéconomique et financière doit prendre un tour négatif – ce qui risque
d'être le cas si la reprise rapide et solide, à laquelle beaucoup s'attendent,
n'arrive pas.
Deuxièmement,
l'extrême relâchement de la politique monétaire (intérêts à taux zéro, mesures
de “détente quantitative,” nouvelles facilités de crédit, émission
d'obligations d'État, et rachats d'actifs privés non liquides et à risque),
auquel s'ajoute la dépense de sommes colossales pour stabiliser le système
financier, est peut-être en train de créer une nouvelle bulle d'actifs, due à
l'injection de liquidités sur les marchés financiers et sur ceux des matières
premières.
En Chine par
exemple, les entreprises d'Etat, que l'on a fait bénéficier de politiques de
l'argent et du crédit faciles, sont en train d'acheter des actions et
d'accumuler des matières premières, bien au-delà des besoins de leur
production.
Le risque que
représente un réajustement, face à l'échec des fondamentaux macroéconomiques,
est évident. En effet, la situation récente aux Etats-Unis, et dans d'autres
économies développées, suggère que la récession pourrait durer au-delà de la
fin de l'année. Pire, la reprise s'annonce anémique et insuffisante – bien en
dessous de son potentiel sur deux ans, si ce n'est plus – le poids des dettes
et la pression exercée sur le secteur privé s'alliant à l'augmentation des
dettes du secteur public et limitant la capacité des ménages, des sociétés
financières et des grosses entreprises à prêter, emprunter, dépenser, consommer
et investir.
Ce scénario plus
compliqué de reprise anémique compromet les espoirs d'une reprise en forme de
V, étant donné le frein que constituent une croissance faible et des poussées
déflationnistes pour les gains et les marges de profit, et, dans la plupart des
économies développées, des taux de chômage au-dessus de 10% qui contribuent à
provoquer des chocs financiers, dus à l'escalade des pertes enregistrées par
les banques et les institutions financières pour leurs portefeuilles de prêts
et d'actifs toxiques. En même temps, les crises financières subies
par un certain nombre de marchés émergents pourraient s'avérer contagieuses et
ajouter au stress qu'éprouvent les marchés financiers de la planète.
Il se peut par
ailleurs que l'augmentation du prix de certains actifs mène à une récession en
forme de W. L'injection massive de liquidités conduit en particulier
aujourd'hui à une augmentation trop rapide et trop précoce des prix de
l'énergie. Les prix élevés du pétrole de l'été 2008 ont eu pour rôle de faire
basculer l'économie mondiale dans la récession, et on aurait tort de sous-estimer
ce rôle.
Le franchissement
de la barre des 140 dollars le baril–ajouté à l'effondrement de l'immobilier et
aux chocs financiers–a produit une brusque modification de l'offre aux les
Etats-Unis, en Europe, au Japon, en Chine et chez d'autres importateurs nets de
pétrole, et fait vaciller l'économie mondiale. En attendant, l'augmentation du
déficit fiscal de la plupart des économies conduit à la hausse du taux de
rendement des obligations à long terme émises par l'Etat.
Une partie de la
hausse des taux longs constitue un réajustement nécessaire, car les
investisseurs font maintenant l'évaluation d'une reprise globale. Mais une
partie de cette hausse se fonde sur des facteurs plus inquiétants: les effets
des profonds déficits budgétaires et de la dette sur le risque souverain, et
par conséquent sur les taux d'intérêts réels; et l'inquiétude concernant le
fait que l'incitation à monétiser ces gros déficits conduira à une forte
inflation après la reprise de l'économie en 2010-11 et la baisse des forces déflationnistes.
L'allégement de
la demande privée, du à la hausse des rendements des obligations d'Etat–et à
celles des taux de l'emprunt-logement et d'autres rendements privés qui en
résultent–pourrait, à son tour compromettre la reprise. Par conséquent, on ne
peut pas exclure que d'ici la fin 2010 ou 2011, une belle tempête de pétrole
dépassant les 100 dollars le baril, des rendements des obligations d'État en
augmentation, et des hausses d'impôts (étant donné que les gouvernements
cherchent à éviter les risques liés au refinancement de la dette) ne conduisent
à un nouvel essoufflement de la croissance, si ce n'est à une nette récession à
double creux.
La récente
remontée du prix des actifs par rapport à leurs niveaux de mars s'explique,
pour une part, par les fondamentaux, car on a échappé au risque de crise
financière mondiale et la confiance a repris. Mais cette remontée, pour le
reste, ne s'explique pas, car elle est produite par des espoirs trop optimistes
de reprise rapide de la croissance vers son niveau potentiel, et par une bulle
de liquidités qui accroît le prix du pétrole et des actions de manière trop
rapide et trop précoce. Un choc pétrolier négatif, couplé à une augmentation
des rendements des obligations d'Etat, pourrait rogner les ailes de la reprise
et conduire à un sérieux déclin du prix des actifs et de l'économie réelle.
*Traduit de
l'anglais par Michelle Flamand
* Nouriel Roubini
est professeur d'économie à la Stern School of Business de l'université de New
York et président de RGE Monitor
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Posté Le : 02/07/2009
Posté par : sofiane
Ecrit par : Nouriel Roubini*
Source : www.lequotidien-oran.com