Algérie

Project Syndicate pour Le Quotidien d'Oran : Le monde après Bush


Le Musée d'art de Bruxelles expose un merveilleux tableau de Bruegel, qui a impressionné le poète britannique W.H. Auden au point de lui inspirer un poème. Ce tableau représente Icare, dont les ailes fondent, englouti par la mer. Personne ne semble s'inté-resser à la scène. La vie suit son cours : les paysans labourent leurs champs, et vaquent à leurs occupations. Ils ne montrent aucun intérêt pour la tragique chute d'Icare. La réalité semble souvent se passer de la même façon : personne ne tient compte des gros titres ni des événements importants. Le Président George W. Bush retournera à Crawford, dans le Texas, à la fin de l'année. Pensez-vous que quiconque remarquera ? Qui s'intéresse encore à lui ? Il s'est brûlé les ailes en Iraq et à Guantánamo, et semble déjà appartenir au passé ; ses gardes du corps se soucient de rapprocher le public vers les premiers rangs, de peur que l'absence d'intérêt dans ce qu'il fait et dit ne devienne trop évidente. La principale raison pour laquelle nous devrions remarquer son départ n'est pas ce que son absence rendra possible, mais plutôt ce qui demeurera totalement identique. Prenons quatre exemples. Tout d'abord, nous trouverons toujours de meilleurs moyens de gérer l'économie mondiale, de réduire les inégalités et de surmonter les catastrophes environnementales. Plus important encore, nous avons besoin de dirigeants américains et européens capables d'éviter l'écueil du protectionnisme et la destruction conséquente du cycle commercial de Doha.

Parallèlement, l'Occident doit mettre au point une position de négociation sur les émissions de carbone et sur le changement climatique associant la Chine et l'Inde. Il devra tenir compte de ses responsabilités historiques dans le réchauffement planétaire, de la taille de sa population et de la force économique actuelle. Ensuite, le conflit israélo-palestinien perdurera. La campagne présidentielle américaine a montré que ce n'est pas seulement l'absence de politique américaine pragmatique et responsable ces sept dernières années qui a conduit à l'impasse sanglante d'aujourd'hui. Même le sénateur Barack Obama, qui a manifesté un engagement clair pour établir une relation plus ouverte et moins unilatérale avec le reste du monde, a tenu des propos sur Israël et la Palestine semblant exclure le type d'initiatives nécessaires à un accord de paix. En effet, loin de critiquer un règlement continu de la situation en Cisjordanie, Obama a promis de soutenir – ce qui est déjà plus que certains membres du gouvernement israélien –Jérusalem en tant que capitale non divisée d'Israël. Cela ressemble à un feu vert pour tous les partisans intransigeants des colons qui ont fait campagne en faveur du développement de Jérusalem Est au c?ur de la Cisjordanie, une ligne de colonies running down jusqu'à la mer Morte. Il est difficile d'imaginer comment toute future diplomatie américaine fondée sur cette démarche pourrait attirer le soutien palestinien. Le Proche-Orient continuera donc à dominer le argument et le débat diplomatique.

Puis, la prolifération nucléaire continuera de poser problème. Comment résoudre la question de la Corée du Nord, qui possède déjà probablement plusieurs armes nucléaires ? Comment gérer nos relations avec l'Iran, qui pourrait – ou non – souhaiter de développer une capacité nucléaire militaire ainsi qu'un pouvoir nucléaire civil ?

Ces questions, avec toutes leurs implications en Asie orientale et occidentale, doivent être traitées dans la dernière ligne droite avant les discussions sur la révision du Traité de non?prolifération nucléaire en 2010. Les puissances nucléaires qui ont signé ce traité pensent qu'il vise uniquement à prévenir la prolifération. Pour d'autres pays, il porte sur le désarmement et prouve que les pays nucléaires ont se sont clairement accordés pour faire en sorte d'abandonner leurs armes nucléaires.

Ce flou artistique est à la base de la voie d'approche internationale de la prolifération. Désormais, il ne fait pas de doute que si nous voulons un traité de non-prolifération plus puissant – par exemple, proposant un contrôle et une surveillance renforcés –, les pays possédant des armes nucléaires devront honorer ce que d'autres estiment être leur partie d'un marché inéquitable.

Enfin, même après Bush - devenu si impopulaire en Europe (pas toujours à juste titre) –, l'Union européenne aura du mal à devenir le partenaire dont a besoin et que recherche l'Amérique pour régler les problèmes mondiaux.

Les récentes querelles au sujet du Traité de Lisbonne, dues au « non » du référendum irlandais, rappellent à tous le plus grand souci européen : l'Europe semble parfois plus préoccupée par ses propres accords institutionnels et par ses affaires intérieures que par ses responsabilités mondiales. Or, la pauvreté dans le monde, les catastrophes environnementales, la prolifération nucléaire, l'Afghanistan et le Proche-Orient ne sont pas des questions que l'on peut mettre en veille le temps que l'Europe s'occupe d'elle-même. En outre, l'Europe donne trop souvent l'impression que ses citoyens sont déjà acquis à sa cause. Si les électeurs refusent ce que les dirigeants européens décident entre eux, cela montre seulement – semble suggérer l'élite-à quel point il était juste de les ignorer au départ. Pourtant, l'Europe ne peut se construire sur ce déficit démocratique. L'Union européenne doit accroître la participation de ses électeurs pour approuver et soutenir les décisions prises à Bruxelles. Il importe de vite retenir la leçon. Bush et Cheney vont donc partir-mais nombre de bons vieux problèmes subsisteront. Bienvenue dans le monde réel.

Traduit de l'anglais par Magali Decèvre

Votre commentaire s'affichera sur cette page après validation par l'administrateur.
Ceci n'est en aucun cas un formulaire à l'adresse du sujet évoqué,
mais juste un espace d'opinion et d'échange d'idées dans le respect.
Nom & prénom
email : *
Ville *
Pays : *
Profession :
Message : *
(Les champs * sont obligatores)