La démocratisation de la scène politique
est l'un des défis majeurs pour les Etats du Maghreb et du Moyen- Orient,
estiment les analystes de Nord-Sud Experts (NSE) qui vient de publier son
classement annuel du risque pays pour 2011. A l'encontre des agences de
notations internationales, NSE apprécie positivement l'évolution en cours en
Tunisie alors que le reste des pays maghrébins sont, du point de vue de la
performance des Etats, en stagnation ou en recul.
Comment apprécier le risque politique ?
Dans le numéro 145/146 de Risques Internationaux, entièrement consacré à
l'examen de l'évolution du risque pour 101 pays, les analystes de NSE marquent
clairement leur différence en ironisant sur la décision des agences de
notations, Moody's et Standard and Poors, de dégrader une des notes de la
Tunisie, au lendemain de la fuite de Ben Ali. Pour NSE cette réaction est plus
révélatrice de la «partialité» de ces agences que d'une appréciation sérieuse
et fondée de la solidité de la situation financière de la Tunisie. «Car si
danger d'instabilité il y avait, dans ce pays jusqu'ici considéré, à tort,
comme très stable, n'aurait-il pas mieux valu s'en apercevoir avant ?» persifle
NSE. Les analystes soulignent que le danger d'affaiblissement des finances
publiques en Tunisie est temporaire et compensé par les aides de l'Europe et de
la BEI. Mais plus fondamentalement, estiment-ils, la Tunisie ne peut que se
porter mieux au niveau économique sans ses «prédateurs, fraudeurs et
corrupteurs» et elle devrait être mieux protégée contre la fuite des capitaux.
Prédiction à l'encontre des agences de notation qui ne semblent guère aimer la
démocratie : la Tunisie sans Ben Ali devrait mieux se «porter, économiquement
et budgétairement parlant, qu'une Tunisie livrée au pillage de ses propres
dirigeants». L'enjeu pour les économies de pays de la région MENA est bien de
l'ordre du politique et de la possibilité pour les ressortissants d'un pays
donné de disposer des « voies et moyens de demander des comptes à ceux qui les
gouvernent». Le classement établi par NSE se divise en deux parties. La
première est dédiée à l'appréciation des performances des États, de leurs
compétences en matière de politiques économique et sociale. Il s'agit moins
d'établir un palmarès que d'identifier les «bonnes gouvernances» du point de
vue des gouvernés eux-mêmes. La seconde relève du «risque pays» au sens
classique du terme, analysé du point de vue des exportateurs et des
investisseurs, est évalué dans le deuxième tome. S'agissant de la gouvernance
publique, l'appréciation se fonde sur cinq critères: qualité de gestion et de
régulation, stratégie de développement à long terme, transparence et
concertation, détournement et corruption et équité et justice. Il ressort de
cette évaluation une note en hausse pour la Tunisie, stationnaire pour le Maroc
et en appréciation négative pour l'Algérie, la Libye et la Mauritanie. Pour la
Tunisie, le démantèlement douanier et la baisse de la fiscalité des entreprises
pourraient contraindre le gouvernement à recourir au marché financier en 2011.
La dette publique devrait se stabiliser si la croissance retrouve un rythme
satisfaisant. Un système bancaire fragilisé par l'importance des créances
douteuses. Les flux d'IDE sont en baisse depuis 2008. Mais l'appréciation est
rendue positive en raison d'une évolution politique vers la démocratie qui
devrait améliorer substantiellement la performance de l'économie.
Corruption et absence de débat
démocratique
Pour le Maroc, NSE relève une gestion
plus scrupuleuse du recouvrement des impôts et un recul de la fraude endémique,
une montée en gamme du secteur du phosphate et une diversification volontariste
de l'origine des IDE. Les grands travaux se poursuivent alors que la dette
publique se stabilise à près de 50% du PIB. Le durcissement du régime est lié à
la question du Sahara Occidental qui détermine la politique interne et externe
du pays. Pour l'Algérie, il note un retour volontariste à l'excédent de la balance
des paiements courants, avec un solde qui devrait atteindre + 3,4 % du PIB en
2010.Une démarche qui provoque des pénuries sporadiques et des hausses des prix
qui pèsent sur le niveau de vie. Pour l'Algérie également, NSE souligne
l'importance du facteur politique. La politique économique algérienne «continue
à souffrir de la corruption et d'une absence de débat démocratique sur ses
objectifs et ses moyens». Il relève également un manque de transparence
«accentué dans le secteur gazier où des doutes planent sur la capacité du pays
de tenir tous ses engagements à terme». Pour la Libye, on note la hausse de la
production d'hydrocarbures dès 2010 et une croissance forte du secteur hors
pétrole et un niveau exceptionnel de réserves de change. L'aspect politique est
également souligné. Il y a, souligne NSE, une «absence de visibilité du fait de
la versatilité du «guide» Mouammar Kadhafi» même si le consensus est maintenu
par les subventions et les hausses récentes de salaires (+ 15 %). Dans ce
domaine, NSE estime que l'évolution vers une modernisation de l'Etat reste pour
l'instant une perspective «sous la houlette de l'héritier présomptif de
Kadhafi, son fils Saïf el-Islam».
-
Votre commentaire
Votre commentaire s'affichera sur cette page après validation par l'administrateur.
Ceci n'est en aucun cas un formulaire à l'adresse du sujet évoqué,
mais juste un espace d'opinion et d'échange d'idées dans le respect.
Posté Le : 01/02/2011
Posté par : sofiane
Ecrit par : Oussama Nadjib
Source : www.lequotidien-oran.com