Algérie

Profession infirmière de Messaoud Nedjahi, (Roman) - Éditions Publibook, Paris 2007


Profession infirmière de Messaoud Nedjahi, (Roman) - Éditions Publibook, Paris 2007
Présentation

Messaoud Nedjahi nous montre une nouvelle fois toute la portée de son talent. Ce roman courageux et engagé ne cesse au fil des pages de nous émouvoir tout en attisant au fond de nous ce sentiment de colère toujours plus grand à l’encontre de la barbarie et la cruauté de cette guerre. En dressant, avec une grande sensibilité, le portrait de cette femme impressionnante de courage, c’est un réel hommage à toutes ces femmes trop souvent considérées comme actrices secondaires de la libération d’un peuple entier.

Algérie, 1955. La guerre est souvent une histoire d'hommes, pourtant lorsqu'elle sévit tout le monde est bien concerné. C'est le destin tragique d'une femme que Messaoud Nedjahi choisit cette fois de mettre à l'honneur. Une femme à qui la guerre aura tout pris, tout sauf le courage, la témérité, le sens du devoir, l'amour pour les siens et pour son pays. Une infirmière, « ange de miséricorde ».

Premières pages

À Nadia Chabani en toute amitié et d’abord ces quelques lignes.


— Allô ! Qui est à l’appareil ?
— C’est Malaghi ! Je suis celle qui appelle. C’est toujours moi qui appelle.
— D’où appelles-tu ?
— Du lointain ! D’un monde où l’abstraction est reine, où le froid fait loi. D’un monde où la blancheur de la neige reste quand celle-ci a fondu. D’un monde qui est toujours au-delà de lui-même.
— Où se trouve ce monde ?
— Quelque part, à la fois proche et lointain. Vaste étendue où patinent les coeurs. Aurès insolite !
— Ton monde serait en Aurès ?
— Ah ! Comme je le voudrais !


Mon style est plus fantasque que fantastique.
Je ne fais peur qu’à moi-même.
Peut-être aussi à mon ombre qui tremble avec moi.
À mon ombre aussi.
Certainement !

Anamorphose

Nous sont connus leurs noms et leurs exploits. La tradition que chantent nos femmes est un bien précieux. Les tiâezriyyin, ces femmes que certains qualifient de libres et d’autres de courtisanes, sont notre seule mémoire. Elles ont su garder pour nous l’image du temps, du sourire de la nuit, des pleurs du ciel ou tout simplement du baiser donné aux lépreux près d’une frontière où coule et s’écoule cette eau rouge, sève de la majesté des miens.

En des vers simples, en des poèmes sans prétention, nous arrive notre richesse, legs du coquelicot millénaire qu’aucun livre n’a su nous faire parvenir.

Pourquoi tous ces papiers noircis ne nous disent-ils rien sur nos héros ? Pourquoi se taisent-ils ?

Les livres ?

Quand ceux-ci se mettent à parler c’est pour nous apprendre des inepties. C’est pour mieux nous avilir mon enfant !

N’ont-ils pas inventé de nouveaux noms pour nous donner du héros. En veux-tu ? En voilà ! Les héros grouillent par millier sur nos pages d’écoliers. Des pages et des pages sont remplies pour faire passer les momies du parti inique pour des personnages historiques. On leur invente des biographies et des témoignages. Ils auraient tout fait. Et les vrais sont relégués aux oubliettes implacables de l’amnésie. Ils sont confiés aux ravages de l’anonymat.

Comment allons-nous désormais retrouver nos repères ?

Essayons ! Commençons par les plus anciens.
Gaya ? Qui est Gaya ?
On nous dit que c’est un roi numide et serait le père de Massinissa.
Rien d’autre ?
C’est tout ce qu’il nous est permis de savoir sur lui.
Et Massinissa qui est-il ?
Le fils du premier. Allié d’abord de Carthage puis de Rome. Rival de Syphax, autre roi numide.
Et ?
Une ou deux pages tout au plus et son histoire et pliée.
Mais ne nous dit-on pas qu’il fit rentrer les Berbères dans l’histoire ?
On le dit en effet.
Drôle d’histoire ! Et les autres : Aderbal, Miscipsa, Mastanabal…
Euh ! Des rois numides selon toute vraisemblance.
Jugurtha, alors ? On le dit fort et beau.
C’est un bâtard (comme si cette notion avait quelque signification dans la culture amazigh d’alors) qui se serait accaparé le royaume et la royauté par la force. Ennemi juré de Rome. Il fut trahi par son beau-père et mourut dans les geôles de la ville éternelle.

Et qui était ce beau-père ?
Bocchus roi de Maurétanie.
Que des rois ?
Il y en eut bien d’autres : les Juba, les…
Et Takfarinas qui était-il ?
On ne sait rien de lui sinon que c’était un rebelle insoumis.
Koceila alors ?
On dit que celui-ci fut le dernier chrétien à se convertir à l’islam. Il aurait tué Oqba Bnu Nafiâ juste pour se venger de ce dernier qui l’aurait humilié en l’obligeant d’égorger un mouton le jour du sacrifice.

N’est-ce pas là un honneur pour tout musulman de sacrifier lui-même une bête consacrée à son Dieu ?
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