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La voiture s'engage lentement sur la piste dure et pleine de crevasses. Un chemin qui slalome entre les innombrables maisons en chantier, depuis la route menant vers El Khroub jusqu'aux hauteurs de la localité de Sissaoui, située à quelques kilomètres au sud-est de Constantine.Une bonne demi-heure est nécessaire pour atteindre le haut de la colline qui domine de vastes terres parsemées de petites fermes de construction sommaireNous sommes ici à quelques encablures de la forêt d'El Meridj», nous explique Makram Boumahrat, âgé de 36 ans, notre guide qui nous mène vers le lieu où il a créé et développé le projet de sa jeunesse.Sur une terre non cultivée occupée et exploitée par sa famille depuis des dizaines d'années, Makram nous montre des parcelles délimitées par des clôtures en bois, et couvertes par des tissus servant de serres. C'est ici qu'il a créé sa propre escargotière. L'histoire de Makram avec ces mollusques commence en 2000, alors qu'il avait à peine 20 ans.Le jeune homme s'intéresse de près à ces gastéropodes, très répandus sur cette terre. «Au début, je ne savais rien du tout sur les escargots, mais j'ai commencé à m'intéresser à leur mode de vie, en les observant jour et nuit», dira-t-il. Ses premiers tests pour élever des escargots remontent à 2003. Néophyte à l'époque, il a connu plusieurs échecs, mais il ne s'est jamais découragé.«Petit à petit je commençais à comprendre les raisons de mes précédents échecs, et par passion, je ne voulais pas lâcher jusqu'à réussir cette expérience», annonce ce jeune qui a abandonné ses études à l'époque de la décennie noire. «Vous savez, il était très difficile pour nous dans les années 1990 d'aller à l'école qui se trouvait à plusieurs kilomètres de la maison ; il fallait se lever à 5h, et puis avec l'insécurité qui régnait à l'époque, on ne pouvait plus continuer à s'y aventurer, nous devions plutôt réfléchir à un moyen pour survivre et aider nos parents.» Makram réussira finalement la première expérience d'héliciculture dès 2003. Il était fier et heureux à la fois.«J'ai décidé de rester en Algérie et de travailler sur cette terre, et de ne pas songer à l'immigration comme le font de nombreux jeunes», confie-t-il. Parfait exemple de persévérance et d'abnégation, Makram emploie aujourd'hui jusqu'à 30 travailleurs dans la collecte des escargots, et compte une dizaine de sous-traitants auxquels il livre les jeunes escargots pour l'élevage. Il a réussi même à réaliser un local destiné à la reproduction. Un lieu qu'il tient toujours secret. «C'est le fruit de plusieurs années d'expérimentation et de recherches que je ne veux pas montrer pour le moment», explique-t-il.Le fruit de la persévéranceEn treize ans, Makram affirme qu'il a beaucoup appris sur l'escargot. L'héliciculture est devenue pour lui sa première passion, mais aussi son gagne-pain. Il parle comme un véritable expert, même s'il ne veut pas répondre à toutes les questions. Durant notre passage dans son escargotière, l'on saura qu'il produit l'Hélix aspersa et l'Hélix aperta, deux espèces très répandues dans les pays méditerranéens. Le premier plus connu par Le petit gris, d'une taille de 28 à 35 mm pour un poids adulte de 7 à 15 g, peut être facilement élevé d'une manière économiquement rentable.«C'est un métier très difficile, car il faut d'abord assurer les conditions nécessaires pour la reproduction et l'environnement idéal pour l'éclosion des ?ufs, avant de suivre les jeunes escargots durant leur évolution en les déplaçant à chaque fois vers un milieu plus spacieux et mieux protégé, puis les transférer vers l'escargotière au printemps et leur assurer la nourriture durant des semaines. Avant tout cela, il faut préparer d'abord la terre au début du mois de septembre, avec des parcelles cultivées de différentes plantes», explique-t-il.C'est ce que les spécialistes appellent un élevage mixte, c'est-à-dire une reproduction en serre, et un «engraissement» à l'air libre. Les escargots terrestres sont connus pour être actifs lorsque l'humidité est suffisamment élevée. A l'approche de la saison chaude, les mollusques, qui craignent le stress climatique, creusent une sorte de chambres circulaires dans le sol encore humide pour hiberner durant la période d'estivation. Ils se rétractent dans leurs coquilles qu'ils obstruent par un voile muqueux, appelé épiphragme, sorte de bouchon en calcaire, qui leur évite la déshydratation.«C'est ainsi qu'on commence à creuser dans le sol pour récolter les escargots en période d'estivation à partir du mois de juin jusqu'à fin juillet, ce sont des coquilles prêtes à l'emballage et l'exportation», indique Makram Boumahrat. Depuis 2003, et avec les premiers succès de ses récoltes, Makram est déjà connu par ceux qui activent dans le créneau de la commercialisation du Petit gris.Son produit commence à intéresser certains exportateurs, car les mollusques sont très peu consommés à l'échelle locale. «Aujourd'hui, on nous demande d'importantes quantités, parce que notre produit trouve plusieurs preneurs en Espagne et en Italie, où ce type d'escargot est très apprécié et très consommé. Le kilo d'escargot est proposé à 15 euros à l'exportation, imaginez les grandes quantités que nous pouvons produire ici ; c'est une grande source de devises pour l'Algérie, et puis de nombreux jeunes sont prêts à travailler dans ce créneau mais ils n'ont pas trouvé d'aide», poursuit-il.Makram affirme que ce créneau est très porteur : «Nous sommes capables de développer cette activité à Constantine, mais il nous faut aussi un soutien de la part des autorités et du ministère de l'Agriculture, pourquoi ne pas réaliser une unité de collecte et de conditionnement des escargots produits localement, pour qu'ils soient exportés comme produit algérien, au lieu de le faire à l'état brut, cela permettra de créer des postes d'emploi, et assurer d'importants revenus en devises, croyez-moi, cette terre est une véritable mine d'or.» Ayant participé au salon de l'emploi tenu récemment à Constantine, Makram Boumahrat s'est dit optimiste quant à l'aide que peuvent apporter les autorités de la wilaya, à travers les dispositifs mis en place par l'Etat, mais aussi à travers le soutien du ministère de l'Agriculture pour soutenir les jeunes éleveurs.


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