Algérie

Processus inflationniste, valeur du dinar, impact sur le pouvoir d'achat



Comprendre le processus inflationniste en Algérie implique, à la fois, de le relier à l'inflation mondiale, aux équilibres macro-économiques et macro-sociaux internes, selon une vision dynamique, à la répartition du revenu par couches sociales, l'évolution des salaires et traitements pour déterminer le réel pouvoir d'achat. C'est un problème complexe où chaque gouvernement essaie de concilier l'efficacité économique et la nécessaire cohésion sociale, qui ne touche pas seulement l'Algérie mais la majorité des pays comme en témoigne les nombreuses revendications salariales à travers le monde.1.- Le taux d'inflation reprenant les données de l'ONS légèrement corrigé selon Statisca International entre 2014 et fin 2022 avec des prévisions pour 2023/2024 est le suivant : 2014-2,92%, 2015 4,78%-2016 6,40%- 2017-5,59% ? 2018 -4,27%- 2019- 5,60%- 2020- 6,70%- 2021-8,70% ? 2022- 10,20% ? 2023- -prévision 12,26%)- 2024( prévision 14,00%, soi près de 60% entre 2014 et fin 2022. Pour le FMI après correction des données algériennes tenant compte des prix réels sur le marché de 1970 à fin 2022, la moyenne a été de 8,8% par an et durant cette période le taux d'inflation aurait été de 6.969,61% où un bien de consommation qui coûtait 100 dinars en 1970 ,à fin décembre 2022 coûte 7.069,01 dinars. Entre 2022 et septembre 2023 le processus inflationniste a atteint un niveau intolérable : plus 100% pour les pièces détachées toutes catégories confondues, parallèlement à une pénurie de nombre de produits et donc de devant pas avoir une vision statique d'un excédent de de la balance commerciale qui provoquerait une paralysie de l'économie. En plus des factures d'électricité, de l'eau, du loyer, on peut se demander comment un ménage entre 30.000/50.000 dinars, peut-il survivre, s'il vit seul, en dehors de la cellule familiale, qui, par le passé, grâce au revenu familial, servait de tampon social ' Mais attention à la vision populiste : doubler les salaires sans contreparties productives entraînera une dérive inflationniste, un taux supérieur à 20% qui pénaliserait les couches les plus défavorisées, l'inflation jouant comme distributeur au profit des revenus spéculatifs.
Le Décret présidentiel n°21-137 fixe le salaire national minimum garanti à 20.000 dinars mensuel depuis le 1er juin 2021, soit au cours du marché parallèle 85 euros. Pour l'année 2023, il a été prévu une augmentation de 4.470 dinars, où un travailleur qui touche 30.000 dinars actuellement, sur les deux années, son salaire sera porté à plus de 39.000 dinars, touchant 2,8 millions de fonctionnaires et contractuels, l'incidence financière étant de de 340 milliards de dinars en 2023, le ministre des financesayant donné la masse salariale globale qu'il a estimé à 4.629 milliards de dinars représentant 47,39% du budget de fonctionnement. Par ailleurs, il y a eu l'exonération de l'IRG (Impôt sur le revenu global) de tous les salaires de moins de 30.000 dinars ayant bénéfice selon l'APS à 6,5 millions de citoyens et en mars 2022. Toujours pour assurer la cohésion sociale , le gouvernement a consacré 5.000 milliards de dinars aux transferts sociaux, soit au cours de 137 dinars un dollar, 36,49 milliards de dollars, mais des subventions non ciblées injustes, celui qui perçoit 200.000 dinars par mois bénéficiant au même titre que celui qui perçoit 20.000/30.000 dinars. Mais cela ne peut être que transitoire, car du fait des tensions budgétaires et le retour de l'inflation, s'impose la relance économique pour 2024/2025/2030 conditionnée par la lutte contre le terrorisme bureaucratique qui étouffe les énergies créatrices, l'instabilité juridique et la vision purement monétariste, afin de préserver les réserves de change sans vision stratégique.
2.-Je recense six facteurs interdépendants qui expliquent le processus inflationniste. La première raison est l'inflation importée, puisque 85% des besoins des ménages et des entreprises publiques et privées dont le taux d'intégration ne dépasse pas 15%, proviennent de l'extérieur. La sécurité alimentaire mondiale est posée car outre les effets du réchauffement climatique via la pénurie d'eau douce, les prix des produits agricoles connaissent un prix élevé surtout depuis la crise en Ukraine. La deuxième raison, est la faiblesse du taux de croissance interne, résultant de la faiblesse de la production et de la productivité. L'Algérie, selon le rapport de l'OCDE, dépense deux fois plus pour avoir deux fois moins d'impacts, en référence aux pays similaires, renvoyant à la mauvaise allocation des ressources. Selon le premier Ministère, l'assainissement des entreprises publiques ont coûté au Trésor public, environ 250 milliards de dollars, durant les trente dernières années à fin 2020, dont plus de 90% sont revenues à la case de départ et plus de 65 milliards de dollars de réévaluation, les dix dernières années à fin 2020, faute de maîtrise de la gestion des projets.
Malgré des dépenses en devises importantes entre 2000/2020 (sans compter les dépenses en dinars), la croissance a été dérisoire, en moyenne annuelle, de 2/3%, alors qu'elle aurait dû dépasser 9/10%, alors qu'il faut pour l'Algérie un taux de croissance de 8/9% par an sur plusieurs années pour pouvoir absorber le flux additionnel d'emploi d'environ 350.000/400.000/an qui s'ajoute au taux de chômage actuel qui paradoxalement frappe les diplômés, estimé en 2022 par le FMI à plus de 14%, le taux d'emploi incluant les emplois rente improductifs. La troisième raison, est la dépréciation officielle du dinar. Le cours officiel est passée (cours achat) en 1970, à 4,94 dinars un dollar, en 1980 à 5,03 dinars un dollar ; ? 2001 : 77,26 dinars un dollar et 69,20 dinars un euro ? 2020 : 128,31 dinars un dollar -; en 2022 140, 24 pour un dollar et 139,30, un dinar pour un euro. Il est coté (source BA) du 21 au 25 septembre 2023 à 137,0471 dinars un dollar et 146,2567 dinars un euro. La dépréciation officielle du dinar permet d'augmenter artificiellement la fiscalité des hydrocarbures (reconversion des exportations d'hydrocarbures en dinars) et la fiscalité ordinaire (via les importations tant en dollars qu'en euros convertis en dinar dévalué), cette dernière accentuant l'inflation des produits importés (équipements), matières premières, biens , montant accentué par la taxe douanière s'appliquant à la valeur du dinar, supportée, en fin de parcours, par le consommateur comme un impôt indirect, l'entreprise ne pouvant supporter ces mesures que si elle améliore sa productivité. L'accroissement des effets inflationniste, outre l'inflation importée est la non proportionnalité entre la dépense publique et le faible impact, le taux de croissance. Pour son équilibre budgétaire selon le FMI et en référence à la loi de finances 2023, l'Algérie a besoin d'un baril de pétrole à près de 149,2 dollars, dans son rapport d'octobre 2022 contre 135 dollars pour l'exercice 2020/2021 et 100/109 pour l'exercice 2019/2020. Qu'en sera-t-il pour la loi de finances 2024 où il est prévu une augmentation des dépenses, l'équilibre budgétaire dépendant avant tout des recettes de Sonatrach qui ont été de 60 milliards de dollars en 2022 pour un cours moyen de 106 dollars le baril et 16 dollars le MBTU pour le gaz, avec une moyenne de 80 dollars pour l'année 2023 et 11/12 dollars le MBTU les recettes devraient se situer entre 45/50 milliards de dollars, pour le profit net devant retirer les couts et part des associés. La quatrième raison, est l'accroissement de la population algérienne avec des besoins croissants a population algérienne qui a évoluée ainsi :? 1960 11,27, ? 1970 14,69, -1980 19,47, -1990 26,24, -2010 à 37,06 ? et au 01 janvier 2023 plus de 45 millions et d'ici 2030 serait de 51,026 millions. (voir étude pour la présidence de la république sous LA direction du Pr Abderrahmane Mebtoul pour la révision salariale, Pression démographique , inflation et évolution salariale (4 volumes 560 pages 2008). La cinquième raison, est l'importance du marché informel.. Les prix des produits non subventionnées s'alignent sur le cours du dinar sur le marché parallèle amplifiant l'inflation et s'étendant en période de crise, lié à la cotation du dinar sur le marché parallèle.
Durant l'année 2011, il avait atteint une moyenne de 135 dinars un euro et le 08 octobre 2022, la cotation est de 209 dinars un euro et le 28 septembre 2022 l'euro s'échange à 227 dinars à l'achat et 229 dinars à la vente, le dollar américain à 210 dinars à l'achat et 212 dinars à la vente, soit un écart entre l'officiel et le parallèle de près de 57%, une des raison des surfacturations avec certains étrangers et des transferts illicites hors des frontières des produits subventionnés. La sphère informelle représenterait en 2022 pour l'Algérie entre 33/37% du Produit intérieur Brut PIB qui, selon la Banque mondiale, dans son rapport du 22 juin 2023 serait de 191 milliards de dollars pour un taux de croissance de 3,2% en 2022 tiré essentiellement par la rente des hydrocarbures via la dépense publique. Pour la Banque d'Algérie il y a plus de 6200 milliards de dinars de la masse monétaire en circulation hors banques soit au cours de 137 dinars un dollar 45,25 milliards de dollars. Le Président de la république ayant dénoncé l'effritement du système d'information avait donné un montant variant entre 6000 et 10.000 milliards de dinars. L'anticipation d'une dévaluation rampante du dinar, a un effet négatif sur toutes les sphères économiques et sociales, dont le taux d'intérêt des banques qu'elles devraient relever de plusieurs points, s'ajustant aux taux d'inflation réel et freinant, à terme, le taux d'investissement à valeur ajoutée et par la déthésaurisation des ménages qui mettent face à la détérioration de leur pouvoir d'achat, des montants importants sur le marché. Ces derniers alimentent l'inflation, plaçant leur capital-argent dans l'immobilier, des biens durables à forte demande comme les pièces détachées, facilement stockables l'achat d'or ou de devises fortes. (voir étude sous la direction du professeur Abderrahmane Mebtoul-Institut français des relations internationales (IFRI ? Paris) : les enjeux stratégiques de la sphère informelle -2013-reproduite en synthèse réactualisée dans la revue Stratégie IMDEP du ministère de la Défense nationale). La sixième raison est la fraude fiscale et la corruption à travers les surfacturations qui se répercute sur le prix final des biens et accroît le processus inflationniste. La directrice générale des impôts, le 4 avril 2023, a fait état de 6000 milliards de dinars d'impôts non recouvrés, soit au cours actuel, 44 milliards de dollars. Pour les transferts illicites de capitaux à l'étranger, selon les données du FMI, les entrées en devises entre 2000/2021 sont estimées, approximativement, autour de 1100 milliards de dollars avec une importation de biens et services de plus de 1050 milliards de dollars le solde étant les réserves de change au 31/12/2020 et une surfacturions entre 10% et 15% donnerait un transfert illicite de devises entre 100 et 150 milliards de dollars entre 2000/2020 placés dans l'achat de biens, ou de tierces personnes ayant la nationalité étrangère et dans des paradis fiscaux où il est difficile de les récupérer.
3.- L'annonce de l'ouverture de bureaux de change date pas d'aujourd'hui puisque les dispositions du règlement n° 95-07 du 23 décembre 1995 modifiant et remplaçant le règlement n° 92-04 du 2 mars 1992 relatif au contrôle des changes, notamment ses articles 10 à 15, plus de 40 bureaux de change ont été agréés, aucun n'étant opérationnel. Sa réussite suppose une démarche progressive, la stabilité juridique et monétaire par la maîtrise du processus inflationniste, la refonte du système financier dont les banques publiques accaparent plus de 85% des crédits octroyés et que si l'écart entre l'officiel et le marché parallèle est entre 10/15% minimum, car dans la pratique des affaires pas sentiments. Une série de mesures avaient été entre 1995/1996, pour atténuer les effets de l'activité informelle sur l'économie nationale : augmenter l'allocation touristique, pour la porter entre 500/1000 euros par an et par personne ; permettre aux étudiants d'utiliser le canal bancaire pour financer leurs études, et autoriser les compagnies d'assurances à prendre en charge les soins à l'étranger. Mais toutes ces mesures ne peuvent être que conjoncturelles, la valeur d'une monnaie dépendant avant tout de la production et de la productivité d'une Nation. Car imaginons que 20 millions d'algériens sur 45 millions percevaient 1000 euros par an , le montant de sortie de devises par an serait de 20.000.000.000 euros (20 milliards d'euros, soit 20% des réserves de change à fin aout 2023). En bref, l'Algérie, ayant d'importantes potentialités, peut surmonter les difficultés actuelles (voir nos contributions sur la géostratégie mondiale parues dans la revue El-Moudjahid Politis du 24 décembre 2023) Pour cela, s'impose la concrétisation urgente des réformes institutionnelles et économiques, nécessitant une mobilisation générale, un large front national, tenant compte des différentes sensibilités et un discours de vérité pour un sacrifice partagé.
Abderrahmane Mebtoul
Pr des Universités


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