Algérie

Procès EL Khalifa Bank



Procès EL Khalifa Bank
Durant plusieurs heures, le procureur général près le tribunal criminel de Blida s'est attelé à expliquer les faits reprochés aux 72 accusés poursuivis dans le cadre de l'affaire El Khalifa Bank dont le procès se tient depuis le 4 mai dernier.Ainsi, le représentant du ministère public est revenu sur tous les détails des déclarations des uns et des autres, les contradictions, les biens qu'ils ont acquis, les faits retenus contre eux, mais aussi les relations des uns et des autres et les liens qui les lient. Il s'attarde sur chacun des 22 accusés se trouvant dans le box pour montrer leur culpabilité et, de ce fait, leur condamnation.Il précise que ce procès relève aussi bien du code pénal et que du code de commerce : «Nous sommes là pour vol à travers une banque, escroquerie, abus de confiance, mais aussi pour faux et usage de faux en écritures bancaires, faux et usage de faux en écritures publiques et banqueroute frauduleuse.» «La conviction personnelle qui doit primer dans la décision du tribunal ne repose pas sur le néant ; elle se forge au fur et à mesure des audiences et des déclarations des uns et des autres. Akli Youcef a bel et bien reconnu que l'accusé principal, Abdelmoumen, venait dès 1999 à la caisse principale pour prendre l'argent.Il a commencé comme un voleur de téléphone avant de passer à d'autres méthodes. L'accusé Réda Abdelwahab nous a révélé par la suite qu'il était envoyé par Abdelmoumen pour lui ramener de l'argent de la caisse principale. Ils ont évoqué de nouveaux concepts pour induire en erreur le tribunal, justifiant les retraits de fonds par des crédits, des prêts sociaux, des avances sur crédit. Mais le fait est là», déclare le représentant du ministère public. Il apporte des précisions sur les aggravations de peines, en disant qu'«il n'y a aucun texte qui ligote le tribunal criminel. Pour lui, il y a une différences entre Abdelmoumène Khalifa et le dernier accusé qui n'a pas voulu restituer un téléphone.La création de cette banque n'a pas été faite dans un but d'investissement mais pour voler. Et lorsque ce vol cible les sociétés publiques, le code pénal a prévu des peines allant jusqu'à la perpétuité. Le même code a prévu une aggravation des peines contre les agents bancaires qui commettent et utilisent des faux en écriture bancaires», Il cite, à titre d'exemple, quatre accusés : Mouloud Toudjane, directeur général adjoint de la comptabilité qui, selon le procureur général, a dissipé des informations comptables sur la banque, mais aussi les directeurs d'agence Kechab Belaid, Omar Mir et Zerrouki Faycal.Pour le procureur général, dans cette affaire, les accusations diffèrent d'un groupe d'accusés à un autre. Il explique que l'association de malfaiteurs a été créée autour de quatre groupes, dont le noyau dur s'articule autour de Moumen Khalifa et Djamel Guelimi. Le deuxième groupe est composé des cadres dirigeants, notamment les chefs d'agence Abdelhafid Chachoua, Badreddine Chachoua, M'hand Arezki Amghar, Omar Mir, Meziane Ighil, Mouloud Toudjan et Faycal Zerouki. Le troisième groupe est constitué, ajoute le procureur général, de Ahmed Chahoua et Abdelwahab Dellal, suivis des autres accusés poursuivis pour les délits d'»abus de confiance» et «corruption».Durant un long moment, Zarguerras tente de situer les responsabilités de chacun des accusés, puis retrace le fil des événements depuis la création de la banque «dont l'idée remonte à 1992 comme l'a affirmé Djamel Guelimi et non pas en 1995, comme Abdelmoumen l'a déclaré. L'objectif de cette banque n'était pas l'investissement. Son but était le pillage de l'argent des déposants pour s'envoler avec à bord de la compagnie, qu'il va lancer quelque temps après El Khalifa Bank. Même les sociétés qu'il a créées par la suite sont des Eurl, à l'image de la compagnie mais aussi Antinea Arlines qu'il a achetée auprès d'Ijerouidène».« La banque n'était pas un projet d'investissement mais de pillage »Le procureur général estime que les banques sont différentes des autres sociétés en raison de leurs répercussions sur l'économie du pays. Il rappelle les crises des subprime qui ont ébranlé le monde de la finance et ont sucité par la suite une réforme bancaire, notamment en matière de normes prudentielles et de ratio de solvabilité, des mesures qui permettent de prévenir les crash financiers et que l'Algérie a adoptées.«Mais à El Khalifa Bank, ces règles ont été foulées au pied. Les crédits qu'elle accordait ne répondaient à aucune norme», révèle le procureur général. Pour lui, il n'y a pas de doute : «Entre Abdelmoumen Khalifa et Issir Idir, directeur de l'agence Staouéli de la BDL, les relations sont étroites. Il l'a aidé à obtenir un crédit pour Khalifa Pharma, détourné pour la création de la banque.» Il continue à suciter le doute sur l'appelation «El Khalifa» choisie, selon lui, pour «faire croire qu'il s'agissait d'une banque des pays du Golfe et escroquer les gens».Le représentant du ministère public, s'interroge sur les ventes à perte des produits banquiers par El Khalifa Bank, comparant cette logique à celle utilisée par un homme qui achetait au prix fort des véhicules et les revendait jusqu'à la moitié de leur prix d'achat. «Où est cet homme ' Il s'est exilé, comme l'a fait Abdelmoumen avant lui», déclare le procureur général. Il tente de comprendre sur quelle base sont accordés aussi bien les intérêts des placements que les montants des sponsorings, révélant à la fin que c'étaient les relations avec le PDG qui déterminaient le seuil.Le magistrat affirme n'avoir jamais vu une banque qui consacre toute une direction au sponsoring, qui offre des dizaines de véhicules, dont cinq au frère du PDG, qui finance le mariage d'un de ses cadres, qui reçoit un véhicule de luxe comme cadeau... Et de conclure que toute cette dilapidation ressemble aux inondations de Bab El Oued, qui ont tout emporté avec elles.Le procureur général revient encore une fois sur Issir Idir, en disant, certes, qu'il n'a pas été ex-directeur de l'agence de l'hôtel Hilton, mais a laissé un compte d'escompte de 500 millions de dinars. Il fait le lien entre lui et Lylia Ledjlat qui, d'après le magistrat, a «obtenu une ascenssion fulgurante». Le procureur général réfute catégoriquement le fait que Abdelmoumen manquait de cadres banquiers. Pour lui, «Abdelmoumen avait la crème des banquiers, mais son objectif n'était pas la gestion».Il s'attarde sur la famille Chachoua en reprenant les déclarations d'un accusé selon lesquelles l'arrivée des Chachoua a dégradé la situation à la banque. La lettre anonyme trouvée chez lui, sur les pratiques à El Khalifa Bank, parle de «corruption à ciel ouvert. Des villas, des voitures et des comptes. Il faut juste voir ses factures d'hôtel, notamment le Sheraton (430 millions de dinars), Al Aurassi (18 millions de dinars), Sofitel (15 millions de dinars) etc pour comprendre la vie que les Chachoua menaient.Au Sheraton, les factures sortaient au nom de Khalifa Airways. Mais que s'est-il passé ' Maloufi Cherif, qui habitait à Alger, sa fille et, en cherchant, j'ai trouvé qu'il y avait aussi Kassa Samir, un Franco-Algérien et Khelif un Franco-Espagnol. Les mêmes qui ont été arrêtés à l'aéroport d'Alger la nuit du 23 au 24 mai 2003 avec Guellimi Djamel, en possession de deux millions d'euros. Ils avaient passé trois nuits au Sheraton avant d'aller à l'aéroport vers minuit», note le procureur général.Pourquoi cette anarchie ' «Pour ne rien comprendre et ne rien déceler», révèle-t-il. Il cite une longue liste d'entrées et sorties de Chachoua Abdelhafid, de voyages sur Paris alors qu'il était chargé de la sécurité. «Pourquoi autant de voyages ' N'est-ce pas pour convoyer l'argent ' Lui aussi, tout comme Abdelmoumen, ont commencé comme des picpockets puis sont passés au vol de sacs d'argent, avant de convoyer l'argent volé.»Le magistrat rend hommage à l'inspecteur Youcefi d'El Khalifa Bank, empêché de mener une inspection parce qu'il était le premier à avoir décélé un trou de 380 millions de dinars avant même que l'expert Hamid Foufa, ne découvre, en 2003, le trou financier de 5 milliards de dinars. «Rappelez-vous de ses déclarations, ici. Il avait fait l'objet de menaces de mort lorsqu'il a tenté de savoir pourquoi les responsables ne voulaient pas d'inspection.Kebbach Ghazi, lui a clairement dit de ne pas se mêler pour les laisser voler comme ils veulent. Il suffit de regarder les dates des actes de propriété des terrains et des villas que les accusés ont achetés dans les quartiers huppés de la capitale, vous comprendrez qu'ils ont été acquis au moment des faits et qu'ils n'ont pas seulement volé, mais créé des entreprises avec l'argent d'El Khalifa Bank», affirme le procureur général, citant la société Vigoris de Djamel Guelimi qui a, selon lui, fait sortir 290 millions de dinars, et une autre qui a viré 120 millions de dinars.A propos des commissaires aux comptes, le magistrat les présente comme des fonctionnaires de la banque parce que, précise t-il, l'un d'eux a déclaré avoir été désigné par le PDG de la banque. «Est-ce normal ' Comment peut-il faire son travail après ' Je récuse le qualificatif de ?'crème des banquiers parce que tous ont été complices. Abdelmoumen a été une grande déception. Qui d'entre nous peut offrir son argent à tous ces gens ' Un sponsor de l'Olympique de Marseille, l'achat de trois villas, une réception mondaine avec l'argent de la banque. C'est un massacre !» déclare le magistrat.Il cite ces factures trouvées chez Chachoua Abdelhafid, de la réalisation d'un fil documentaire sur l'empire Khalifa, qui a coûté «350 000 dollars déboursés par la banque ; n'est-ce pas un abus de confiance carractérisé '» Abdelmoumen est là non pas parce qu'il est revenu, mais après une extradition de Grande-Bretagne. Revenant sur les agences, il évoque les actes commis par les directeurs des cadres dirigeants, accusés d'avoir participé au «pillage» des fonds des déposants.




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