Algérie

PROCÈS DU SÉISME DE BOUMERDÈS



Ces zones d’ombre qui agacent les juges
Les expertises ont été concoctées sans même la présence d’un huissier de justice. Après l’Opgi et l’Eplf, le tribunal pénal près la cour de Boumerdès a examiné, hier, les dossiers des 32 logements de la promotion immobilière Derriche, le projet des 1500 lits de la cité universitaire de Corso et les 60 logements de la Sntf de Corso. Il faut dire qu’aux termes de ces cinq épisodes et autant d’audiences égrenées, les mêmes questions-réponses entendues lors du procès de première instance ont été rééditées à la barre, cette fois encore. Les observateurs ont soulevé une question fondamentale à propos de ce procès: peut-on être juge et partie?Les poursuites judiciaires ont été engagées par la puissance publique sur la base de rapports d’expertises ou d’évaluations techniques, orientés ou guidés et sur lesquelles tout le monde s’accorde à dire qu’elles étaient «bâclées». Et en somme, un travail ficelé sans aucun contrôle de la justice.On déplore le fait de n’avoir pas associé ni le parquet, encore moins le juge d’instruction. Les expertises ont été concoctées sans même la présence d’un huissier de justice. Car pour le bon respect des procédures, toutes les expertises appellent à une contre-expertise.Dans ce contexte relatif aux expertises scientifiques et techniques dignes de ce nom, l’éminent professeur en dynamique et en génie parasismique et néanmoins président du club des risques majeurs et également président de Gpds, a déclaré qu’il aurait fallu aller vite sur le terrain, en tirer des conclusions et procéder à des simulations numériques sur modèle équivalent de l’ouvrage effondré, en adoptant les mêmes caractéristiques physico-mécaniques des différents éléments constituant la structure. A partir de là, on peut analyser et évaluer les résultats qui seraient donnés par le logiciel qui permettraient à l’expert désigné d’en tirer les conclusions concernant la résistance où la faiblesse de l’ouvrage. Pour revenir au procès, il convient de noter qu’aucune victime n’a été enregistrée dans l’effondrement du réfectoire de la cité universitaire de Corso, contrairement aux 32 logements de Derriche ayant occasionné 13 morts et les 60 logements de la Sntf, 49 morts. Concernant le cas de 1500 lits de Corso, il faut rappeler que le seul mis en cause dans cette affaire, en l’occurrence Ghazibaouen Achour, en sa qualité de chef de projet relevant de la Dlep, a été relaxé en raison de la légèreté des dommages occasionnés.Appelé au prétoire pour donner les raisons de l’effondrement, M.Brara Ahmed, expert de la commission ministérielle, avancera que la nature du sol sur lequel a été implanté le bâtiment est sablonneuse et que la note de calcul faite selon le RPA 88 a été acceptable.Le projet en question a été réceptionné provisoirement en 2002 vu l’urgence de prendre en charge la restauration des étudiants de la cité universitaire de Corso, selon l’unique accusé dans ce dossier. S’agissant du projet des 32 logements de la promotion immobilière Derriche, ouvert également hier, le dossier le concernant aurait disparu.Interrogé par le président de l’audience sur le pourquoi du lancement dudit projet sans même l’obtention du permis de construire, M.Derriche, en sa qualité de promoteur, s’est contenté de répondre que tous les documents administratifs et techniques relatifs à ce projet ont disparu avec la victime de l’effondrement, qui est entrepreneur chargé de la construction. L’expert judiciaire, pour sa part, dira qu’aucun document n’a été récupéré à propos de ce projet.Une des victimes miraculées de l’effondrement des 32 logements a déclaré qu’elle fut retirée des décombres et le chargé de la réalisation, alibi, n’était qu’un maçon travaillant pour le compte du promoteur. Le troisième dossier examiné, hier, est celui des 60 logements de fonction de la Sntf. Leur effondrement a causé 49 morts. Ce bâtiment récent de Corso, à quelque 22 km de l’épicentre, a été construit entre 1993 et 1997 à proximité de la voie ferrée et la RN24.Ziadi Mouldi, P-DG de la Sntf, a été le maître de l’ouvrage de ce projet. Interrogé sur les raisons de l’effondrement, il rétorquera qu’ils sont dus à l’instabilité du sol en confirmant qu’aucune réserve n’a été formulée sur le projet jusqu’à la réception provisoire. Toutefois, il est relevé que le bâtiment a été réceptionné sans le CTC. Cet organisme a formulé des réserves sur le choix de terrain et l’obligation de servitude. Autrement dit, la construction d’un mur de soutènement et un voile périphérique pour atténuer les vibrations, selon les déclarations de Farid Benghanem, ingénieur du CTC.Mais selon le maître de l’ouvrage, «il n’a jamais été question d’un voile périphérique». Dans ce contexte, M.Brara Ahmed, expert de la première commission ministérielle, expliquera que la violence du séisme était telle que le bâtiment n’avait pas le temps de résister, les accélérations ont été de trois à quatre fois supérieures à celles consignées dans les calculs sismiques du RPA 88.Pour ce dernier, la rupture des structures verticales qui s’est produite sur les 32 logements dont le rez-de-chaussée fut complètement englouti, est une rupture non usuelle ou inhabituelle, comme dans le cas du séisme de Kobe au Japon.Toutefois, d’autres anomalies ayant fragilisé le bâtiment existent, telles la conception des formes de symétrique, l’ancrage des fondations insuffisant et l’absence d’un voile périphérique qui pouvait servir comme boîtier de rigidité.A cela s’ajoute le profil de la nature du sol, dont l’étude géotechnique a révélé qu’il est constitué de remblai argileux et de sable fin et grossier.


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