Algérie

Procès des neuf officiers de police : La perpétuité requise contre sept accusés



Ni le week-end, ni le 1er Mai n'ont pu arrêter, le temps d'une pause, le fil- ininterrompu du procès des neuf officiers de police impliqués dans une sombre affaire de trafic de drogue en 2005 à Tlemcen. Sans trêve, le feuilleton judiciaire, qui a depuis le lundi 25 avril pour scène le prétoire du criminel du Palais de justice de Sidi Bel-Abbès, se poursuivait hier pour le 7e jour.

Ainsi, le verdict, attendu hier soir ou aujourd'hui au plus tard, marquera-t-il l'épilogue d'un fait de chronique judiciaire peu commun à tout point de vue. L'audience du samedi a vu le début des plaidoiries. Après les parties civiles, la douane en tête, le représentant du ministère public a pris la parole. Au terme d'un réquisitoire déchaîné et virulent, il a requis sept peines de réclusion criminelle à perpétuité, cinq peines de 8 ans de prison et deux autres de 5 et 4 ans. L'ex-divisionnaire de Tlemcen (2002-2005), S. Mohamed, fait partie des sept accusés contre qui l'avocat général a demandé la peine maximale - la perpétuité -, les six autres étant des présumés trafiquants de drogue, dont N. El-Houari, présenté par l'accusation comme un narcotrafiquant sur la liste noire d'Interpol et qui purge actuellement 18 ans de réclusion à la maison d'arrêt de Sidi Bel-Abbès. Huit ans de prison ont été requis contre quatre autres ex-officiers de police, parmi eux le chef de sûreté de daïra de Maghnia durant la période des faits, D. Djillali, ainsi que M. Djamel, l'officier préposé au service du standard dans le même commissariat, l'homme par qui est venue toute l'affaire.

 Les réquisitions du ministère public ont suscité une vague de critiques parmi les avocats de la défense et ont valu des épithètes tout autant acides et abruptes : «superficielles», «expéditives», «délirantes»…

 Mais le moment fort du procès aura été incontestablement la comparution à la barre de l'ancien patron de la police de Tlemcen. Là aussi, des révélations bouleversantes, il y en a eu. Même si, il est vrai, le débat s'est égaré par moments dans des logorrhées. Des faits gravissimes, peut-être, mais inutiles et sans rapport avec le dossier jugé, certainement.

 Tout au long de l'audience, S. Mohamed n'a cessé de crier au complot, à la machination, dont les tireurs de ficelles sont, selon ses dires, «Belmadani et consorts». Entre le chef de la sûreté de wilaya de Tlemcen, Senouci, et le chef de la division régionale antistupéfiants, Belmadani, il y avait beaucoup plus qu'une animosité qui tirait ses raisons dans la rivalité professionnelle, l'interférence des pouvoirs entre les deux patrons flics. A en croire la version de l'accusé, il aurait été mouillé dans cette histoire de drogue, car il a eu le culot et le tort de «dénoncer le responsable de la section territoriale de lutte contre les stupéfiants auprès de la tutelle pour ses accointances et ses interventions secrètes en faveur d'une famille de barons de kif bien connue dans la région ». «Ça fait quatre longues années que j'attends ce moment-là, monsieur le président. Laissez-moi vider mon sac. Je suis innocent, je suis victime d'un règlement de comptes d'une rare bassesse», tonne l'ex-divisionnaire à la barre, couvé par ses trois conseils, maîtres Brahimi Miloud, Fahim Hadj Habib et le bâtonnier Othmani Mohamed.

Le jour de la saisie de plus de 2 quintaux et demi de kif dans une R 25 à Maghnia, le divisionnaire était en compagnie d'une commission interministérielle en mission dans cette ville pour trouver une issue au problème des harraga africains. Fait avéré du reste. Quant à ses relations avec la tristement célèbre famille des H., l'ex-divisionnaire a soutenu mordicus qu'elle se limitait à la seule connaissance de l'un de ses membres, Bouâzza (accusé en fuite), un trafiquant «repenti» exploité par la police comme indicateur, selon l'ex-patron de la police de Tlemcen.

 S. Mohamed, 59 ans, est mis en examen pour «complicité de trafic de drogue par une organisation criminelle» et «recel d'un criminel recherché».

 L'affaire remonte au 19 novembre 2005 : à 09h15, le standardiste du commissariat de la daïra de Maghnia reçoit un appel téléphonique faisant état de l'existence d'une voiture remplie de kif près du domicile d'un certain B.B., connu sous le sobriquet de «Ould El-Anzi» (le cabri), situé au fin fond de Maghnia. Munis d'un mandat de perquisition, des policiers investissent les lieux. Dans une Renault 25 rouge, garée près de la maison de B.B. et non fermée à clé, ils trouvent 275 kg de kif dans le coffre. Sous le frein à main, un extrait de naissance et une copie de la carte d'identité de B.B. sont posés à portée de vue. Ce dernier est arrêté. Ni la R 25, ni le kif qui était à l'intérieur ne lui appartiennent, selon lui. Il nie tout et crie au complot. Or, des indices convergents, dont des témoignages de voisins ayant vu, la veille, deux hommes planter le décor de la R 25 bourrée de kif, seront enregistrés à la décharge d'alias «Cabri».

 De qui provenait l'appel ? L'officier qui reçoit le coup de fil mentionne sur le registre des appels un numéro commençant par 071 et le nom de B.F. (faux nom). Mais il biffe ensuite au stylo ces indications. Selon ses dires, il l'a fait sur ordre et sous la pression de ses supérieurs, après que ceux-ci eurent identifié le titulaire de cette ligne téléphonique mobile, H.N., un gros bonnet de la drogue. Pour l'accusation, il y a de forts soupçons que c'est ce dernier qui, depuis sa cellule de prison, a tramé le coup de la R 25 pour «mouiller» B.B. Cette piste est confortée par la découverte, le 24 décembre 2005, de 25,4 quintaux de kif dissimulés dans l'ossature métallique d'une remorque de camion parquée dans un parking à Ghazaouet, véhicule appartenant, selon les investigations, à H.N. L'un des huit compartiments du plateau où était caché le kif était rempli de terre - pour que cela ne sonne pas creux lors des contrôles de barrage -. Son volume coïncidait avec celui des 275 kilos de la R 25 rouge.




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