Algérie

Prix des carburants : Le gouvernement algérien hésite à franchir le pas


La situation est mûre pour une augmentation des prix des hydrocarbures en Algérie. Mais la situation politique n'y est pas favorable.Le gouvernement algérien a préparé le terrain, mais n'ose pas encore franchir le pas et annoncer une augmentation des prix du carburant. Pris entre une situation économique dévastatrice, en raison du niveau des prix très bas, et la crainte de perturber la paix sociale en cas d'augmentation des prix, le gouvernement tient un discours contradictoire, sans jamais oser passer à l'action. Pourtant, il peut bénéficier d'un large soutien à une éventuelle décision d'augmenter les prix. Experts, économistes, industriels et hommes politiques sont favorables à cette idée, qui réunit un large consensus, à l'exception de quelques députés.
Les raisons de ce consensus sont multiples. La consommation a explosé, forçant l'Algérie à importer pour 2.8 milliards de dollars de carburants en 2012. La facture devrait encore augmenter cette année, avant de baisser progressivement, permettant à l'Algérie de devenir exportateur de produits raffinés vers 2017, lorsque les six nouvelles raffineries en projet entreront en production. Le niveau actuel des prix empêche de rationaliser la consommation, et de lancer une politique des transports cohérente. Le faible prix du carburant encourage fortement l'acquisition de véhicules particuliers (+9.56% au premier semestre) dans un pays qui affiche pourtant sa préférence pour les transports publics.
Mais c'est surtout le trafic aux frontières qui pousse experts et hommes politiques à réclamer une hausse des prix. Le ministre de l'intérieur Daho Ould Kablia a déclaré, il y a une semaine, que 25% du carburant produit traversait clandestinement les frontières pour être revendu au Maroc, en Tunisie ou dans les pays du Sahel.
Un immense trafic aux frontières
Ces chiffres semblent toutefois très exagérés. Ils semblent plutôt destinés à frapper les esprits, pour préparer éventuellement une augmentation des prix. Dans la foulée, le ministre de l'Energie, M. Youcef Yousfi, a déclaré que le trafic concerne 1.5 milliards de litres, pour un montant total d'un milliard d'euros. Cette estimation semble plus proche de la réalité, même si le trafic reste, par essence, difficile à évaluer avec précision. Ce volume suffirait, selon M. Yousfi, pour faire rouler 600.000 véhicules pendant une année, l'équivalent de tous les véhicules qui seront importés en Algérie en 2013.
Le trafic à grande échelle a provoqué des pénuries dans les régions frontalières. Pendant de longues années, une sorte d'omerta entourait ce trafic, et un ancien haut responsable était allé jusqu'à dire que l'Algérie tolérait la contrebande comme « une forme de solidarité de l'Algérie avec les peuples voisins ».
Depuis quelques semaines, la situation a complètement changé. Presse et hauts responsables en parlent abondamment, soulignant que l'Algérie importe une partie du carburant consommé, le revend à perte, pour le voir aussitôt franchir illégalement les frontières. Les walis des régions frontalière ont pris des décisions de rationnement de l'essence, et les différents services chargés de lutter contre la contrebande (gendarmerie, douane, garde-frontières) sont mobilisés, sous les projecteurs de la presse. « C'est une campagne destinée à préparer l'opinion à une augmentation des prix dans la prochaine loi de finances complémentaire », déclare un économiste à Maghreb Emergent.
Hésitations
Un député FLN estime toutefois que « la décision n'a pas encore été prise ». Selon lui, « la situation est mûre, mais le gouvernement hésite encore ». De telles mesures « sont traditionnellement annoncées aux députés de manière informelle bien avant les débats à l'APN. Ce n'est pas encore le cas », dit-il. Pourtant, la solution la plus efficace pour lutter contre le trafic consiste à le rendre peu attractif.
Autre difficulté qui empêche d'augmenter les prix, une telle décision nécessite l'existence d'un centre de décision en mesure de trancher sur des questions délicates. La maladie du président Abdelaziz Bouteflika, sa longue absence, et son incapacité à reprendre ses fonctions de manière efficiente laissent planer le doute sur l'aptitude du gouvernement à oser une telle décision et à en assumer les résultats. « Le gouvernement redoute une fronde sociale, notamment à cause de l'inévitable hausse du coût du transport qui va en résulter », selon un économiste. Mais plus que tout, le gouvernement, qui veut à tout prix préserver la paix sociale, ne veut prendre aucune décision qui risquerait de perturber la fin du troisième mandat du président Bouteflika. Ce qui risque de reporter la décision à l'après élection présidentielle.
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