Publié le 22.06.2024 dans le Quotidien le soir d’Algérie
MOHAMED KEBCI
Les lauréats du concours de dictée en tamazight, organisé il y a un mois, ont été honorés samedi dernier lors d’une sympathique réception.
Ils étaient dix parmi la quarantaine de participants à la deuxième édition du prix Belaïd-Ath-Ali de la dictée en tamazight qu’organise, depuis l’année dernière, l’association culturelle Tanekra des Ouacifs, dans la wilaya de Tizi-Ouzou, à s’être distingués en arrachant les places des podiums des trois catégories du concours.
Ainsi, dans la catégorie des élèves de niveau 5e année primaire, Aksel Kaloun s’est adjugé le premier prix alors que ses camarades Ṣafa Mechouche et Alisya Keddam ont brillamment arraché les deuxième et troisième places respectivement.
Chez les collégiens, c’est Katya Ifrah qui s’est distinguée en arrachant la première place, suivie de Tilelli Keddam et Katya Keddam sur les deux autres marches du podium de cette catégorie qui a aussi vu la participation de certains lycéens qui n’étaient pas nombreux à prendre part à cette édition du fait que celle-ci a coïncidé avec les examens de fin d’année scolaire.
Dans la troisième catégorie, celle des adultes, c’est encore une fois Hassène Kashi qui s’est distingué en se plaçant à la plus haute marche du podium suivi de son compère et complice Mohammed Arab Bentayeb, de Fayna Loukkad et de Adidi Loukkas. Cette dernière, une sexagénaire, s’est distinguée en compagnie de bien de personnes de sa génération par son amour sans limite pour sa langue maternelle qu’elle maîtrise presque à la perfection surtout à la lecture. Ces dix lauréats se sont vu décerner des livres en tamazight offerts par le Haut-Commissariat à l’amazighité et le Salon du livre amazigh des Ouacifs qui sont les partenaires de ce concours culturel. Ils se sont également vu remettre des diplômes d’honneur gracieusement offerts par un autre partenaire de l’association organisatrice de ce prix littéraire qui vise, selon Madjid Loualiche, poète et membre de Tanekra, à «encourager l’écriture en tamazight notamment chez les élèves des divers paliers», faisant part, dans la foulée, d’un «deuxième concours littéraire prévu prochainement consistant en la deuxième édition du prix Mouloud-Mammeri de la lecture en tamazight». Notre interlocuteur n’a pas manqué de remercier les partenaires de ce concours culturel, particulièrement les enseignants Farid Berkal et Yazid Aït Amara qui encadrent ce prix. Baptisé du nom du tout premier écrivain d’expression amazighe Belaïd Ath Ali, ce concours dans sa deuxième édition a vu la participation d’une vingtaine d’élèves des paliers du primaire et du moyen en plus de quelques personnes hors circuit scolaire.
Belaïd Ath Ali est reconnu comme l'auteur du tout premier roman d'expression amazighe. De son vrai nom Izarar Belaïd, il naquit le 25 novembre 1909 à Bouira où sa mère exerçait comme institutrice à qui il doit beaucoup pour sa maîtrise presque parfaite de la langue de Molière dès son jeune âge mais également de sa langue maternelle. Seulement, au retour au village de la famille six ans après, il fréquentera l’école primaire d’Azru-Uqellal, près de Aïn El-Hammam, en Haute-Kabylie, où il se révélera brillant.
À onze ans, il rejoint son frère en France avec qui il passera six années avant de renouer de nouveau avec l’ambiance villageoise. Orphelin de père à seize ans, Belaïd divorcera presque aussitôt marié par sa mère à une fille beaucoup plus âgée que lui. à la faveur de son service militaire qu’il effectuera à Alger, il nouera une relation avec une jeune Française qui le lâchera plus tard après avoir découvert que Robert n’était en fait qu’un surnom qui lui fut attribué lors de son séjour en France durant son enfance.
Digérant mal cette rupture, Belaïd rejoindra de nouveau la France où il exercera plusieurs métiers avant de reprendre le chemin du village natal où il convolera en secondes noces.
Un deuxième mariage qui sera similaire au premier avec en sus un enfant que sa mère prendra avec elle à Alger. Il prendra aussitôt le chemin de l’exil pour rejoindre une de ses sœurs avant d’atterrir au Maroc chez son demi-frère qui occupait un poste important avant de faire le chemin inverse en France puis quelque temps après dans son village natal. Mobilisé durant la Seconde Guerre mondiale, Belaïd ne rejoindra pas ses camarades appelés à rejoindre la Corse en France après une permission au village.
Il sera atteint de scorbut qui lui a fait perdre presque toutes ses dents des suites de ses beuveries répétitives dans l’espoir d’oublier ses déboires. Errant de peur d’être arrêté, il arrivera à retrouver son demi-frère au Maroc qui le rabrouera en lui payant un voyage par train jusqu’à Maghnia où il descendra et sera arrêté par la police qui l’expédiera à Tlemcen. Tombé malade, il sera hospitalisé à cause d’ une tuberculose; Il sera évacué à Oran puis à Sig avant de revenir de nouveau à Oran et finir au pavillon des incurables à l’hôpital de Mascara où il rendra l’âme le 12 mai 1950.
Très doué et apprenant vite pour avoir eu une base solide, Belaïd Ath Ali est l'auteur de nombreux titres brassant plusieurs genres littéraires dont de nombreux contes en langue amazighe comme L'ogre, Le cailloux qui parle, le Hérisson et le Chacal, le Riche et le Pauvre, La vache des orphelins, le Meilleur et le Pire, Ce que l'on sème, Des histoires que l'on raconte... Mais c'est Lwali n wedrar (Le saint homme de la montagne) qui constitue son œuvre majeure puisqu'il est considéré comme étant le premier roman d'expression amazighe. Ce roman où l’auteur traite des croyances profondes et de la psychologie des Kabyles quant à leurs rapports avec le visible et l'invisible a été publié pour la première fois en 1946 avant sa réédition par les éditions Tira en 2015.
Il faut préciser, enfin, que le gros des œuvres de Belaïd Ath Ali a été réuni dans un seul volume ayant pour titre Les cahiers de Belaïd ou la Kabylie d'antan.
Mohammed Kebci
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Posté Le : 24/06/2024
Posté par : rachids