Algérie

Prisonniers d'opinion


La mort tragique de Kamel Eddine Fekhar repose avec acuité la question des prisonniers d'opinion en Algérie. Plusieurs voix se sont élevées avec véhémence pour exiger la libération de ces numéros d'écrou, à leur tête Brahim Aouf, dénonçant souvent des dossiers d'inculpation vides et d'une volonté des autorités de faire taire les avis contradictoires. Ces détenus politiques sont une réalité de l'univers carcéral algérien et la seule arme dont ils disposent reste le recours à la grève de la faim qui a laissé de nombreux militants sur le carreau. Même si en 2018, l'ancien président de la Commission consultative de défense et de promotion des droits de l'homme, Me Farouk Ksentini, affirmait qu'«il n'y a pas de détenus politiques en Algérie», il est clair que cette notion n'est pas étrangère à l'arsenal répressif des autorités centrales contre les opposants. Les prisonniers d'opinion ont de tout temps écumé les geôles algériennes, et de Ben Bella à Zeroual en passant par Boumediene, Chadli et la décennie noire, la question des droits de l'homme et des libertés individuelles, syndicales ou religieuses ont été au c?ur de ces dossiers judiciaires. Les années Bouteflika n'ont pas dérogé à la règle puisque plusieurs personnes ont été emprisonnées pour avoir dénoncé la politique du régime ou dénoncé le mandat de trop. Mohammed Tamalt, également mort à l'hôpital de Bab El-Oued «après plus de trois mois de grève de la faim suivis d'un coma de trois mois», avait été condamné à deux ans de prison pour «offense au président de la République». Le général Benahdid, incarcéré plus de neuf mois, une première fois en 2015 parce qu'il avait critiqué la gestion du chef d'état-major de l'armée, est de nouveau en prison depuis le 12 mai dernier. Ces deux exemples, entre autres détenus d'opinion, ainsi que le blogueur Merzoug Touati, le défunt Fekhar ou encore Aouf, sont ces porte-drapeaux d'une classe de prisonniers hors normes qui ont été mis à l'ombre à cause de leurs seules opinions politiques. Une question d'actualité puisque le Conseil des sages mozabites de ksar Ghardaïa exigeait, mardi dernier, la libération immédiate de tous les prisonniers liés aux événements de Ghardaïa. En janvier 2017, le collectif de militants kabyles de défense des droits humains appelait à la libération des détenus du Mzab et des autres militants de la liberté. Il estimait que «les droits fondamentaux sont gravement bafoués en Algérie, on ne compte plus le nombre de prisonniers d'opinion, d'arrestations, harcèlements et d'intimidations dont sont victimes des citoyens impliqués, ou pas, dans la vie politique ou associative». Les autorités ont intérêt à faire toute la lumière sur la mort tragique de Fekhar et de poursuivre les responsables de cette disparition, elles qui s'étaient brillamment illustrées par un silence complice dans la mort de Tamalt.
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