Chaque jour qui
passe rapproche le monde d'un conflit majeur opposant une partie de l'Occident
et de ses alliés arabes à la République islamique d'Iran. Il peut paraître
paradoxal d'aborder cette question alors que l'actualité reste marquée
respectivement par les lendemains de la victoire des islamistes d'Ennahdha en Tunisie, par les incertitudes quant à la nature
du nouveau régime libyen et par les massacres – on ne peut utiliser un autre
terme – des populations civiles en Syrie. Cela sans oublier la grave crise
politique, économique et financière qui risque de sonner le glas de la zone
euro et, avec elle, de l'Union européenne.
Pourtant de
nombreux indices montrent qu'une mécanique implacable est en train de se mettre
en place laquelle vise non seulement à mettre fin au programme nucléaire
iranien mais aussi à faire chuter le régime des mollahs. Pour bien le
comprendre, il faut peut-être s'astreindre à un peu plus de recul par rapport à
l'actualité du «Printemps arabe » tout en essayant d'en analyser certaines
conséquences et de comprendre dans quelles perspectives elles s'inscrivent.
Commençons par la Tunisie. La majorité
des chancelleries occidentales, notamment celle des Etats-Unis, a salué le
succès électoral d'Ennahdha, exception faite de la
position quelque peu réservée de la
France (pouvait-il en être autrement quelques mois à peine
après la chute de l' «ami» Ben Ali ?). Nombre de responsables de partis
démocrates tunisiens le confirment. Le message qui leur a été délivré par
Washington et ses diplomates est dénué d'ambiguïtés. Il n'est pas question pour
l'oncle Sam d'aller à l'encontre du «choix populaire
», comprendre le vote en faveur d'Ennahdha. L'époque
de janvier 1992, où la première puissance mondiale s'accommodait de
l'annulation brutale de la victoire de l'ex-Front islamique du salut (FIS)
paraît bien révolue...
Prenons
maintenant la Libye. On
ne sait pas encore ce que sera l'après-Kadhafi mais
une chose paraît certaine : les nouveaux maîtres de la Tripolitaine et de la Cyrénaïque
auront beaucoup de mal à adopter une ligne politique autonome vis-à-vis
d'Occidentaux qui leur agitent déjà la facture du conflit armé de ces sept
derniers mois. Bien sûr, cela ne signifie pas une allégeance totale ou le
retour du temps des protectorats et des concessions. Mais, concernant une
question aussi grave que le déclenchement d'une guerre contre l'Iran, les
Etats-Unis et leurs alliés se disent désormais qu'ils pourront compter sur, au
moins, la neutralité des Libyens et des Tunisiens. Cela sans oublier les
Egyptiens puisque l'on peut parier que la victoire électorale annoncée des
Frères musulmans à la fin du mois sera, elle aussi, saluée à Washington et à
Londres (peut-être même aussi à Paris). Attitude normale dira-t-on dès lors que
les urnes et la volonté populaire auront tranché. Certes, mais, là aussi, les arrière-pensées
seront nombreuses.
En clair, si le
chef de file du camp occidental se résigne à accepter l'arrivée au pouvoir de
courants politiques religieux dans la majorité du monde arabe, c'est qu'il
estime qu'il y gagne sur deux tableaux. D'abord, cela promet, selon lui,
l'apparition d'une stabilité plus solide et plus durable que celle que
prétendaient assurer les tyrans. Ensuite, cela offre la garantie que les
opinions publiques, ces fameuses «rues arabes» se tiendront tranquilles (en cas
d'attaque contre l'Iran) dès lors que leurs pouvoirs, enfin légitimés par les
urnes, leur demanderont de le faire au nom de l'intérêt national. Un intérêt
qui sera jugé supérieur à la solidarité entre musulmans.
Le Printemps
arabe et l'arrivée aux affaires de courants islamistes sunnites dont certains
sont largement financés par les monarchies (sunnites) du Golfe sont finalement
une mauvaise nouvelle pour l'Iran. A ce sujet, on sait à quel point les pays du
Golfe sont terrorisés (le mot n'est pas faible) à l'idée que Téhéran puisse
disposer un jour de l'arme atomique. Leur raisonnement est simple : qui osera
alors empêcher les pasdarans de s'emparer des champs gaziers et pétroliers du
Qatar ou des Emirats arabes unis au nom de vieilles, et non résolues,
revendications territoriales ? Et dans cette affaire du nucléaire iranien, on
ne relèvera jamais assez que les monarchies du Golfe sont aujourd'hui les
alliés objectifs d'Israël qui, à en croire une partie de sa presse, serait de
plus en plus tenté par une action militaire préventive.
Résumons. Les
Etats-Unis vont tôt ou tard frapper l'Iran pour l'empêcher de se doter de la
bombe nucléaire. Cette action militaire sera soutenue, applaudie et peut-être
même accompagnée par Israël mais aussi par les monarchies du Golfe où la haine
du chiite, fut-il arabe, est en train de virer à l'hystérie paranoïaque. Pour
Washington et ses alliés du Golfe, cette action bénéficiera, au minimum, de la
retenue pour ne pas dire de la compréhension de peuples arabes (tunisien,
libyen, égyptien…) ayant apprécié que l'Occident ait accepté, et salué, leur
choix électoral en faveur de l'islamisme. Dans ce scénario, il apparaît comme
évident que le cas du régime d'Assad (allié politique
et confessionnel de Téhéran) ne se règlera qu'une fois le régime des mollahs
tombé.
Pour autant, rien
ne dit que les peuples arabes «libérés », y compris en Libye, se comporteront
comme prévu. On se souvient de la base du FIS forçant ses dirigeants à se
ranger auprès de l'Irak de Saddam contre l'Arabie saoudite (c'était en 1991, à
la veille du déclenchement de la
Guerre du Golfe) laquelle était pourtant une généreuse
donatrice. On sait aussi que le sentiment anti-américain reste très fort et
qu'il s'est même exacerbé depuis la pitoyable volte-face d'Obama
sur le dossier palestinien… Mais il est possible que l'apathie du monde arabe,
et ses divisions, durant l'intervention de l'Otan en Libye ont convaincu les
stratèges américains qu'une action militaire contre l'Iran ne déclenchera pas
de protestations populaires de grande ampleur. Ce serait-là une conséquence
pour le moins paradoxale du Printemps arabe…
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Posté Le : 03/11/2011
Posté par : sofiane
Ecrit par : Akram Belkaid : Paris
Source : www.lequotidien-oran.com